mercredi 19 mai 2010

Emmanuel Levinas

Emmanuel LEVINAS (1905-1995)
Né en Lituanie, le 12 décembre 1905, il est élève dans une famille juive de libraires à Kovno
En 1923, il émigre en France et s’inscrit à l’Université de Strasbourg pour les études de philosophie. Il a pour professeurs Georges GURVITCH et Maurice PRALINES et pour ami Maurice BLANCHOT, grâce auquel il lit Proust et Valéry. Il découvre la vie nouvelle de Bergson mais, surtout, il lit les Recherches logiques de Husserl qui lui ouvre de « nouvelle possibilité de pensées ». Il s’inscrit au cours de Heidegger et participe au célèbre colloque de Danos où s’affrontent Cassirer et Heidegger. Il traduit les Méditations cartésiennes (publiée en 1931) et la même année, il obtient sa thèse de Doctorat sur Théorie de l’intention dans la phénoménologie de Husserl. Levinas est le premier à introduire en France la pensée de Husserl et celle de Heidegger
En 1930, Levinas est naturaliser français, il s’installe à Paris et entre dans l’administration scolaire de l’Alliance Israélite Universelle.
En 1940, il est mobilisé comme interprète pour le russe. Fait prisonnier, il reste cinq ans en captivité, protégé, quoique juif, par son statut de prisonniers de guerre.
En 1946, il devient Directeur de l’Ecole Normale Israélite Orientale d’Auteuil.
En 1961, après la publication de sa thèse d’Etat, Totalité et Infini, il est nommé professeur à l’Université de Poitiers.
En 1967, il est nommé à Nanterre.
En 1973, il est nommé professeur à la Sorbonne.
Sa retraite effective intervient en 1979.
Levinas meurt le 24 décembre 1995 à l’âge de 90 ans



INTRODUCTION
La philosophie, dans son ambition ultime, est explication et compréhension totale de l’homme, du monde et des fondements de nos connaissances. De l’Antiquité égyptienne et grecque jusqu’à la l’époque contemporaine, la tâche de la philosophie consiste en l’effort de comprendre l’essence (fondement) et le sens (signification) du réel. La réalité humaine occupe une place centrale. Ainsi, la tâche de la philosophie éthique est t’interroger l’agir humain et, plus profondément « l’humanité de l’homme ». En effet, la philosophie d’Emmanuel Levinas est essentiellement promotion de l’altérité. Toutefois l’expérience douloureuse, du rejet, de haine et d’incompréhension, qu’a connue l’humanité en général et les juifs en particulier pendant les deux guerres mondiales, a poussé Levinas à sonner une alerte d’une urgence morale. «Il vient à la fois donner un statut à la crise intellectuelle qui s’est durcie en Europe après la seconde guerre mondiale, crise précisément de la pensée humaniste et, offrir une alternative philosophique, en l’occurrence une nouvelle donnée éthique » . Ce qui l’amène à poser l’éthique comme philosophie première au détriment de la métaphysique qui est absolutisation de l’être. Il s’agit de penser l’homme dans son rapport avec le monde et, surtout avec l’altérité. C’est-à-dire comprendre l’homme dans sa relation intersubjective. Et pour bien expliciter sa pensée, il manie un certain nombre des concepts qui auraient été mal compris et contribueraient à cette triste réalité. C’est dans ce sens qu’il substitue l’éthique à la métaphysique, l’autre à la subjectivité du même, et l’infini à la totalité. Il pose enfin le visage comme trait fondamental qui caractérise autrui et me permet de le comprendre.
L’autre est d’abord visage et, ce visage est expression, il me convoque et, me rappelle à la responsabilité. Ainsi, le moi n’est plus réduit par l’autre à l’état d’objet et, le choc de sa rencontre m’élève à la condition de sujet, loin de heurter ma liberté, l’investie. Cependant, que peut représenter le visage de l’autre pour moi ? Ou alors quel rapport établir entre le visage de l’autre et moi ? Notre travail comporte cinq parties : la première porte sur l’éthique comme philosophie première, la deuxième sur la phénoménologie du visage, la troisième sur le visage : lieu de la rencontre de l’altérité, la quatrième sur le visage et responsabilité et la cinquième est une appréciation critique
I- VISAGE ET LANGAGE
Le visage et le langage sont indissociables chez Levinas parce que le visage signifie présence vivante et expression, tout le contraire d’un masque, d’une image figée dans sa forme. De plus, le « Tu ne tueras point » est la première parole du visage. Or c’est un ordre irrécusable, car il y a dans l’apparition du visage un commandement qui interpelle la disponibilité de la conscience, comme si un maître me parlait.
1- Visage comme expression
Le visage se distingue des autres phénomènes par la manière dont il signifie. Il ne prend pas sens à partir du moi ni du champ intersubjectif. « Il prend sens par lui-même, il a un sens à lui-même, il n’est pas l’être dont la singularité est accessible à partir du concept » . Dans le visage l’expérience assiste à l’expression, exprime son expression même – reste toujours maître du sens qu’il livre. Le visage est expression, non au sens d’une forme plastique qui trahit un caché ; en lui, l’exprimé et l’expression viennent à coïncider, tout comme le signifiant et le signifié ; l’apparaître et l’être
C’est là justement que la présence personnelle de l’autre à travers son visage signifie au moi l’ordre de rencontre à la violence et l’engage à se mettre en société avec lui.
« Autre qui se manifeste dans le visage, perce, en quelque façon sa propre essence plastique, comme un être qui ouvrirait la fenêtre où sa figure pourtant se dessinait déjà. Sa présence consiste à se dévêtir de la forme qui cependant déjà le manifestait. Sa manifestation est un surplus sur la paralysie inévitable de la manifestation. C’est cela que nous décrivons par la formule le visage parle. La manifestation du visage est le premier discours. Parler, c’est, avant toutes choses, cette façon de venir de derrière son apparence, de derrière sa forme, une ouverture dans l’ouverture » .
Levinas identifie donc, le visage à la parole. Pour ce faire, la manifestation de l’Autrui par le visage est parole. Le visage est alors signification sans contexte. Ainsi, autrui, dans la rectitude de son visage, n’est pas un personnage dans un contexte donné, comme d’ordinaire, on est un « personnage », par exemple professeur à l’Ecole Normale Supérieure. Ajoutons que dans le discours, Levinas distingue le dire et dit. D’après sa vision, le dire, qui comporte un dit, c’est le fait que devant le visage je ne reste pas simplement là à le contempler, sans mot, sans rien dire, au contraire, je réponds. « Le dire, dit-il est une manière de saluer autrui, c’est déjà répondre de lui » .
Par ailleurs, parler, selon Levinas, c’est en même temps connaître autrui et se faire connaître à lui, c’est être en socialité avec l’autre. Ce visage qui est la transcendance d’un infini est une expression. Par son analyse du visage, Levinas restaure la notion de l’immédiat qui est proche de l‘interpellation ; l’immédiat qui est le face-face. Ainsi, entre une philosophie de transcendance qui situe ailleurs la vie à laquelle l’homme accèderait, et une philosophie de l’immanence où l’on se saisirait de l’être, il y a lieu d’établir avec l’autre une relation non totalitaire qui donne lieu à l’idée de l’infini. Une telle relation, selon Levinas, n’est rien d’autre que la métaphysique.
De cette notion du visage transcendant, non plastique, mais expression qui se manifeste par la parole. Qu’entend Levinas quand il évoque la notion du visage comme relation à l’autre ?
2- Visage comme relation à l’autre
La relation avec l’autre en tant que visage et l’entrée dans le dialogue qu’elle suppose, c’est-à-dire l’expression que le visage introduit dans le monde ne défie pas « la faiblesse de mes pouvoirs, mais mon pouvoirs de pouvoir » . Nous appelons visage l’épiphanie de ce qui peut se présenter aussi directement à moi et, par là même, aussi extérieurement. Et la vraie extériorité est dans ce regard qui m’interdit toute conquête, selon le dire de Levinas qui poursuit sa réflexion de la manière suivante « Le visage (…) est au contraire cette présence que je ne puis dominer du regard, qui déborde et la représentation que je puis m’en faire et de toute forme, toute image, toute vue, toute idée où je pourrais l’affirmer, l’arrêter ou seulement la laisser être représenter » . Le visage exprime ce qui demeure hors de moi.
En outre dans le visage, se présente l’étant par excellence qui n’est pas l’étant de la différence ontologique de Heidegger, ni l’étant en général, car l’étant en général ne pourrait se présenter en personne, c’est un étant abstrait, sans visage, incapable d’être un instrument réel pour autrui. « L’étant par excellence » ici est donc l’étant levinassien, c’est-à-dire cet étant unique dont le visage est une présence vivante, expression et non le « dévoilement d’un Neutre impersonnel ». Le visage est en l’homme ce qu’il y a de plus vulnérable, mais c’est dans cette vulnérabilité que s’inscrit l’impératif éthique. Le visage d’autrui signifie en effet le premier rapport à l’éthique. Si Dieu ne saurait être prouvé, il peut au moins être saisi, à travers la place humaine, qui passé d’une grandeur, vers un caractère non empirique : le visage humaine est sacré et à travers lui, chaque visage devient un Sinaï d’où procède la voix qui interdit le meurtre : « Tu ne tueras pas ! ». Devant autrui et son visage surgit l’expérience pure de l’autre qui se confond avec l’éthique et pose ce visage d’autrui pour la première transcendance par rapport à l’ordre des choses. Et parce que l’autre me requiert, je deviens de fait par cette requête responsable de lui et je l’assume entièrement au point d’en « devenir l’otage de l’autre ».
De plus, Levinas entend la responsabilité comme responsabilité pour autrui, pour ce qui n’est pas mon fait, ou même ne me regarde pas ou qui précisément me regarde et est absorbé par moi comme visage. Je réponds de l’autre de façon fondamentalement dissymétrique, et je n’attends pas la réciproque dût-il m’en coûter la vie. La réciproque c’est son affaire. « C’est précisément dans la mesure où entre autrui et moi la relation n’est pas réciproque que je suis sujétion à autrui, et je suis « sujet essentiellement en sens, c’est moi qui supporte tout » . Et personne ne peut me remplacer dans l’exercice de cette responsabilité à cause de mon unicité.
S’il est convenu qu’autrui est visage, il importe également de relever qu’autrui me parle et je lui parle. Et le visage parle, en ceci que c’est lui qui rend possible et commence tout discours.
Selon lui, le discours conditionne la pensée. Le premier intelligible n’est pas un concept mais une intelligence dont le visage énonce une extériorité inviolable en déclarant : « Tu ne commettras pas de meurtre » . Cette phrase nous montre comment l’essence du discours, pour Levinas, est éthique et marque le refus de l’idéalisme. Le savoir absolu tel qu’il a été recherché, promis ou recommandé par la philosophie est une pensée de l’Egal. Dans la vérité, l’Etre est embrassé. Il y a même promesse d’une vérité plus complète et adéquate même L’existence d’autrui
La notion de l’altérité n’est pas nouvelle dans la philosophie, mais il s’agit ici de l’autre comme l’opposé du « moi ». Pour obtenir une vérité quelconque sur moi, dit Sartre, il faut que je passe par l’autre. Car l’autre est indispensable à mon existence, aussi bien d’ailleurs de la connaissance que j’ai de moi. Au fait, je reconnais que je suis comme autrui me voit. Dans cette pensée, autrui est vu pour le moment positivement. Il n’est pas toujours celui qui dérange mon existence. « Mais du même coup, j’ai besoin d’autrui pou saisir à plein toutes les structures de mon être, le pour-soi renvoie au pour-autrui ».
En effet, la relation entre autrui et moi n’est pas asymétrique comme chez
Parlant de la raison, Levinas s’appuie sur le discours et le visage.si la vérité n’est jamais définitive. Pour Levinas, nous sommes des êtres finis, nous ne pouvons pas achever la tâche du savoir. Dans la limite où cette tâche est accomplie, elle consiste à ne pas réduire l’autre au Même.
Levinas reproche à la pensée occidentale le fait que l’idée de l’infini implique la pensée de l’inégal. Cette idée visée, est infiniment plus grand que l’acte même par lequel on le pense. Il y a disproportion entre l’acte et ce à quoi l’acte fait accéder. Dans l’accès au visage d’autrui, il y a pour lui, un accès à l’idée de Dieu. Pour Levinas la relation à l’infini n’est pas un savoir mais un Désir : le désir ne peut être satisfait, il se nourrit de ses propres faims et s’augmente de sa satisfaction. Il est comme une pensée qui pense plus qu’elle ne pense ou plus que ce qu’elle pense. A ce propos il écrit : « La raison formelle ne s’inscrit que dans un être qui n’a pas de force de supposer sous le visible de l’histoire, l’invisible du jugement » .
Dans les écrits de guerre, Levinas nous montre qu’il est difficile de tuer quelqu’un qui nous regarde de face. Cela pour expliquer que le visage est signification sans contexte. Il est sens en lui seul. Il n’est pas vu ou alors « il est ce qui ne peut devenir un contenu que votre pensée embrasserait, il est incontenable, il vous mène au-delà » . La signification du visage le fait sortir en tant que corrélatif d’un savoir. Au contraire, la vision est recherche d’une adéquation, elle est ce qui par excellence absorbe l’être. L’apparition de l’être est signifiante. Cela veut dire que le visage et le discours sont liés : le visage parle. C’est lui qui rend possible et commence le discours.


3-Visage et parole
Le visage est parole, demande supplication, commandement, enseignement. Il exige aussi aide, réponse, compassion. En regardant autrui, je ne vois pas ses yeux mais je suis transporté dans un au-delà qui me révèle l’idée d’infini que je ne peux trouver en moi-même. Rien n’est plus étrange et plus étranger que l’autre. Il est l’inconnaissable et sa connaissance est fonction de son invocation ainsi que de ma responsabilité à son endroit. Cependant, l’échange, la communication des individus et même la réciprocité des amitiés ne traduit pas la relation à autrui dans toute sa spécificité. Car être en relation avec l’infini revient à dire être en relation avec plus grand que soi. Cette relation avec autrui devient donc essentiellement asymétrique.
« Communication des idées, la réciprocité du dialogue, cache déjà la profonde essence du langage. Celui-ci réside dans l’irréversibilité de la relation entre Moi et l’Autre, dans la maîtrise du Maître coïncident avec sa position d’autre et d’extérieur. Le langage ne peut se parler, en effet, que si l’interlocuteur est le commencement de son discours, s’il reste, par conséquent, au-delà du système, s’il n’est pas sur le même plan que moi. L’interlocuteur n’est pas un Toi, il est un Vous »
De même, la première parole du visage « Tu ne tueras point » constitue son altérité même et la parole devient ainsi une relation entre les libertés qui ne se limitent pas et ne se nient pas, mais s’affirment plutôt réciproquement, et sont transcendantes l’une par rapport à l’autre. Elles ne sont ni hostiles, ni amicales en effet, toute inimitié, toute affection altérerait déjà le pur vis-à-vis de l’interlocuteur.
« Le langage, comme présence du visage, n’invite pas à la complicité avec l’être préféré, au « je-tu » se suffisant et oublieux de l’univers : il se refuse dans la franchise à la clandestinité de l’amour où il perd sa franchise et son sens et de mue en rire ou roucoulement »
La relation du langage ne se réduit pas à celle qui rattache à la pensée un objet qui lui est donné. Le langage ne peut englober autrui ; cet autrui qui n’est pas invoqué comme concept, mais comme personne. Dans la parole, nous ne pensons pas seulement à l’interlocuteur, mais parlons à lui disons le concept même que nous pouvons avoir de lui. Le visage, c’est l’identité même d’un être. Il s’y manifeste à partir de lui-même sans concept :
« La présence sensible de ce bout chaste bout de peau avec front, nez yeux, bouche, n’est pas signe permettant de remonter vers le signifié, ni un masque qui le dissimule. La présence sensible ici se désensibilise pour laisser percer directement celui qui ne se réfère qu’à soi, l’identique. Comme interlocuteur, il se pose en face de moi ; sans que « en face » signifie hostilité ou amitié. »
La particularité d’autrui dans le langage, loin d’en représenter l’animalité ou le résidu d’une animalité, constitue l’humanisation totale de l’autre. Par contre, l’interlocuteur ne fait pas toujours face. Le langage pur se dégage d’une relation où autrui joue le rôle de tiers. Le parler immédiat est ruse. Nous regardons et épions.






III- APPRECIATION CRITIQUE
Le mérite de Levinas est d’avoir valorisé le visage comme étant relation à l’autre. L’autre se manifeste par un trait caractéristique : le visage. Par son visage, l’autre, Autrui se dévoile, se manifeste et m’impose une conduite, un comportement éthique : « Tu ne tueras pas ». Ainsi, l’autre est le point de départ de ma réflexion philosophique.
L’originalité de la pensée levinassienne réside en ceci que l’Autre n’est ni négation du Même, ni la réduction au Même. La différence entre Autre et Moi n’est pas non-indifférent, elle n’est non plus conflictuelle parce que la présence de l’autre, son visage m’invitent au respect, à la fraternité, à la responsabilité. De plus, l’éthique levinassienne prône la bonté, le bien, le bonheur du prochain de façon désintéressée et non réciproque. C’est même de la bienveillance au sens aristotélicien différent de l’amour, car l’amour réclame la réciprocité, tandis que la bienveillance selon Aristote, « Peut s’adresser même à des inconnus, sans qu’ils sachent le sentiment qu’on éprouve pour eux » .
Quant aux ambiguïtés de l’œuvre, Levinas affirme radicalement d’une part que le visage ne se résume pas à l’ensemble du nez, des yeux, de la bouche mais, est d’emblée éthique, c’est-à-dire infiniment autre. Et d’autre part, il soutient que le visage est le pauvre, démuni, l’apatride, etc. Contrairement à Sartre dont l’expression « Pour autrui » n’est rien d’autre que ce qu’autrui est pour moi d’abord avant de voir ce que je suis pour lui. Levinas pense d’abord et avant tout à ce que je suis pour Autrui. Quant à ce qu’il est pour moi, « cela le regarde ». D’autre part, nous notons aussi une certaine exagération dans le sens levinassien de la notion de responsabilité, en effet il va jusqu’à affirmer que je suis responsable de la responsabilité de l’autre. En ce sens le moi peut se sentir otage de l’autre dans la mesure où, dans la relation à l’autre, le moi n’a que de devoirs sans en attendre la réciproque. A cet effet, Paul Ricœur taxera la responsabilité levinasienne d’ « hyperbolique » parce qu’elle manque d’équilibre, de médiété du sens aristotélicien et même de complémentarité. Elle est excessive et il dit à propos :
« Soi-même comme autre suggère d’entrée de jeu que l’ipséité du soi-même implique l’altérité à un degré si intime que l’une ne se laisse pas penser sans l’autre (…) Au « comme », nous voudrions attacher la signification forte, non pas seulement d’une comparaison – soi-même semblable à un autre – mais bien d’une implication »soi-même en tant que … autre » .
On ne peut vivre perpétuellement pour autrui en négligeant soi-même, ou encore pour soi-même en négligeant autrui. Ces deux extrêmes autrui et moi ont besoin d’un bon équilibre et d’une complémentarité dans la relation interpersonnelle.


CONCLUSION
Au terme notre réflexion portant sur la notion du visage comme défis dans le processus de la relation intersubjective chez Levinas, nous pouvons dire que celui-ci apporte une nouveauté à la philosophie occidentale. En effet la philosophie occidentale a privilégié les ensembles structurés dont l’aboutissement logique est la réduction de l’expérience concrète à la totalité avec l’autre dans la sphère du Moi. De plus, l’éthique levinasienne renvoie à la responsabilité d’autrui : « Je suis le gardien de mon frère ». Ainsi autrui dont le visage signifie présence vivante et expression, autrui dont le visage m’interpelle, convoque ma générosité et m’interdit de tuer. Nous reconnaissant en Levinas le mérite d’avoir bousculé l’égoïsme du Moi pour lui rappeler sa dimension sociale. En revanche, nous avons relevé quelques ambiguïtés dans la pensée de l’auteur à savoir le paradoxe du visage. D’après Levinas, le visage est nu, pauvre et m’invite au respect, à la responsabilité. Mais en même temps, c’est même visage qui se tourne contre moi pour me poignarder. Dès lors, comment saisir ce paradoxe ? Toutefois, au-delà de ces ambiguïtés, la pensée de Levinas sur la notion du visage comme défis dans le processus de la relation intersubjective, garde son originalité. Car les hommes de notre temps rêvent tous d’un monde marqué de fraternité, de convivialité, de bienveillance, un monde dans lequel le visage d’autrui serait un sujet de joie, une présence qui m’élève vers l’infini.












BIBLIOGRAPHIE
ŒUVRE de Levinas (E.)
Autrement qu’être ou au-delà de l’essence, la Haye, Martinus Nijhoff, 1978.
De Dieu qui vient à l’aide, Paris, Vrin, 1992.
De l’existence à l’existant, Paris, Vrin, 1998.
Difficile liberté, Essais sur le judaïsme, Paris, Albin Michel, 1976.
En découvrant l’existence avec Husserl et Heidegger, Paris, Vrin, 1994.
En nous. Essais sur le penser-à-l’autre, Paris, Bernard Grasset, 1991.
Ethique et infini, Paris, Fayard, 1982.
Humanisme de l’autre homme, Paris, Fata Margana, 1999.
Totalité et Infini, Essai sur l’extériorité, la Haye, Martinus Nijhoff, 1965.

Articles d’Emmanuel Levinas
« De la phénoménologie à l’éthique », in Esprit, n°234, juillet, 1997, pp. 121-140.
« De l’un à l’autre, transcendance et temps »,in le cahier de Levinas, l’Herme, 1991.
Ouvrages sur Levinas
Derrida, J., Adieu à Emmanuel Levinas, Galilée, Paris, 1997, 210p.
Ferron, E., De l’idée de transcendance à la question du langage.
L’itinéraire philosophique d’Emmanuel Levinas, édition Jérôme Million, Grenoble, 1992, 352p.
Autres ouvrages
JACOB (A.), sous la direction de, Encyclopédie universelle, II les Notions philosophique, Paris, P.U.F., 1990.
RUSS (J.), La marche des idées contemporaines, Un panorama de la modernité, Paris, Armand colin, 1994.

Théories personnalistes

INTRODUCTION

Faisant l’objet du précédant exposé, les théories éducatives issues du courant spiritualiste bien que axées sur le sujet, mettaient l’accent sur les valeurs dites spirituelles, métaphysiques ou transcendantales. Il s’agissait, à titre de rappel, d’élucider la relation entre le soi et l’univers dans une perspective métaphysique, concluant à l’inséparabilité des deux notions. En ce qui concerne les théories personnalistes qui font ici l’objet de notre analyse, la logique est tout autre. En effet, qualifiées de pédagogies du sujet ou de la personne conçue comme centre de cette approche de l’éducation, leur préoccupation est celle du développement de la personne qui se veut responsable. Ainsi, elles envisagent la personne comme une source créatrice dont rien n’épuise la dynamique. C’est pourquoi, pensent-elles : « Chaque personne leur apparaît en effet comme une liberté engagée dans le monde et parmi les autres hommes pour incarner des valeurs éternelles dans des situations particulières et temporelles » .
En introduisant les théories personnalistes, Yves Bertrand fait remarquer que l’éducation axée sur le sujet et sa liberté est une réaction contre les méthodes traditionnelles dont l’enseignement n’était fixé que sur les contenus à travers des cours magistraux et à des grands groupes. Il fallait donc « remettre au centre des préoccupations pédagogiques la dynamique subjective de l’enfant et de l’étudiant » , ou comme l’exprime si bien Meirieu : « (la) construction d’une personne libre » . Mais pour mieux saisir ces théories, nous répondrons à la question suivante : En quoi consiste cette théorie et quelles sont ses finalités ? Notre travail se voulant historico-analytique, comportera trois principales parties : l’approche historique, les différentes tendances et l’intérêt philosophique.






I- APPROCHE HISTORIQUE DES THEORIES PERSONNALISTES

Les théories personnalistes trouvent leur origine dans trois principales sources qui sont : l’école Summerhill synonyme d’école où est accordée à l’enfant une plus grande liberté dans son éducation ; la psychologie personnaliste permettant à l’élève de se développer pleinement et librement ; les théories du fonctionnement en groupe mettant l’accent sur le soutien entre les membres du groupe.

1- Les pionniers des écoles nouvelles

« Montaigne, Rousseau et Pestalozzi qui mettent (plus) l’accent sur les aptitudes de l’enfant que sur l’omniscience du maître » , sont considérez comme les précurseurs de l’école nouvelle, où l’enfant, la créativité et l’auto développement sont au centre de l’éducation.
A la fin du XIXe siècle la notion d’école nouvelle (nom donné par Cécil Reddie (1858-1932), pédagogue britannique, fondateur de la première école nouvelle anglaise) est à la mode en Angleterre et c’est en 1889 qu’apparaît la première école portant cette appellation : New school. Mais, c’est au début du XXe que différents pédagogues en s’évertuant d’effectuer un travail éducatif renouvelé, inspireront par ce fait même des théories de l’éducation dites personnalistes. Parmi ces pionniers des écoles nouvelles retenons notre attention sur Neill qui est un psychanalyste et pédagogue écossais, créateur de l’école Summerhill (1921) en Angleterre qui, en 1960 publie le livre Summerhill qui suscitera la création d’écoles libres. Mais avant ce livre, il avait publié le Journal d’un instituteur de campagne qui comportait déjà le germe d’une théorie éducative qui bouleversa l’éducation dans les sociétés industrielles. Il s’agissait dans cette théorie de Neill, de la liberté à accorder à l’enfant dans son processus éducatif. Ce qui n’alla pas sans conséquences au point qu’il lui fut demandé des explications au sujet des limites de cette liberté, ce qu’il fit dans le livre intitulé : Freedom, not license (La liberté, pas l’anarchie).
Le psychanalyste a su mettre au service de l’éducation les découvertes psychanalytiques faites. Il était contre l’école traditionnelle qui n’avait pour seule souci que d’instruire et non d’éduquer, contre les parents soucieux du seul succès des enfants, contre un système social qui ne formait que des individus « manipulés » et dociles, bons pour les bureaux industriels. Pour lui, l’échec des différentes formes d’éducation vient du fait qu’à l’autorité manifeste des siècles fondée sur la contrainte physique, s’est substituée une autorité cachée fondée sur « le libre consentement », d’une manipulation individuelle . Neill veut former des êtres libres originaux et créateurs. Il ne demande rien d’autre que le respect de l’enfance . Summerhill est un lieu où se soigne le mal de l’âme (entendu comme siége des émotions) afin d’élever les enfants dans la joie de vivre, car tout homme heureux ne sera jamais capable de provoquer des crimes, des guerres ou de cultiver la haine, etc. . Pour Neill, l’homme est naturellement bon, c’est pourquoi il préconise tenir les enfants loin de la brutalité de la société des adultes. Comptant sur la responsabilité de l’enfant, il pense qu’il ne faut rien imposer à celui-ci, car l’enfant naît sincère et il faut le laisser tranquille pour découvrir sa véritable nature .
La préoccupation du développement de l’enfant n’était pas seulement l’apanage de l’Angleterre, mais aussi le souci des pays comme l’Allemagne où Hermann Lietz nomme l’école nouvelle Land-erziehungsheine qui signifie foyers d’éducation à la campagne. En se répandant, ces écoles porteront le nom de Freie-schulgemeinden qui veut dire : écoles libres.
En Italie, Maria Montessori apparaît comme une figure importante. Pour transformer l’école, elle pense qu’il faut passer par la formation des maîtres qui désormais doivent s’occuper plus de la découverte de l’enfant au lieu de seulement s’intéresser au contenu de l’éducation. Il faut accorder à l’enfant une liberté qui permet de mieux le connaître, de provoquer l’éveil de ses potentialités. Quant à la France, Pagès sera l’un des protagonistes des théories personnalistes. Mais à cette époque, les théories freudiennes sur le plan psychologique, sont remises en question.

2- La psychologie personnaliste

La psychologie personnaliste est une seconde source d’inspiration des théories personnalistes. Réagissant contre les psychologies déterministes qui affirment « que la personne est contrôlée par son inconscient ou son environnement » , elle propose une conception interactionnelle de l’individu entre les déterminismes de l’inconscient et ceux de l’environnement. Ce que Maslow nomme : la troisième force. Il y a ici un rejet de la conception freudienne de la personne. Maslow et ses pairs élaborent une autre vision de l’être humain : « celui qui possède un amour inné et qui se réalise en contribuant au bien de la société » .
En France, c’est Pagès (psychothérapeute et chercheur en sciences humaines né en 1926) qui innove avec les premières idées personnalistes. Pour lui, « L’éducation doit être faite d’apprentissages significatifs ou expérientiels » et une alternative permettrait à l’individu « D’expérimenter une croissance psychologique optimale, d’être une personne qui fonctionne librement dans la plénitude de ses possibilités organiques, d’être une personne fiable, réaliste, socialisée et d’être créatrice et toujours en changement ». L’alternative dont parle Pagès est tout un programme consistant à restaurer et stimuler la curiosité, à encourager l’étudiant à travailler selon ses intérêts tout en se donnant des objectifs intéressants. C’est aussi un programme fournissant les situations interactionnelles, les ressources (textes, laboratoire, etc.) et nourrissant les intérêts de l’étudiant. Il lui permet également de faire des choix responsables et de les assumer, de participer à l’élaboration du programme. Il est axé sur les vrais problèmes de personne. Ainsi, l’étudiant pourra s’auto-évaluer et être enfin habile à régler les problèmes de façon créatrice. Les situations interactionnelles favoriseront en quelque sorte la collaboration avec les autres.

3- Théorie du groupe

La troisième source des théories personnalistes se trouve dans la dynamique du groupe qui a pour objectif de « mobiliser des forces d’un groupe pour supporter la croissance des membres en tant qu’individu unique et collaborateurs » . En effet, dans cette théorie se sont les membres qui s’auto forment grâce à l’expérience des uns et des autres en tant que membres et non en tant que maître. Il n’y a pas d’organisation propre car personne n’est au dessus des autres, les membres sont tous à la quête d’une organisation commune. Ainsi, en luttant pour l’établissement d’une organisation du groupe, chacun apporte quelque chose et personne n’est passif. De fait, tous se développent en donnant et en recevant.
Au niveau de la formation de l’individu, nous avons des effets qui se font ressentir chez l’éduqué qui entre en contact avec les membres du groupe. Il apprend « à connaître les réactions qu’il produit chez les autres » . Et les réactions qu’il arrive à causer chez les pairs développent de nouveaux comportements qui l’aident à former de nouvelles possibilités de recherches pour enrichir ses connaissances et bâtir sa personnalité. Car, les réactions qu’un individu aurait sur le groupe et vice versa serait une méthode pour la réalisation d’un environnement éducatif. Ainsi, il perçoit ses limites et celles des autres.
Aussi, Kurt Lewin, psychologue reconnu pour ses études expérimentales de la motivation individuelle et de la dynamique du groupe a ouvert la voie à une science psychologique en contact avec les problèmes de la vie pratique. La psychologie de la gestalt lui a appris l’approche globale ou « molaire » des phénomènes, des comportements. Avec la théorie du groupe, il a dégagé l’idée selon laquelle « la formation du strate explicite des réalités et des nécessités objectives, qui est certainement pédagogiquement désirable, présuppose l’existence d’une situation totale dans laquelle l’enfant a la possibilité d’établir lui-même ses objectifs et d’agir librement selon ses propres besoins et son propre jugement » . En effet, dans le fonctionnement du groupe l’enfant doit se sentir libre d’exprimer ses désirs et ses objectifs.
Lewin a cherché à théoriser la méthode de groupe (comme lieu de communication) qui selon lui est restée trop empirique, car, simplement fondée sur le concept de relation.
Ces trois sources susmentionnées donneront naissance à des tendances personnalistes soit non-directives, soit interactives du développement de la personne.

II- LES DIFFERENTES TENDANCES DES THEORIES PERSONNALISTES

Yves Bertrand nous montre que, sous l’influence des sources précédentes, deux courants humanistes naîtront, à savoir : l’éducation non-directive et celle concernant les méthodes interventionnistes. Ainsi, nous traiterons de prime abord de la pédagogie centrée sur les théories non-directives.

1/ Pédagogie non-directive
En ce qui concerne ce type d’éducation, il est important de signaler dès le départ que la figure de référence n’est autre que le célèbre psychologue américain Rogers qui réussit à mettre sur pied la psychothérapie qualifiée de non-directive, concernant le client ou la personne. Dès 1930, Rogers propose une psychologie de l’orientation personnaliste s’intéressant particulièrement « à la dynamique du changement de la personnalité » . Il connaîtra des troubles au sujet de ses œuvres : On becoming a person (Le développement de la personne), parut en 1961, Freedom to learn (Liberté pour apprendre), en 1969 et Encounter groups (Groupes de rencontre), en 1966.
Pour Rogers, toutes les personnes ont une orientation positive. Ce qui l’amènera à élaborer un vocabulaire qui sera d’une grande importance dans le domaine de la psychothérapie. Ainsi certains paramètres entreront en jeu pour permettre le changement de la personne. Son crédo est de conduire l’éduqué à l’éveil de son soi intérieur, d’être emphatique, reconnaître le réel qu’il y a en soi et d’être congruent. De plus, il captive l’impératif qui stipule que l’on doit s’écouter, exprimer ce que l’on ressent de façon ouverte, s’accepter tel quel, faire confiance en son expérience personnel, surtout accepter autrui tel qu’il est. Dans son livre Le développement de la personne, le psychologue affirme : « Il est en effet paradoxal de constater que dans la mesure où chacun de nous accepte d’être lui-même, il découvre non seulement qu’il change, mais que d’autres personnes avec lesquelles il est en rapport, changent aussi. » . On dira ainsi que Rogers procède par des a posteriori car pour lui : « L’expérience est l’autorité suprême » .
Carl Rogers mettra en place des stratégies pour faire asseoir sa théorie à laquelle il attribuera le nom d’apprentissage expérientiel défini comme engagement personnel, ou de l’étudiant qui est au cœur des évaluations de ses propres apprentissages. Il encourage ainsi la responsabilité de la part de ce dernier. En outre, l’étudiant atteint l’indépendance d’esprit lorsqu’il se lance dans la créativité, s’autocritique, s’auto évalue et par la suite parvient à se laisser évaluer par l’autre. D’après lui, on assimile mieux lorsqu’on parvient à s’évaluer de manière autonome. Il souligne aussi qu’un apprentissage impliquant un changement dans l’organisation du moi, ou même dans la perception du moi, est ressenti comme menaçant, et que l’on tend à y résister. D’un point de vue général, Rogers prône l’autonomie qui permettra à l’étudiant de parvenir à une connaissance nécessaire. C’est alors qu’il donnera aisément au professeur le rôle qui lui revient.
Autant l’étudiant a des impératifs, autant le professeur a les siens. Le professeur, encore nommé facilitateur a donc un rôle à jouer dans la formation de l’étudiant. Quant à savoir ce que ce facilitateur a lieu de faire, c’est en réalité, pas grand-chose. Ce qui amène à comprendre que c’est à l’éduqué de planifier des efforts personnels pour un apprentissage expérientiel. Rogers réfute la méthode traditionnelle selon laquelle les programmes étaient imposés aux éduqués avec des exposés magistraux. Ce qui malgré tout ne favorise pas l’autonomie en éducation car l’élève « doit s’auto-enseigner librement » . Ainsi, le facilitateur a pour tâche de faire confiance au groupe et même à la subjectivité. Son rôle est d’aider les étudiants dans leurs choix et à la clarification de leurs buts tout en acceptant la contradiction qui peut survenir. Il stimule l’énergie intérieure de l’éduqué en le motivant. Il a aussi pour tâche de faciliter l’accessibilité des outils d’apprentissage tels que le matériel écrit, les équipements audio-visuels. Son implication s’articule aussi sur le rôle de conseiller. Ceci dit, le facilitateur doit faire preuve de modestie en intégrant le groupe d’apprentissage, en partageant ses idées sans toutefois les imposer. C’est aux étudiants de voir s’ils souhaiteraient s’aligner derrière les suggestions du facilitateur. Aussi doit-il, d’après Rogers, accepter les tensions qui peuvent naître dans le groupe. Enfin, le professeur est censé reconnaître ses limites. Il admet que cette liberté accordée aux étudiants peut entraîner des effets nocifs mais il doit assumer ce risque tout en exprimant ses peurs, ses angoisses et ses colères face à ses étudiants. La tâche du professeur n’est donc pas si simple, elle est indispensable, même si c’est l’autonomie de l’éduqué qui est mis en relief. De même que chez Rogers, d’autres théories s’inscriront dans la perspective personnaliste non directives, c’est le cas du néo-humanisme.

2/ Pédagogie néo-humaniste

La précision qui apparaît est telle qu’il « existe un ensemble de théories de l’éducation qui s’inscrivent dans une perspective personnaliste ou humaniste, qui ne s’inspirent pas directement de Rogers et qui se définissent comme néo-humanistes » . Alfred Adler (1870-1937) médecin viennois, qui a eu à travailler avec Sigmund Freud, va se défaire de celui-ci pour créer la société pour la psychologie individuelle en 1914. Cependant, il ne pense pas comme Freud que l’individu est contrôlé par ses instincts et par la société. Mais, il trouve que cet individu est doté de créativité lui venant d’une part de son entourage et d’autre part de son hérédité. Ainsi, sa psychologie a eu une grande influence en Europe et en Amérique. Cette influence donnera l’occasion aux psychologues comme Maslow et Fromm (Erich Fromm est né à Francfort le 23 mars 1900 et mort à Locarno le 18 mars 1980. C’est un psychanalyste humaniste américain d'origine juive allemande), de le rencontrer. Il meurt en 1937. Mais tout ne s’arrête pas là car Maslow, Fromm et Dreikurs vont être influencés par sa pensée éducative et vont l’orienter vers les pédagogies s’intéressant au développement de la personne. Nous remarquons que ces pédagogies sont d’actualité puisqu’elles sont utilisées dans les écoles.
Un autre nom apparaît dans les théories néo-humanistes, c’est celui de Fotinas . Il avait l’intention de mettre ensemble l’approche systémique et la philosophie personnaliste inspirée de celle d’Adler. Son souhait était de réorienter les programmes de formation sur le développement de la personne et sur la qualité de la vie personnelle. Ainsi, pense t-il, que l’homme a été défait de ses projets personnels tels la science, l’art, la technologie, l’économie et même l’éducation par ses exploits. Alors, l’heure a sonné pour cet homme de revendiquer sa place radicale. D’après Fotinas et Torossian, les fondements de l’existence de l’homme se trouvent dans les processus anthropo-sociaux, anthropo-biologiques, et anthropo-éducatifs. L’on doit laisser place à l’autogestion de la part de la personne. Ces « s’éduquants » doivent pour ce faire, fixer leurs objectifs propres et leurs propres critères d’évaluation. Ainsi, les « s’éduquants » sont appelés à suivre la méthode didactique selon laquelle ils s’impliquent dans la réflexion et l’action tout en comptant sur l’aide des facilitateurs.
Par ailleurs, Fotinas va élaborer des phases pédagogiques pour étayer sa méthode. Il en énumère ainsi six :
 La phase de la praxis brute : elle est une étape de clarification des valeurs et de mise en situation à partir d’un problème (action-réflexion exploratoire).
 La phase de conscientisation de la praxis brute : concernant la clarification de la situation de problème et choix d’une problématique significative.
 La phase d’échange en plénière : consiste à présenter les phases 1 et 2.
 La phase de la praxis consciente : recherches d’information par le biais des lectures, recherches théoriques, capacité d’acquérir les objectifs d’apprentissage de manière habile (action-réflexion systématique).
 La phase de l’évaluation de la praxis consciente : elle est l’étape d’étude et d’analyse systémique ; évaluation de l’apprentissage, c’est-à-dire des habiletés et évaluation des valeurs vécues et des attitudes créées.
 La phase d’échanges en plénière (présentation des phases 4 et5) .
Face à ces phases, on constate que l’étudiant se veut d’être autodéterminé. Yves Bertrand affirme à cet effet que la pédagogie est une « méthode ouverte puisqu’elle propose une introspection humaniste » . Quant à la pédagogie néo-humaniste étant utilisée dans les universités, notons qu’elle a connu quelques modifications pour donner place à une approche beaucoup plus structurée dans sa pratique en 1992. Ainsi, Fotinas et Henry vont affronter une problématique :

« Qui suis-je comme personne et comme enseignant ou étudiant ? », « comment est-ce que j’agis comme personne et comme enseignant ou étudiant ? », « pourquoi ? », « suis-je satisfait de ce que je suis et de ce que fais ? », « comment puis-je intervenir dans ce que je suis et dans ce que je fais ? » .


Les questions posées favorisent l’apprentissage de l’étudiant, c’est pourquoi il revient à l’éduqué de trouver des réponses à celles-ci, qui lui permettront de reconnaître ses sentiments (amour, colères, envie). Fotinas et Henry vont établir un certain nombre d’objectifs d’apprentissage dont voici l’extrait :

 Explorer les situations personnelles d’agression ;
 Identifier les sentiments-réflexions-actions personnels en situation d’agression
 Identifier les personnalités et les actions les plus menaçantes pour notre bien-être ;
 Développer la capacité d’accuser et d’agresser d’une façon intentionnelle (et non pas compulsive)
 Connaître les différents types de mécanismes de défense sociale (ou du moi existant)
 Identifier et reconnaître notre profil personnel de défense sociale .

Les théories néo-humanistes reconnaissent aussi que le facilitateur a un rôle à jouer dans le processus d’apprentissage. Fotinas et Henry pense qu’il faut un nombre de techniques pédagogiques pour aboutir à « l’endoscopie » qu’ils définissent comme « l’exploration de l’infiniment profond et personnel de l’homme » . Ce facilitateur doit à cet effet instaurer « les relaxations passives et actives de différents types, les concentrations, les méditations, les gymnastiques énergétiques, les rêves éveillées, le tai-chi-chuan, la danse archétype, la danse minimale, l’expression corporelle libre et l’improvisation » . Il précise que ce type de pédagogie fait appel à une tempérance différente de celle des cours magistraux. Au début de ses cours, il faisait une sorte de monologue qui montre qu’il cherche à rassurer ses étudiants en leur adressant des propos touchant leur entendement.
Les théories non-directives étant ainsi exposées, nous continuerons nos propos avec les théories interventionnistes, aussi dites interactives.
3- Théories interactives du développement de la personne

Comme nous pouvons le remarquer, le recours à la non-directivité des pédagogies exposées précédemment, a tant bien que mal rencontré son point de non-retour. En effet, il s’agit là des limites indéniables d’une pédagogie éducative axée sur le développement de l’affectivité professeur-étudiant, et du privilège de l’apprentissage expérientiel où le rôle du professeur à quasiment fort peu d’influence sur l’apprenant. Le comportement de ce dernier qui d’après Rogers , ne peut être influé que par ce qu’il découvre et s’approprie de ses expériences personnelles.
En conséquence, les enseignants ont immédiatement senti la nécessité et le besoin d’encadrer les étudiants dans leurs démarches pédagogiques qui semblait pour eux la mieux adaptée. Il n’était cependant plus question de laisser l’élève se développer sans aucun repère, ni encadrement et surtout sans limite. Il s’agira dès lors, d’utiliser plutôt les processus et les stratégies de travail en équipe en vue de faciliter le développement individuel. Ainsi est donc exposée une approche qui saura concilier les attentes des deux acteurs de la pédagogie éducative, à savoir le respect des caractéristiques et des libertés individuelles de l’étudiant d’une part, et d’autre part la reconnaissance de la valeur et le respect de l’autorité de l’enseignant. Ici, il y a donc partage du pouvoir entre professeur et élèves. D’où le concept de Pédagogie interactive, qui consistera de ce fait, en une opération dans l’indivision mais surtout inéluctablement avec comme finalité la croissance et l’épanouissement de l’enfant dans toute sa contenance.
D’après un rapport publié du Conseil supérieur de l’éducation intitulé l’Activité éducative (1971), une théorie bien précise serait un très bon exemple de cette dynamique entre la personne et le groupe, il s’agirait en effet de la théorie organique de l’éducation. Ici, l’éducation est présentée comme une activité qui doit alors porter sur les ressources profondes de l’être plutôt que sur l’acquisition d’un savoir culturel et technique puisque le développement de la personnalité importe bien plus que l’acquisition d’une simple contenance. En effet, le professeur doit favoriser chez les apprenants le développement de l’imagination, de la faculté d’auto-évaluation interne, de l’autonomie personnelle, de la créativité, du jugement et de l’expression primesautière. Entre temps, l’Activité éducative s’avère ne pas être le seul rapport à avoir popularisée la conception organique de l’activité éducative. Nous comptons aussi l’Opération Départ (1971) qui proposait des éléments fondamentaux d’une conception de l’éducation centrée sur la personne. Ceci à travers l’intensification des conditions en convenance au développement personnel et l’offre des faveurs accessibles spacio-temporellement à tout étudiant désirant entretenir à la fois de bon rapport d’affectivité tout en ayant un attrait sur l’apprentissage de la connaissance et de la création. De ce fait, l’enseignant doit proposer des ressources non-conditionnelles en aidant les étudiants à décider d’eux-mêmes du mode d’emploi, d’innover et de pouvoir accueillir l’imprévisible.
Ainsi a été minutieusement levé l’équivoque et exposé l’historique sur les théories interactives du développement de la personne. Comme toutes les autres, la pédagogie interactive déficelle ses trois différents principes afin que ses fondements puissent être fermement éclairés. Il s’agira donc de comprendre de prime abord la personne comme un être de relation, puis de bien concevoir l’importance de son environnement éducatif et enfin de comprendre que la connaissance est toujours une entreprise personnelle.
En ce qui concerne le premier principe, une réflexion sur la dimension sociale de la personne à été exposée par les auteurs du rapport de l’Opération Départ. En effet, d’après leurs conceptions ; la personne est d’abord et avant tout un être relationnel car « faire l’expérience de soi, c’est en même temps faire l’expérience des autres » . Autrement dit, la psychologie perceptuelle nous apprendrait au cas où l’expérience l’aurait manqué, qu’à force de l’actualisation de la personne, sa sociabilité s’accroît. Elle devient plus réaliste, positive et capable d’innover son entourage et de s’y adapter ; d’où le concept du « s’éduquant » indiquant toute personne qui s’éduque. Argument qui nous renvoie d’ailleurs au deuxième principe de la pédagogie interactive.
Lorsqu’il y a présence d’un s’éduquant cela suppose indirectement mais indubitablement la présence d’un environnement éducatif. Le processus éducatif se définit alors comme « l’ensemble structuré et dynamique des interactions entre le s’éduquant et l’environnement éducatif, tel que perçu et vécu par le s’éduquant » . L’environnement aura donc pour but d’ériger chez le s’éduquant l’émergence des ressources internes et du travail autonome. Dans ce cas, il prend en charge sa formation, le développement de sa personnalité et se construit en toute liberté. Nous le rappelons : l’interactivité ici dépendra amplement de l’environnement éducatif. Raisonnement que nous mettrons en lumière dans le dernier principe.
Le troisième et dernier principe consiste à développer une affirmation d’Angers (1976) qui stipule que la connaissance est une entreprise personnelle. « Elle s’acquiert et s’approfondit dans l’interaction avec l’objet (…) » ; autrement dit, la conscience du s’éduquant construit une sorte de modèle intérieur et c’est par tout les évènements de cette conscience, que la connaissance est nourrie et inspirée. Dans ce cas, le rôle de l’enseignant intervient nécessairement et essentiellement dans le champ interactionnel auquel son activité d’enseignant est subordonnée à l’activité d’apprentissage du s’éduquant. En outre, le professeur se donne pour but de favoriser l’interaction entre la logique de la discipline et la logique de la progression du s’éduquant. Conséquemment, il aménage, observe, et analyse l’évolution de l’interaction s’éduquant-environnement auquel il ne devra surtout pas interférer.
4- Pédagogie Ouverte

Nombreux sont les chercheurs qui ont étudié sur cette pédagogie dite « ouverte ». Nous pouvons notamment compter Paré et Paquette ; deux enseignants-chercheurs qui ont publié pas mal d’écrits sur les caractéristiques d’une pédagogie ouverte qui serait l’application d’une théorie interactive de l’éducation.
Claude Paquette en parle d’ailleurs dans son œuvre Pédagogie ouverte et auto développement. D’après lui, la pédagogie ouverte est l’un des modèles éducatifs possibles car elle vise essentiellement à créer un environnement riche et diversifié qui favorisera des apprentissages multiples et variés. Le plus encourageant d’après Paquette, c’est que c’est une conception de l’acte éducatif qui trouve évidemment sa place dans le monde scolaire mais aussi dans d’autres milieux : en relation d’aide, dans la famille et dans diverses approches de l’intervention. Elle s’inspire de certaines valeurs en occurrence l’autonomie, la liberté, la participation et la démocratie directe. Ces analyses de Paquette se fondent ainsi sur une idée : « l’être humain doit être l’auteur et l’acteur de sa vie » . Il s’agit en fait, de briser les dépendances pour progressivement se diriger vers l’autonomie. Et c’est donc là qu’intervient la notion d’auto développement : une capacité d’apprendre au fur et à mesure, à prendre en main les orientations de sa vie et de les transformer dans des actions qui nous questionnent et qui nous construisent selon notre rythme. S’inscrire dans la philosophie de l’auto développement c’est vouloir contribuer à une création: la sienne. L’instrument qui sera donc privilégier pour ce faire sera l’auto-analyse qui permet le retour sur soi.
En guise de conclusion à ces explications de Paquette sur cette philosophie de l’éducation, nous retiendrons que, l’auto développement est un mode de vie et une manière de penser. Cette conception permet d’actualiser le choix d’une vie qui est marquée du signe de la responsabilisation. D’après notre auteur, « La personne qui fait sienne cette pédagogie est attentive à son processus d’apprentissage et cherche à l’inscrire dans un projet de vie » . Ce qui le poussera à chercher à se connaître et à se reconnaître. Être en projet est le signe premier d’un processus de croissance personnelle. C’est par exemple considérer la vie comme un vaste chantier où chacun est le principal entrepreneur de son projet de développement. Paquette énonce des principes très clairs sur la nature de la pédagogie ouverte :
• « Permettre que la croissance personnelle (développement des talents) soit individualisée en respectant le rythme et le style de croissance ;
• Permettre que les habiletés personnelles de chaque étudiant soient utilisées de façon constante dans un environnement riche et stimulant ;
• Permettre à l’étudiant de dégager des apprentissages significatifs de son environnement. »

Parlant donc de l’intervention de l’éducateur, Paquette affirme que son rôle consistera avant tout à faire vivre des expériences enrichissantes aux enfants, en les aidant par la suite à analyser les apprentissages qu’ils ont pu réaliser. Contexte pédagogique qui aboutira à une remise en question de certains éléments-clés tels que l’emploi du temps, le programme scolaire à l’école et le rapport enfants- éducateurs.
Paré tout comme Paquette est enseignant-chercheur, pilier de la pédagogie ouverte. Lui par contre fonde cette philosophie de l’éducation sur des principes de bases indéniables en occurrence, l’importance de la personne, la croissance optimale de la personne-création d’une école ouverte et enfin le curriculum.
Pour Paré la personne est importante, il fonde d’ailleurs son modèle sur quelques croyances élémentaires et relatives à la personne notamment :
• Les êtres humains sont ce qu’il y a de plus important au monde ;
• Les enfants sont des humains ;
• Chaque personne est unique ;
• Si un être humain est diminué, toute la collectivité est diminuée ;
• Les enfants viennent au monde normaux ;
• Tout au long de sa vie, l’être humain change et change pour le mieux ;
• Aucune croissance n’est possible sans engagement profond ;
• Les sentiments sont aussi importants que le savoir ;
• La réalisation d’un être humain implique la liberté ;
• Toute forme de rejet et de ségrégation est une entrave à la croissance
A cela vient se desservir le deuxième principe, celui de l’optimalisation de la croissance personnelle. En effet, l’actualisation de soi est un objectif beaucoup plus fondamental que celui qui consiste à acquérir de simples habiletés techniques. Paré se réfère à Rogers, chez qui il puise le concept d’ouverture à l’expérience où la personne laisse venir, reçoit, perçoit et traite toute l’information existante. La personne devient cependant un processus, un changement constant dans chaque geste et à chaque moment, dont elle en a même la ferme conscience et le plaisir pour ce faire. Elle a confiance en elle et son fonctionnement optimum devient donc une garantie de succès lorsqu’elle entreprend de nouvelles démarches.
Par ailleurs, Paré proposera, une école ouverte toujours dans le but d’optimiser la croissance et l’actualisation de la personne. L’accent sur l’apprentissage, l’acceptation de l’étudiant comme personne, la construction d’une image positive de soi, le développement de l’individualité et de l’originalité sont les principes sur lesquels doivent reposer l’école. L’éducateur sera dès lors perçu comme un partenaire, un guide.
Et quant au curriculum, il nous indique que la proposition d’une théorie qui n’est pas fondée sur l’organisation systématique et séquentielle de champs disciplinaires prédéterminés mais plutôt sur l’évolution constante de la structure intérieure de chaque individu en contact avec son environnement. Il souligne aussi qu’elle repose sur la connaissance des propriétés de l’organisme et l’utilisation plus maîtrisée du langage.

III- INTERET PHILOSOPHIQUE

Ce que nous trouvons d’original dans les théories personnalistes, c’est le sens de la liberté accordée à l’enfant dans le processus de son éducation. Car il en est le principal acteur. En effet, il faut développer en l’enfant l’esprit de créativité dans une liberté qui n’est pas un laissé- aller mais un aboutissement à la responsabilité chez l’enfant, a qui il ne faut rien imposer. Parce qu’il est honnête et apte à découvrir sa nature véritable.
Evoquant l’authenticité dans l’éducation des enfants, Maria Montessori propose qu’il faut provoquer l’éveil de ses potentialités en mettant sur pied des situations où l’enfant trouverait ses intérêts pour susciter un travail venant de lui et lui permettant de les assumer sans se dérober afin de s’auto évaluer.
Nous pouvons aussi relever dans le processus éducatif des théories personnalistes la théorie du groupe qui favorise l’expérience entre les membres, afin de parvenir à l’expression des désirs de chacun et de ses objectifs dans la recherche d’une organisation éducationnelle. Allant dans le même sens, Jacques Maritain, auteur personnaliste Français (1882- 1973) accorde aussi une importance à cette théorie du groupe, car selon lui l’avantage « serait de développer chez les jeunes un sens de la dignité et de la discipline personnelle, de l’autonomie collective et de l’honneur collectif » . Il faut donc encourager la responsabilité de la part de l’enfant pour arriver à une connaissance plus exacte. Ainsi, il sera apte de s’auto critiquer, s’auto évaluer et de parvenir aussi à évaluer l’autre dans le processus d’autoformation en groupe, car c’est en groupe qu’il apprend par l’expérience.
Toutefois, il serait bon de signaler que même dans l’éducation libérale, l’enseignant à un rôle. Ce rôle serait celui de guide, d’aide, de conseiller et de facilitateur. En effet, l’enseignant doit être un garde fou qui conduit les enfants dans l’acquisition de la connaissance, parce que l’humanité n’est pas donnée de façon instinctive comme chez les animaux.




CONCLUSION

Au terme de notre travail qui consistait en une étude historico-analytique du courant pédagogique personnaliste, nous pouvons dire que le developpemnt de la personne pour son épanouissement et celui de sa société demeure une préoccupation des politiques éducatives. En effet, Léveillé-Ryan a bien raison lorsque, parlant de l’approche humaniste, il stipule : « La personne humaine, enfant ou adulte, se définit par ses projets de vie qui l’amènent à s’inventer comme personne humaine libre et responsable, à s’incarner dans son « humanitude » sans cesse inachevé et en devenir » . Ainsi orientées selon deux principales tendances, les théories personnalistes sont d’une part axées sur une éducation non-directive où l’éduqué est presque entièrement responsable de son éducation selon ses intérêts, et d’autre part, sur le développement de la créativité avec des stratégies interventionnistes. Ce qui crée un paradoxe dans la mesure où elles sont simultanément conçues comme pédagogie directive et non directive. Mais la non directivité ayant montré ses limites, les pédagogies de groupe (interactives) semblent beaucoup plus favorables eu égard aux interventions éducatives.











BIBLIOGRAPHIE

- VERGEZ A. et HUISMAN D., Cours de philosophie. Complément pour terminales A et B, Paris, Nathan, 1993, 288p.
- BERTRAND Y., Théories contemporaines de l’éducation, Ottawa, Agence d’Arc, 1993, 234p.
- PALLANTE G. & LEGAULT M., Une éducation libérale pour la démocratie, Jacques Maritain : Pour une philosophie de l’éducation, Presses de l’UCAC, Yaoundé, 2001, 75p.
- PAQUETTE C., Pédagogie ouverte et auto-développement, Québec, éd. NHP, 1985,
- NEILL A. S., Libres enfants de Summerhill, Paris, F. Maspero, 1971, 362p.
























TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION……………………………………………………………………1

I- APPROCHE HISTORIQUE DES THEORIES PERSONNALISTES…...2

1- Les pionniers des écoles nouvelles……………………………………………..….2
2- La psychologie personnaliste………………………………………………………3
3- Théorie du groupe………………………………………………………………….4

II- LES DIFFERENTES TENDANCES DES THEORIES PERSONNALISTES…..5

1- Pédagogie non-directive……………………………………………………………5
2- Pédagogie néo-humaniste………………………………………………………….7
3- Théories interactives du développement de la personne…………………………10
4- Pédagogie Ouverte………………………………………………………………12

III- INTERET PHILOSOPHIQUE……………………………….…………………..15

CONCLUSION…………………………………………………………………..…..…16
BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………..…………....17

Approches en éducation et les TIC

INTRODUCTION

Les avancées de la science et de la technologie ont apportées des modifications notables et indispensables dans les méthodes et les stratégies d’acquisition des connaissances de l’homme. Prenant en compte les différentes utilités et facilités qu’offre l’introduction de ces avancées scientifiques et technologiques en éducation , les pédagogues contemporains parlent aujourd’hui des TIC en éducation pour rendre compte de ces nouvelles approches inévitables dans le processus d’apprentissage. Rappelons qu’une approche pédagogique peut s’entendre comme l’ensemble de démarches et méthodes utilisées dans l’éducation. Or, les TIC, entendues Technologies de l’Information et de la Communication, en s’incorporant dans la pédagogie, apportent bien de problèmes nouveaux. Les questions de la relation éducative, du rapport de l’éduqué et de l’éducateur avec le contenu éducatif et bien d’autres sont à repenser. Un tel sujet, tout en tenant compte des sensibilités individuelles et des orientations pédagogiques de divers éducateurs, doit évoluer autour d’une problématique bien circonscrite.
Notre approche de cette thématique sur les TIC en pédagogie éducative veut mettre en exergue la démarche qu’utilise l’éducateur pour stimuler les éduqués à se familiariser et à utiliser les TIC dans leur processus d’éducation. Nous pourrons ainsi faire ressortir les modifications qu’apportent les TIC en pédagogie. En tenant compte des observations faites par bien de chercheurs intéressés par la problématique des TIC en éducation, nous voulons exposer succinctement les idées de Jacques Wallet à ce sujet, quitte à les compléter par les apports plus ou moins concordants d’autres penseurs.
Nous évoluerons en suivant un plan tripartite à savoir : l’historicité et généralité des TIC, les différentes approches et la portée philosophique de ce travail autour de la question peut-on se passer des TIC en pédagogie?

I. Approche historico générale des pédagogies et les T.I.C

S’intéresser à l’approche des TIC en éducation, c’est aussi prendre en compte non seulement l’histoire de leur entrée en éducation, mais aussi la généralité des approches des TIC. Ceci afin de mieux cerner l’évolution de leurs influences et les changements apportés dans tout le processus éducatif.

1. Historicité de l’approche des TIC
Si une typologie des typologies des usages des TIC en éducation donne un regard panoramique de vingt quatre auteurs sur une période de vingt trois années, allant de 1980 à 2003 , il ne manque pas d’auteur qui situe l’influence des TIC bien plus tard. Dans une enquête sur l’intégration des TIC dans les écoles sur une période de dix ans, Guidotti pense que le principal problème est celui du coût d’investissement qui demeure un défit important. Ce qui n’empêche pas pour autant d’établir un plan standard d’accommodation des écoles avec les TIC.
De plus on constate que malgré la relative lenteur dans l’intégration des TIC dans tous les milieux éducatifs, surtout dans les pays en voie développement, que le comportement des éduqués à se servir des TIC évolue très positivement. Les travaux de Bernard Le Vot confortent cette idée. Il montre qu’entre 1996 et 2000, le nombre de message échangé entre professeurs et étudiants au Forum national est passé de 100 à 580. Décidément il y a lieu d’affirmer un changement réel du rapport de l’élève au savoir.
Etant entendu le vaste champ dans lequel les TIC sont utilisées en pédagogie, nous nous fions aux travaux de Watts qui en offre une synthétisé. Nous constatons en effet que la compréhension de Watts sur l’utilisation de l’ordinateur et donc des TIC dans l’éducation en général est assez pertinente. En énumérant les douze possibilités d’usage des TIC dans une école par exemple, il jette comme une grille récapitulative de l’utilité des TIC en éducation. De fait, de 1981 à 2003, il y a une réelle facilité à ramener plusieurs typologies proposées par d’autres auteurs à celle de Watts, selon que celles-ci apportent une innovation ou pas.

2. Généralité dans l’approche des TIC
Plusieurs raisons sont à la base de l’usage des TIC en pédagogie. En plus de l’idée d’utiliser les moyens qu’offrent la science et les nouvelles technologies pour faciliter le travail pédagogique, on note chez certains auteurs la volonté d’user les TIC pour fonder la crédibilité des résultats des sciences . Notons d’emblée que l’introduction des TIC en pédagogie relève de nos jours d’une nécessité, voire d’une obligation de « faire évoluer les contenus et les compétences à enseigner » comme le pense Glilles Braun . Eu égard aux constats consensuels de Jacques Wallet sur quelques méthodes émergentes d’utilisation des TIC, nous pouvons aborder les différentes approches selon des critères sociaux, ethniques, spatio-temporels, de perspicacité, voire public, etc.
-Approche techno-centrée et approche ethno-centrée : Elles sont dites dépassées, eu égard à leur penchant traditionnaliste et à leurs attachement à certaines valeurs qui font appel à la dureté. Mais elles débattent des TIC et se fondent sur des principes de type culturels ou de types économiques. La motivation de l’apport de la modernité tient aussi compte des tendances à l’imitation de ce qui se fait ailleurs et de la facilitation de l’acte d’apprentissage.
-Approche personnelle et sociale qui porte les éducateurs à se servir des TIC dans la préparation de leur cours et dans les échanges entre collègues. Ce qui permet d’espérer que cette solidarité et partage vécus en amont descende en aval chez les éduqués.
-Approche trop médiatisée qui traduit une utilisation exagérée des TIC. Ce ne sont plus seulement les fins pédagogiques qui justifient l’utilisation des TIC, mais une volonté à peine voilée de montrer une capacité financière et le désir d’utiliser les dernières sorties de la science. De ce fait les TIC cessent d’être des moyens au service de l’éducation pour devenir. L’éducation et toute sa structure risque de devenir une espace favorable pour la publicité des TIC.
-L’approche relationnelle des TIC qui valorise la dimension comparative, en permettant de relier plusieurs établissements scolaires entre elles et rendre possible l’échange des informations et des données intellectuelles.
L’approche spatio-temporelle des TIC qui relativise l’importance accordée à l’usage des TIC en éducation, en tenant compte de son histoire et de la permanence plus ou moins objective des problèmes liés à leurs utilisations.
Ces différentes approches des TIC ne sont pas exhaustives. Il en est qui les regroupe en Six, notamment dans les sciences de l’éducation et les enjeux et finalités d’une discipline. Mais en les observant très attentivement et selon d’autres repères d’analyse, on peut parler de trois approches pédagogiques : réflexive, inductive et d’essai.

II. Les différentes approches pédagogiques et les TIC

En réfléchissant sur les différentes approches des TIC par les pédagogues, nous voulons surtout mettre en exergue le non-dit de leurs démarches. Il sera question de dire ce que ferait un pédagogue qui aborde les TIC de manière dite réflexive, inductive ou tout simplement par essai.

1. Approche réflexive des TIC
a) But de l’approche réflexive des TIC.
L’approche réflexive des TIC se donne pour mission de critiquer les sources des informations. Pour ce faire elle croise les différentes données et s’inscrit dans une incorporation des TIC de manière constructiviste ou intégrationniste.

b) Rappel historique sur l’approche réflexive
Historiquement que cette approche s’inspire amplement des travaux de John Dewey qui fit en 1933 une remarque à la suite des démarches qu’un enseignant doit développer. Selon lui en effet, l’intervention d’un enseignant devrait être le fruit d’un processus de réflexion qui puisse permettre de justifier et de prévoir les conséquences de son action. Ainsi, l’enseignant devrait entreprendre sa planification comme une allure de résolution des problèmes, ceci lui permettra d’expliquer la raison ou le manque d’efficacité de ses interventions.
Schön Donald A. (praticien chercheur du Massachusetts Institute of Technology) les enseignants expérimentés et compétents s’engagent souvent dans une analyse réflexive sur les actions. Cela leur permet de faire face à de nouvelles situations non familières ou problématiques de différentes façons. Cependant il observe deux niveaux de réflexion :
-Analyse réflexive en cours d’action qui consiste à penser dans l’action. L’enseignant sait modifier son action au moment même où il agit selon la situation réelle. Ici, il fait preuve de créativité.
-Analyse réflexive sur l’action qui comporte une démarche plus approfondie. Ici, l’enseignant est conduit à prendre une distance vis-à-vis de sa pratique quotidienne et à s’interroger sur le contenu et les raisons de son enseignement.
Au total, l’analyse réflexive exige cette double réflexion centrée sur les deux niveaux ci-dessus développés. Parce que le souci de s’interroger exige que l’enseignant tienne compte de ses expériences antérieures afin de lui permettre de modifier les expériences ultérieures qui guideront ses nouvelles actions. C’est dans ce processus que l’on peut légitimer le principe de continuité de l’expérience que soutient Dewey.

c) Application directe de cette approche réflexive aux TIC
L’analyse réflexive est un processus continu, car elle encourage un retour de la pensée sur elle-même. Cette approche favorise le développement de la pensée analytique et de l’esprit critique. Elle aide l’enseignant à faire une analyse et une évaluation de ses propres actes en se référant à son répertoire de savoir constitué : savoirs scientifiques et professionnels. Ce savoir constitué de nos jours est le plus souvent numérisé et rendu disponible par les TIC.

2. L’approche constructiviste des TIC
a) Rappel notionnel sur le constructivisme
Issu des travaux de Jean Piaget (1964), le constructivisme émet l’idée qu’un individu confronté à une situation donnée mobilise des structures cognitives ou schèmes opératoires dans le but de construire une vision personnelle des choses. C'est-à-dire que l’apprentissage se construit sur la base d’une activité mentale. Ainsi, en réfléchissant sur nos expériences, nous construisons notre propre vision du monde dans lequel nous vivons. Le constructivisme développe deux principes qui sous tendent l’apprentissage :
-L’assimilation qui est une incorporation des informations de l’environnement au sein de la structure cognitive de l’individu. L’individu ne transforme pas sa structure cognitive mais y ajoute des éléments provenant de son environnement.
-L’accommodation c'est-à-dire que lorsqu’intervient une résistance avec un objet ou une situation de son environnement, le processus d’accommodation modifie le structure cognitive de l’individu afin d’y incorporer les nouveaux éléments de l’expérience.
En outre, le constructivisme est une manière de penser le savoir, la référence pour construire des modèles de l’enseignement, de l’apprentissage et des programmes d’études. Il peut aussi aider à fonder une théorie de la communication. De cette communication découle quelques principes chers au constructivisme
. Apprendre est une recherche de sens. Par conséquent, apprendre doit commencer par des questions autour desquelles les étudiants essaient activement de construire le sens.
. Comprendre le sens exige d’appréhender le tout comme des parties. En fait, les parties qui doivent être comprises dans le contexte du tout. Par conséquent, l’apprentissage se concentre sur des concepts primaires, non sur des faits isolés
. Pour enseigner correctement, il faut comprendre et intégrer les modèles que les étudiants utilisent pour percevoir le monde et les hypothèses qu’ils font pour soutenir ces modèles
. Le but de l’apprentissage est de construire sa propre signification et non pas simplement d’apprendre par cœur les bonnes réponses
En somme, avec la théorie constructiviste, les enseignants se concentrent sur l’établissement de rapports entre les faits et favorisent les nouvelles compréhensions des étudiants, en optant de les faire participer dans leur processus éducatif. Ils adaptent leur enseignement aux réponses des étudiants et les encouragent à analyser, interpréter et prévoir l’information. Ainsi, les enseignants utilisent la méthode des questions ouvertes et favorisent le dialogue, car, les étudiants apprennent mieux quand ils s’approprient la connaissance par l’exploration et l’apprentissage actif.

3. L’approche intégrationniste des TIC

Cette approche fait la part belle à l’efficacité de l’enseignement et ne critique pas la relation pédagogique. En d’autres termes, c’est l’efficacité finale qui est prise en compte dans cette approche. Les pédagogues usent des TIC dans la mesure où elles favorisent la réussite de leurs enseignements. Parce que cette approche « intégrationniste » admet aussi toute forme de relation éducative, il y lieu de penser que les TIC jouent éventuellement le rôle d’intermédiaire entre les enseignants et les éduqués, étant donnée que la rencontre physique n’est plus une obligation, c’est le résultat positif qui compte.

4. Approche pédagogique inductive et les TIC
Cette approche se préoccupe de donner de nouvelles connaissances et de les développer. Elle se fonde sur la didactique, sa pédagogie doit être centrée sur la personne, car les connaissances doivent être acquises avant même la mise à l’essai des théories ou pratiques. En effet, l’élève part d’une situation donnée par l’enseignant, ce qui suppose un raisonnement causal par analogie. Parce qu’on se réfère aux recommandations de l’enseignant qui est un guide dans le processus éducatif.

Tableau récapitulatif de l’approche inductive
Observation
Activités de manipulation
Hypothèses quant au fonctionnement
Formulation de règles par les étudiants sous la direction de l’enseignant
Raffinement des règles lors des activités ultérieures

NB : il est à retenir que l’approche inductive est inclue dans la démarche constructiviste. Car, nous sommes ici à la recherche de la connaissance que l’enseignant ne peut inculquer à l’étudiant qu’à condition de l’ouverture de l’éduqué qui est au centre de sa propre formation ou éducation.

5. L’approche d’essai des TIC
Cette approche se constitue par une mise en œuvre qui implique que l’on s’imprègne en mettant en pratique ce qui a pu être descellé au cours de la recherche. Ici, nous sommes dans une démarche de production qui se veut expérimentale. Il faut exploiter ce que nous avons découvert dans la recherche, c’est en quelque sorte le « Learning by doing ». Le pédagogue pousse les éduqués à utiliser les TIC sans pour autant leurs donner des explications d’usage. Ce qui fait que l’on y évolue sans repère fiable et même sans possibilité de correction instantanée. Dans cette optique

III. Quelques effets du rapport approches pédagogiques et les TIC

Les facteurs pédagogiques et méthodiques sont les facteurs qui ont trait à tous les aspects conceptuels et méthodiques : conception des programmes informatiques, organisation des enseignements, formation des concepteurs à l’approche technologique. Les TIC peuvent à l’occurrence aider à élaborer les contenus des programmes et constituer au même moment un élément de ces contenus. Elles peuvent aussi servir d’instruments, ou d’outils complémentaires à la réalisation des programmes et objectifs éducatifs.



A. Avantages de l’introduction des TIC dans les approches pédagogiques

Depuis l’idée de se servir des technologies pour des fins éducatives et en particulier en ce qui concerne les fins pédagogiques, on peut déceler une nette facilité dans la transmission, l’organisation et la présentation des savoirs et des valeurs. De même que du côté de l’éducateur, qui peut se réjouir d’un peu plus de liberté. On peut s’en servir comme instrument pédagogique pour conserver des informations, pour la gestion du cheminement de l’étudiant, les calculs statistiques, les exercices de répétition. Nous voyions plus haut, en parlant de l’approche réflexive que la transmission ne peut être efficace que si l’éduqué accepte de s’ouvrir à ce que l’éducateur veut lui apporter ; les TIC apporte des simulations qui permettent à l’éduqué de se sentir impliqué dans la problématique qui lui est proposée. Approche réflexive : les TIC ici permettraient évidemment de contrôler de manière efficace le processus de réflexion, et d’établir les conséquences possibles de toute action pédagogique entreprise. Les TIC apparaissent déterminant dans la mesure où elles permettent de conserver efficacement les bases de données antérieurs et de les transmettre avec autorité aux éduqués.
Les TIC offrent aussi à l’éduqué un apprentissage non directif, en l’aidant à trouver lui-même les réponses qui conviennent et en promouvant l’effort et la recherche personnelle. L’éducation des jeunes est un domaine extrêmement sensible (car on peut former un monstre), et l’éducation actuelle s’opère de manière totalement anarchique et aléatoire. Cependant avec les TIC, la formation devient standard et communicative, nous dirions même plus sûr.

B. Limites de l’introduction des TIC dans les approches pédagogiques

Il faut cependant reconnaître avec Monique Linard qu’un aspect fondamental de l’éducation est remis en question ; il s’agit de la relation d’altérité dont l’impact psychologique est universellement reconnu par la communauté des pédagogues. Dans « Des machines et des hommes ; apprendre avec les nouvelles technologies », elle précise que les TIC tendent à inverser les rapports entre les fins et les moyens ; « elles incitent ainsi à réduire toutes les données qualitative de l’expérience en objet quelconque, en laminant leurs différences et en éliminant la dialectique qui les maintient en contrôle réciproque ; avec toutes les dérives de pragmatique borné et totalitaire que cela implique » (Linard, 1990 : 12). Le courant techno centrique met aussi à mal le secteur de l’emploi, qui se retrouve lui aussi fortement influencé par l’omniprésence des nouvelles technologies.
Auparavant, l’esprit avait beaucoup plus de contrainte ; avec les technologies, elle semble confinée et castrée car tout est donné par avance. Les technologies accentue aussi le conflit de l’autorité éducative car le matériel informatique étant toujours nouveau peu être davantage accessible à l’apprenant qui dès lors, connaît plus que son maître.
Les nouvelles technologies apportent un questionnement encore plus grand en ce qui concerne l’acquisition des valeurs sociales et familiales ; surtout pour ceux qui défendent l’omniprésence technologique. Comment serait-il dès lors possible d’évaluer la ponctualité, la discipline ou bien même la rectitude dans le travail ?





CONCLUSION

Au terme de notre réflexion sur les approches pédagogiques et les TIC, nous retenons que différents approches des TIC sont possibles : techno-centré ou ethno-centré, trop médiatisé ou tout simplement personnalisé ou socialisé. Mais un regard précis sur les différentes démarches pédagogiques offre la possibilité de parler de leur rapport soit réflexif, soit inductive et soit à l’essai des TIC. Ce qui marque ces diverses approches c’est le degré d’influence qu’elles subissent de la part des TIC, c'est-à-dire le degré de changement interne qu’elle qu’adoptent les différentes pédagogies des lors utilisent les TIC. Un changement qui n’est pas que positif ; un changement qui amène à redéfinir les différents rapports classiques en éducation : le rapport au savoir, la relation éducative, l’expressivité du résultat des recherches, etc. Il va donc sans dire que toute approche pédagogique de nos jours devra maitriser les TIC pour mieux les incorporer à leur démarche ou tout aussi bien les tenir à l’écart en toute connaissance de cause.

BIBLIOGRAPHIE



BASQUE et LUGUIN, Annexe. Vue d’ensemble de 24 typologies des usages des TIC en éducation, inédit, pp. 20-35.

BRAUN G., « Les nouvelles technologies au service de l’éducation », in Encyclopaedia Universalis 2009.

LE VOT B., « Comment évaluer l'apport des technologies de l'information et de la communication à l'enseignement ? », in

WALLET J., « Les NTIC vues du côté des sciences de l’éducation », in [http://campus.sciencedu.org/mardif_SB/Informations/introduction…]



















TABLE DES MATIERES


INTRODUCTION…………………………………………………………………………1

I. Approche historico générale des pédagogies et les T.I.C………………………..1

1. Historicité de l’approche des T.I.C……………………………………….…2
2. Généralité dans l’approche des T.I.C…………………………………….....2

II. Différentes approches pédagogiques et les T.I.C………………………………...4

1. Approche réflexive des T.I.C…………………………………………..……4
2. Approche constructiviste des T.I.C………………………………………....5
3. Approche intégrationniste des T.I.C………………………………………...6
4. Approche inductive des T.I.C…………………………………………….....6
5. Approche d’essai des T.I.C……………………………………………….....7

III. Quelques effets du rapport approches pédagogiques et T.I.C………………….7

A. Avantages de l’introduction des T.I.C dans les approches pédagogiques…..8
B. Limites de l’introduction des T.I.C dans les approches pédagogiques……...8



CONCLUSION…………………………………………………………………………..9


BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………………….10

Boèce et Plotin

SOMMAIRE

Introduction 1
I. LA CONCEPTION PLOTINIENNE DE LA PROVIDENCE 2
I. 1. La Providence et la génération du monde 2
I. 2 – La Providence et le mal 4
I.3. La providence et la liberté 7
I.4. La providence et le destin de l’âme 9
II. LA CONCEPTION BOECIENNE DE LA PROVIDENCE 14
II. 1. La providence et le destin 14
II. 2. La providence et le hasard 16
II. 2. La providence et le libre arbitre 17
III. RAPPROCHEMENT ENTRE PLOTIN ET BOECE 21
III. 1. Points de divergences 21
III. 2. Points de convergences 22
IV. APPORT PHILOSOPHIQUE 23
Conclusion 26
BIBLIOGRAPHIE 28


Introduction

La providence fait partie de ces concepts qu’on a la possibilité de pouvoir suivre tout au long de l’histoire de la Philosophie : depuis son usage antique jusqu’aux développements de la philosophie occidentale, le terme se trouve investi d’une puissance de pensée qui en fait un des lieux des interrogations philosophiques. C’est surtout au Moyen-Âge que le concept de providence sera au centre de nombreux discours, grâce à l’apparition d’une compréhension chrétienne. On se souvient là que la définition classique donnait, à cette période, un sens fort au préfixe « pro » qui entre dans la composition du mot providence : Dieu préexiste à sa création ; par son omniscience, il voit tout à l’avance, il prévoit et prévient toute chose.
Parmi les philosophes qui ont étudié cette notion de providence, nous considérons, pour le présent travail, deux : il s’agit de Plotin et de Boèce.

La lecture de La Consolation de la Philosophie de Boèce et des Ennéades III, 2[47] et III, 3[48] de Plotin nous donne de remarquer que ces deux philosophes ont bel et bien en commun une thématique : celle de la providence universelle et donc divine. Ainsi la question qui se pose à nous ici est celle de savoir comment chacun a abordé cette notion. Quelle est la conception plotinienne de la providence ? Et quelle celle de Boèce ? Quels sont les points de rapprochements qu’on peut y relever ? Quel intérêt philosophique y a-t-il à tirer du thème de la providence dans le cadre de ce cours d’histoire de la philosophie ancienne et médiévale ? Telles sont les questions qui vont guider la suite de notre travail.
Dans le premier moment de notre étude, nous nous fonderons sur les Ennéades III, 2 [47] et Ennéades III, 3 [48] de Plotin. Dans le deuxième, nous analyserons la question chez Boèce dans sa Consolation de la Philosophie, notamment dans ses livres IV et V où est traité largement ce thème de la providence.
Pour mener à bien notre travail, la méthode restera analytico-descriptive : c’est-à-dire clarifier et élucider notre problématique à partir des textes de Plotin et de Boèce en procédant par la voie d’analyse et de description.


I. LA CONCEPTION PLOTINIENNE DE LA PROVIDENCE

Porphyre a rassemblé dans la III è Ennéade, ainsi qu’il le dit dans la vita plotini, les livres qui se rapportent à la théorie du monde, considérée surtout au point de vue théologique et métaphysique. C’est dans ce cadre que se situent les deux livres, De la Providence, qui en réalité, ne forment qu’un seul et même traité, mais que Porphyre a divisé en deux parties : De La Providence I (livre II, [47]) et De La Providence II (livre III, [48]).
Cependant, notons que la doctrine de Plotin sur la providence n’est pas contenue tout entière dans les livres qui portent ce titre. Nous n’avons, en effet, que le groupement systématique des traités selon Porphyre. De là vient que la doctrine de Plotin ne s’est pas développée partie par partie dans une suite de traités, mais qu’il expose presque dans chaque traité sa doctrine tout entière sous le point de vue particulier du sujet qu’il a à examiner.
A nous arrêter aux deux textes ou livres proposés à notre lecture, nous remarquons que le problème ou le thème de la providence est de tous le plus fertile en questions et l’on aurait de la peine à trouver une explication qui l’épuise pleinement. Le sujet et tel en effet que si l’on a tranché une incertitude, d’autres se lèvent innombrables; et le seul procédé est de les maîtriser sous le feu souverain de l’esprit. Chez Plotin, on s’aperçoit que traiter de la providence conduit à poser la problématique de son rapport avec l’idée de la génération de l’univers sensible, du Bien, du mal, de la liberté et du destin de l’âme humaine. Tour à tour, nous analyserons la réponse plotinienne à ces problématiques.

I. 1. La Providence et la génération du monde

Le problème de la providence en lien avec la génération du monde est posé dès le départ chez Plotin dans cette aporie :

Attribuer à la spontanéité et au hasard l’existence et la formation du monde sensible, c’est absurdité d’homme qui ne sait ni comprendre ni regarder […] Mais quel et le mode de la naissance et de la production des choses, dont quelques unes sont contraires à la droite règle, au point qu’on arrive soit à la nier, soit à considérer le monde comme l’œuvre d’un mauvais démiurge ?


Au regard de la beauté, de l’organisation de ce monde sensible, Plotin refuse de penser un seul instant qu’il est le produit du hasard et qu’il a un commencement. Plotin se joint à son maître Platon pour penser que ce monde a sans doute une cause, et c’est une cause intelligente. Par là, la cause intelligente est providence car elle préexiste au monde qu’elle produit. Il faut dire ici que Plotin défend la providence contre les Epicuriens qui l’avaient niée et étaient arrivés au fatalisme par la doctrine du hasard.
Pour Plotin, le monde n’est pas, en effet, le produit d’un hasard ni d’un quelconque mauvais démiurge car celui-ci est beau et organisé. De plus, ce beau et organisé « monde existe toujours et […] il n’y a pas d’instant où il n’existe » . Plotin offre ici une alternative à la notion de la création ex nihilo soutenue par les juifs, les premiers chrétiens et certains Platoniciens (Atticus, Plutarque) qui, selon lui, affligeraient Dieu des délibérations d’un esprit et des actions de volonté. « Si nous supposons que le monde n’a pas toujours existé et qu’il est né à un certain moment » , nous établirons une idée inférieure de la providence. On voit que cet argument que Plotin donne est d’ordre métaphysique : si Dieu crée le monde à un moment donné, cela suppose qu’il est resté inactif pendant une éternité. Donc, cela revient à dire qu’il n’est pas parfait. Pour échapper à ce scandale, Plotin pense qu’il est juste d’en conclure que cet univers a toujours existé et qu’il est causé non par un simple principe matériel comme l’air, le feu, ainsi que le soutenaient Anaximène, Héraclite, mais que c’est une puissance : l’intelligence en est la cause . Autrement dit, ce monde est causé, généré par l’intelligence. Notons que c’est une intelligence divine en ce sens qu’elle est différente de l’intelligence particulière, humaine. Ainsi, il est aussi « juste d’en conclure que la providence (universelle) est la conformité de l’univers à [cette] intelligence » . Autrement dit, Plotin interprète la providence comme l’ordre donné à ce monde par l’intelligence. Cette intelligence, cause de ce monde, est ce que les stoïciens considèrent comme un Logos immanent au monde. Aristote la conçoit comme un Intellect transcendant qui se pense et qui meut le monde, Alexandre d’Aphrodise la voit comme un Intellect qui, à la fois, est le moteur du monde et moteur de notre propre pensée, Albinus, enfin, la considère comme une pure activité intellectuelle qui ne fait que penser les idées et qui laisse la responsabilité de l’organisation du monde à l’âme du monde. Chez Plotin, l’intelligence est antérieure au monde, non pas chronologiquement, mais en ce sens qu’il dérive, procède, émane d’elle.
La procession, la dérivation, l’émanation, la génération sont les différents concepts qui signifient la même chose et que Plotin préfère employer pour expliquer la présence, l’existence du monde sensible. La théorie de la procession, de la dérivation, de l’émanation, de la génération, à l’inverse de la théorie de la création, garde intact la perfection de Dieu : la production du monde est le résultat nécessaire et éternel de la nature divine. Le monde émane d’elle à la manière dont la lumière du soleil est diffusée par lui : de manière continue.
L’intelligence chez Plotin constitue le monde véritable ; c’est un monde intelligible.

Il ne lui manque rien, même en aucune de ses parties, puisque ces parties ne sont que des fragments arrachés au tout ; il réunit en une unité indivisible toute vie et toute intelligence si bien que cette unité fait de chaque partie un tout .


Et c’est de ce monde-là, véritable et un, que tire son existence ce monde-ci […] . Mais, nous constatons que ce monde-ci n’est pas un comme sa cause. Il y règne tellement de maux. Dès lors, une question jaillit à ce niveau : étant donné que l’intelligence a la puissance de produire, ne faut-il pas penser qu’elle est la cause de ces maux qui existent dans ce bas monde ? Comment accorder l’idée de la providence comme conformité de l’univers à l’intelligence divine avec la réalité du mal ? Comment Plotin répond t-il à cette objection ? C’est ce que nous verrons dans le point qui va suivre.

I. 2 – La Providence et le mal

La réalité du mal dans ce monde est pour beaucoup de personnes un argument contre la providence divine. Celle-ci est accusée d’être la principale cause du mal. La providence divine n’est pas responsable du mal dans ce monde : voilà le point de vue de Plotin que nous allons exposer dans les lignes qui vont suivre.
Pour comprendre la conception plotinienne de cette problématique, il faut que nous insistions davantage sur sa description de l’intelligence. Pour Plotin, « ce monde n’est pas né parce que l‘intelligence a réfléchi qu’il fallait le créer ; il est le résultat d’une nécessité inhérente à la nature de second rang » . En d’autres termes, il y a entre l’intelligence et le monde un autre être ou intelligence. Il faut aussi remarquer ici que ce processus de production naturelle des autres êtres par l’intelligence se réalise sans effort, sans agitation ni mouvement. Cette production est liée à la nature de l’intelligence, à l’énergie qu’elle dégage ; car « elle a beaucoup de puissance » . De l’intelligence procède un autre être intelligent, différent d’elle et dans ce cas de second rang. Et donc, plus l’être produit s’étend dans l’espace, moins il ressemble à l’intelligence première. Plotin précise que « de l’intelligence émane la raison » et de qui « […] surgit ce monde qui s’étend dans l’espace » . Parce qu’il s’étend dans l’espace, « forcément, il a des parties qui s’attirent et se conviennent, d’autres qui se haïssent et sont ennemies » . Il apparaît chez Plotin que le mal existe dans l’univers comme un élément de la génération, de procession, de production naturelle et de corruption ; il est défaut, manque et carence. En effet, de l’intelligence,

il ne peut naître un autre monde qui soit pure raison. S’il naît autre chose, ce doit être une autre chose inférieure à lui et non pas une pure raison ; ce ne doit pas être non plus la matière, puisque la matière n’est pas un monde : c’est une chose mélangée des deux. Elle se décompose donc en matière et en raison ; son origine est l’âme qui préside à ce mélange. Il ne faut pas croire que l’âme ait du mal à gouverner cet univers ; elle le gouverne très aisément, en y mettant comme présente .

De cette citation, on peut noter que Plotin résout le problème de l’existence du mal sous un angle métaphysique. Le mal est une conséquence de la production des êtres, c’est une conséquence du mélange de la raison et de la matière. Et par rapport à cette situation, nous ne pourrons ne pas voir en la providence, en l’intelligence la cause, l’origine du mal. D’autant plus c’est elle qui a produit la raison et qui a ensuite produit la matière.
Pour Plotin, quoique ce monde soit moins un, bien, imparfait, inférieur au monde intelligible, habité par le mal, il est cependant le plus beau et le meilleur des mondes possibles « On aurait tort de blâmer ce monde et de dire qu’il n’est pas beau, et qu’il n’est pas le plus parfait des êtres corporels. Il ne faut pas non plus accuser celui qui est cause de son existence; d’abord il existe nécessairement et ne dérive pas d’une intention réfléchie » . Parce que ce monde n’est pas né d’une intention réfléchie de l’intelligence, cette dernière n’est pas responsable du mal qui existe dans l’univers. Plotin sauve encore ici la providence d’une accusation.
La matière qui entre comme élément dans la production du monde rend davantage ce monde plus beau ; on peut voir en effet qu’il renferme tous les êtres, plantes, animaux et tout ce qui peut naître. Ces êtres animent tour à tour des corps différents. Les êtres ou âmes qui écoutent les appétits du corps, de la matière, en sont justement punies. « L’action vicieuse vicie les âmes et les met en un lieu inférieur » . Il ne faut donc pas réclamer le bonheur pour ceux qui n’ont rien fait pour le mériter. Les bons seuls l’obtiennent.
Si donc même ici bas, certaines âmes ont la faculté d’arriver au Bonheur, au Bien, il ne faut pas accuser la providence, la cause de l’univers pour ce que quelques âmes ne sont pas heureuses. Il faut plutôt accuser la matière et la faiblesse de la raison qui les empêche de lutter courageusement pour se tourner, s’élever vers le Bien, le Dieu provident.
Quant à la pauvreté, les souffrances, les maladies et autres imperfections, elles sont sans importance pour les bons, mais sont utiles aux méchants . De plus « la maladie est une nécessité pour qui possède un corps. Et même d’ailleurs, elle n’est pas du tout sans utilité pour l’ordre universel et pour la perfection de l’univers » . Aussi, les maux donnent aux âmes d’êtres d’être plus vigilantes ; ils excitent l’esprit et l’intelligence de l’homme à éviter les voies de perdition ; ils donnent à Dieu d’exercer sa justice distributive.

D’une manière générale, il faut affirmer que le mal est le défaut de Bien ; et ici bas, il y a nécessairement défaut de bien parce que le bien est ailleurs qu’en lui-même ; le sujet en qui est le bien, produit le défaut, parce qu’il est différent du bien, et qu’il n’est pas bon. C’est pourquoi les maux sont indestructibles : c’est que par rapport au bien il y a des êtres inférieurs des uns aux autres, et que tous ces êtres différents du bien, tout en ayant en lui la cause de leur existence, deviennent ce qu’ils sont en s’éloignant de lui .


Mais pourquoi des états contraires à la nature chez l’honnête homme, et des états conformes à la nature chez le méchant ? Comment il se fait que les vicieux obtiennent si souvent tous les avantages auxquels on attache tant de prix, (richesse, honneurs, etc.) et que les hommes vertueux aient une condition contraire. «Tout cela nous fait douter ; comment pareilles choses arrivent-elles s’il y a une Providence ? » .
Pour répondre à cette question ou objection contre la providence, il faut remarquer premièrement que le bien que nous cherchons ici bas est dans un être multiple : un être qui est mélangé de mal. Faudrait-il accuser Dieu de l’avoir fait méchant ? Plotin n’en croit pas. Qui alors accuser dans ce cas ? Faut-il accuser l’homme ? L’origine du mal se situerait-t-elle plutôt dans l’homme, être raisonnable et corporel ? C’est ici Plotin va introduire le concept de liberté pour plaider la cause de la providence divine.

I.3. La providence et la liberté

Il faut penser avec Plotin que ce monde ici-bas est un mélange de raison et de matière. Si l’homme « pourtant fait de chair, de nerfs et d’os, est doté par une raison capable d’embellir ces matériaux et de pénétrer la matière » , on est satisfait de son créateur, de la providence qui l’a fait ainsi. L’intelligence, dans sa divine providence, a produit les êtres libres. Considérant les actes mauvais de l’homme, Plotin soutient qu’on ne peut demander compte ni raison à la providence de ces actes, dès lorsqu’on admet avec Platon que la faute et à celui qui a choisi . Dans ce cas, l’homme est libre. Il dépend soit du corps soit de son intelligence. Il a le pourvoir des contraires et la liberté de choix. Tout au long du reste du texte sur la providence, Plotin revient, insiste sur cette idée de notre liberté et l’invoque pour montrer que Dieu n’est point responsable du mal moral et physique.
L’homme est libre : on ne peut donc faire remonter la responsabilité de ses vices ou de ses crimes à Dieu. Et si l’homme est né libre, c’est que sa liberté faisait partie du plan de l’univers. Nous disions plus haut que le choix libre de l’homme donne d’ailleurs lieu à la providence d’exercer sa justice. En effet, l’action de la providence ne doit pas anéantir la liberté de l’homme ; son rôle est d’assurer à chacun soit ici-bas soit après la mort, la récompense ou la punition qu’il a méritée par sa conduite.
Pour obtenir les avantages auxquels on attache du prix, il faut faire des actes de l’accomplissement desquels dépend leur possession.

Mais lorsqu’on voit les maux qui s’attachent à ceux qui sont le contraire des méchants, lorsqu’on voit les bons pauvres, tandis que les méchants sont riches et ont en surabondance les biens auxquels devraient avoir part leurs inférieurs qui sont des hommes, tandis enfin que les méchants, individus, peuples ou cités, dominent les bons ? Est-ce donc que la Providence ne s‘étend pas à la terre ?


A cette question, Plotin répond par négation en soutenant que bien des faits témoignent que la providence descend jusqu’à terre, il n’y a qu’à voir ces êtres qui se conduisent raisonnablement bien. De fait, on s’étonne de voir l’injustice parmi les hommes parce que l’on juge que l’homme est l’être le plus précieux de l’univers ; il incline tantôt vers les uns, tantôt vers les autres, tantôt il est au milieu.
Si les méchants dominent, sont plus riches, c’est parce que ce sont les bons eux-mêmes qui les laissent le devenir. Ce n’est pas à

Dieu à combattre pour les pacifiques ; la loi veut qu’à la guerre on trouve son salut dans la bravoure et non dans les prières. On n’obtient pas de récoltes en priant, mais en prenant le soin de la terre ; et l’on est mal portant, si l’on néglige le soin de sa santé .


Suivant Plotin, les méchants ont le pouvoir grâce à la lâcheté de leurs sujets : c’est la justice et le contraire serait injuste.
Il ne faut pas étendre l’action de la providence au point de supprimer notre propre action : car si la providence fait tout, s’il n’y a qu’elle, elle est anéantie. A quoi s’appliquerait-elle en effet ? Il n’y aurait plus la Divinité. Il existe effectivement un Etre divin, mais cet Etre nous laisse libre. Les méchants sont pleinement responsables de leurs actes parce que ce sont eux qui les font, c’est une disposition conforme à leur volonté. Si les bons ne prennent pas le gouvernement des méchants par des déterminations volontaires, le monde sera toujours plein de méchanceté, de maux. Mais si les hommes bons deviennent méchants malgré eux et sans le vouloir, peut-on dans ce sens les déclarer responsables des torts qu’ils font ? Dans la réponse qu’il fait à cette objection, Plotin dira qu’ils sont ou deviennent méchants malgré eux. Mais, « cela n’empêche qu’ils sont des êtres qui agissent par eux-mêmes, et c’est dans les actes qu’ils font par eux-mêmes qu’ils commettent des fautes ; ils ne seraient pas en faute, si ce n’était eux qui agissaient » . Comment résoudre cette polémique ?
De fait, il faut tout simplement accepter que la raison du monde n’ait pas dû donner à tout une perfection uniforme, parce que les inégalités mêmes et les différences des êtres contribuent à la beauté de l’univers. « La raison ne fait pas seulement des êtres divins, elle fait des dieux, puis des démons qui sont au second rang, puis les hommes, ensuite les animaux ; non qu’elle éprouve d’envie, mais parce qu’elle contient en elle toute la diversité des intelligibles » . Si la raison du monde renferme en elle-même une différence et produit des choses différentes, les différences qui existent dans ces choses sont plus grandes que celles qui existent dans la raison. Ces différences créent le beau spectacle de l’univers . La destruction des uns par les autres est une des conditions de la vie universelle ; et que la guerre des uns contre les autres n’est qu’un jeu puisqu’elle n’anéantit pas l’âme. La pluralité et l’opposition des contraires sont donc nécessaires. S’il n’y avait pas les maux dans cet univers « comment distinguerions-nous des événements conformes à la nature et des événements contraires à la nature, puisque tout ce qui se fait est conforme à la nature ? » . Il faut qu’il y’ait des contraires, des êtres bons et des êtres mauvais pour que Dieu ou sa providence soit. Certains le deviennent pour les motifs différents, d’autres dès le début. « Cette inégalité est en rapport avec la nature de la raison dont elles sont les parties » . N’est-ce pas absurde ? Pourquoi créer donc certaines âmes bonnes et d’autres mauvaises ?
Plotin répond : c’est que la raison de l’univers contient en soi toutes les raisons séminales particulières ; chacune de celles-ci contient à son tour des actions qu’elle doit produire ; car toute raison renferme la pluralité (les biens comme les maux) dans l’unité. L’harmonie des raisons particulières, dans leur développement, constitue l’unité du plan de l’univers. Chacune des parties de cet univers agit selon sa propre nature . Dans ce sens, faut-il penser que l'histoire présente et future d'un être humain est d’avance prédéfinie par la providence ? Comment alors comprendre le destin de l’âme ?

I.4. La providence et le destin de l’âme

Pour comprendre la difficile question de la providence et du destin des âmes individuelles chez Plotin, il est nécessaire de partir du rapport qu’il établit entre les raisons et l’âme universelle, les parties de ces raisons et les parties de cette âme. Et parler des parties de l’âme universelle c’est sous-entendre une division. On quitte l’unité : l’âme universelle, vers la multiplicité : les parties de l’âme universelle.



Les raisons sont l’acte d’une âme et

Les parties de ces raisons sont l’acte des parties de cette âme ; et comme cette âme, toute une qu’elle est, a des parties, les raisons ont aussi des parties, si bien que les ouvrages de ces raisons, qui sont leurs productions dernières, en ont également. Mais comme les âmes sont en harmonie les unes avec les autres, leurs œuvres le sont également ; cette harmonie consiste en ce qu’elles forment une unité, fussent-elles contraires les unes aux autres.

De ce rapport établi entre les raisons et l’âme, les parties de l’âme et les parties des raisons ressort l’idée de la hiérarchisation des œuvres d’une âme dans laquelle nous pouvons trouver la place de l’âme humaine. La position de celle-ci lui permet d’accomplir les actes conformes à la providence et ceux qui ne le sont pas. Cette manière d’agir a pour conséquence le bien et le mal. Mais avant de parler de la possibilité chez l’âme humaine d’agir contre la volonté de la providence, nous allons d’abord voir comment les œuvres d’une âme universelle sont hiérarchisées.
A propos de la hiérarchisation des œuvres d’une âme, on note un mouvement descendant c’est-à-dire un mouvement de la division, on quitte l’ordre unique vers une multiplicité des parties d’une âme. On passe des parties supérieures vers les parties inférieures. Chaque partie doit remplir la fonction propre à sa nature comme le font les parties d’un animal. Et Plotin dit que « cette vie conforme à leur nature et à leurs fonctions a pour conséquence le bien et le mal » .
En effet, les êtres ou les parties du premier rang vont accomplir les fonctions supérieures par rapport aux fonctions accomplies par les parties du second rang ou du troisième rang. Dans cet ordre les choses supérieures ne dépendent pas des choses inférieures, au contraire elles les illuminent. Plotin va définir la lumière des choses supérieures comme étant la providence complète . Selon lui « la providence nous vient d’en haut ; elle est égale, non parce qu’elle fait à tous des dons numériquement égaux, mais parce qu’elle les proportionne aux diverses régions de l’univers » . Ainsi, tout être doit se complaire de sa condition de vie parce qu’il a reçu de son auteur ce qui lui convient. On n’a pas le droit de réclamer le plus de ce qu’on a. comme l’homme ne réclame pas la raison aux bêtes, et qu’il trouve normal qu’elles ne soient pas raisonnables, non plus il n’a pas le droit de réclamer d’être mieux qu’il est . Si l’on ne tient pas compte des fonctions conformes à la nature de chaque partie, on peut facilement voir le mal à une fonction accomplie par la partie inférieure. Or cette fonction est conforme à sa nature.
De toutes les choses, dit Plotin, se forme un être unique ; et il n’y a qu’une seule providence ; par les choses inférieures, la providence est d’abord destin tandis qu’en haut, elle n’est que providence . « Tout ce qui descend de là-haut est providence, c’est-à-dire tout ce qui est dans l’âme pure, et tout ce qui vient de l’âme aux animaux » . Jusqu’ici nous voyons qu’on n’a pas le droit de parler du mal dans cette hiérarchisation des œuvres d’une âme. Ce n’est en faisant la comparaison entre les fonctions des êtres supérieurs et celles des êtres inférieurs qu’on peut dire que telles fonctions sont meilleures plus que telles autres. Mais quand on descend dans l’ordre des rangs des êtres on peut arriver à des fonctions qui ne sont pas conformes à la volonté de la providence et là on parle de la contrariété des œuvres d’une âme à la providence. Et ces actes contraires à la volonté de la providence, nous verrons qu’ils sont surtout produits par l’âme humaine. Cela parce que, selon Plotin, l’âme humaine a en elle le principe de la liberté qui n’est pas une partie de la nature des bêtes . C’est ainsi que nous entrons dans l’idée de la contrariété des œuvres d’une âme à la providence.
Selon Plotin les actions des êtres sont conformes à la providence « quand les êtres agissent d’une manière agréable aux dieux » . En fait pour lui, la loi de la providence est aimée par les dieux. Les actes de ces êtres sont liés au reste, c’est-à-dire à un tout. Ils ne sont pas l’œuvre de la providence quand « ils ont pour auteurs soit des hommes, soit des êtres quelconques, vivant ou inanimés ; mais dès qu’il en résulte quelque bien, la providence les englobe, de manière à faire triompher partout le mérite, à changer les âmes et à corriger les fautes » . Ici Plotin donne l’exemple de la providence qui donne la santé à l’animal, mais d’un coup il peut y avoir une blessure (coupure du corps). La providence va réunir les bords de la plaie et procurer la guérison, ainsi le bien jaillit du mal.
Plotin prend des maux comme des conséquences nécessaires qui viennent de nous lorsque nous ajoutons spontanément nos actes aux œuvres de la providence et à celles qui dérivent d’elle, sans toutefois y être contraints par la providence. « Il y a le mal lorsque nous sommes incapables de lier la suite de nos actes selon la volonté de la providence, et que nous agissons à notre gré ou au gré de quelque autre partie de l’univers, en ne suivant pas la providence ou en subissant en nous l’action de cette partie » .
En effet, nous ne recevons pas de la même manière l’ordre de la providence. Comme nous pouvons ou ne pas suivre les prescriptions données par un médecin, pareillement pour la providence nous pouvons ou ne pas suivre la volonté de la providence. Ainsi donc, nous voyons qu’il est difficile pour un être libre de distinguer dans un mélange des faits, d’une part la providence avec ce qui lui est conforme et d’autre part le sujet matériel avec ce qu’il donne de lui-même. Mais c’est aussi possible de le faire parce qu’on trouve dans l’univers les analogies. Celles-ci permettent de prédire la suite des événements de la providence . Dans ces conditions, il devient facile de suivre la volonté de la providence.
De toutes les façons, quand on considère l’ordre du monde, l’âme universelle, on constate l’inséparabilité du bien et du mal. Cela parce que, selon Plotin, « il existe des choses pires parce qu’il existe des choses meilleures » . C’est normal que dans une œuvre multiforme qu’est l’univers on trouve le pire et le meilleur. « Il ne faut donc pas accuser le pire d’être dans le meilleur ; il faut plutôt être satisfait de ce que le meilleur a donné de lui-même au pire » . Vouloir détruire le pire dans l’univers, dit Plotin, c’est vouloir détruire la providence elle-même. Ainsi comprendrons-nous facilement que l’âme qui touche à la fois la matière et l’intelligible doit nécessairement englober le bien et le mal qui sont dans l’ordre de l’univers, dans la providence.
Mais l’âme humaine est sur le juste chemin quand elle est tournée vers les réalités supérieures d’où procède la providence complète. Ainsi, après la mort d’un corps qu’elle anime, elle peut monter vers un rang supérieur ; dans le cas contraire c’est-à-dire où elle se laisse dominée par la matière, par les désirs , après la mort elle descend vers les réalités inférieures où elle pourra renaître par exemple dans le bœuf. Suivant son maître Platon dans la théorie de la métempsycose, Plotin montre que la domination de la matière sur la raison dans l’âme dépend de la conduite antérieure de l’âme. Il le dit par ces mots : «Si tu es tel que tu es, on peut l’expliquer par ta conduite dans une vie antérieure ; par suite de tes antécédents, ta raison s’est obscurcie, si on la compare à ce qu’elle était avant ; ton âme s’est affaiblie ; et plus tard, elle redeviendra brillante » . Jusqu’ici nous pouvons comprendre que le destin de l’âme humaine consiste dans le combat quotidien qu’elle doit mener pour vaincre la matière en vue de redevenir telle qu’elle était aux origines. Pour y arriver, « il faut remonter par la pensée aux vies antérieures, parce que les vies suivantes en dépendent » .

De tout ce qui précède dans ce premier point consacré à l’étude des textes de Plotin sur la providence, que pouvons-nous retenir ?
Nous disions que Plotin traite de la providence universelle et donc de la providence divine. Notre philosophe associe étroitement cette thématique à diverses autres thématiques. Il s’est dégagé tout au long de son analyse plusieurs définitions ou conceptions de la providence. La providence est considérée comme la conformité de l’univers à l’intelligence qui en est la cause, la génératrice. L’intelligence qui cause le monde n’est pas responsable du mal qui y existe et par là la providence ne l’est pas aussi. Cette intelligence, dans son processus de production naturelle des êtres, a produit des êtres libres et donc qui ont la liberté de choix de leurs actes dans ce monde. Ceux qui se comporteront raisonnablement bien seront récompensés, et ceux qui se laisseront dominés par les passions du corps, de la matière, seront punis. Par là aussi, la providence est la loi, la justice distributive de Dieu. Malheureusement, dans ce monde, il est difficile de rencontrer des êtres qui se conduisent toujours et uniquement bien ; tous les êtres sont comme à la fois attirés vers le bien et le mal. Tel est en effet leur destin. Ici la providence est considérée comme la divine loi de la nécessité du bien et du mal dans l’univers. Voici, résumé rapidement ce nous pouvons retenir chez Plotin. Arrêtons-nous ici pour étudier le même thème avec Boèce. Quelle est sa conception de la providence ?




II. LA CONCEPTION BOECIENNE DE LA PROVIDENCE

Partant du problème du mal subi par le juste, Boèce est conduit à poser le problème de la providence divine. C’est son étonnement de voir les satisfactions de ce monde refusées aux bons et dispensées aux méchants qui l’amena à interroger la providence. Boèce se rend compte que « le problème de la providence est lié à beaucoup d’autres » . C’est pourquoi dans son développement, il traite de la providence en lien avec d’autres thèmes : celui du destin, du hasard, du libre arbitre, de la prescience divine. C’est ce que nous envisageons d’étudier dans ce deuxième point de notre travail ; nous verrons ainsi comment il aborde à sa manière ces différentes thématiques.

II. 1. La providence et le destin

Boèce entreprend le problème de la providence en le liant à la notion du destin. Il commence par poser que « toute génération, toute évolution dans les êtres sujets au changement, toute transformation procèdent, dans leur origine, leur ordonnance et leurs divers aspects, de la stabilité de l’intelligence divine » . Boèce continue en disant que cet enchaînement des choses et des événements, considéré dans sa source divine, est ce que nous appelons la providence ; mais si nous l'envisageons dans son objet, c'est-à-dire dans les choses créées, qui reçoivent de la providence la forme et le mouvement, c'est ce que les anciens nommaient destin .
Au premier coup d'oeil, la Providence et le destin semblent être une même chose, mais Boèce affirmera que « providence et destin ne se confondent pas » : car la providence est la raison divine elle-même, subsistant dans le Principe suprême, laquelle ordonne tout ; et le destin est l'ordre inhérent aux choses muables, par lequel elle les met chacune à sa place. La providence en effet embrasse à la fois toutes les choses de ce monde, quelque différentes, quelque innombrables qu'elles soient, et le destin les réalise successivement sous des formes diverses, dans des temps et des lieux différents. Ainsi, cet ordre des choses et des temps, réuni dans la pensée de Dieu, est ce qu'on doit appeler providence; et quand on le considère divisé et développé dans le cours des temps, c'est ce qu'on a nommé destin. Ces deux choses sont donc différentes. Mais providence et destin ont beau ne pas se confondre, l’un cependant dépend de l’autre : car l'ordre des destinées procède de la pensée souverainement simple de la providence . En effet, comme un ouvrier, en concevant l'idée de l'ouvrage qu'il projette, l'embrasse d'un seul coup d'oeil tout entier, quoiqu'il ne l'exécute ensuite que successivement; de même la providence, par un seul acte, règle d'une manière immuable tout ce qui doit se faire dans l'univers, et elle se sert ensuite du destin pour l'exécuter en détail successivement et de mille manières différentes. Soit donc que le destin exerce son empire par des esprits divins qui servent de ministres à la providence, soit qu'il l'exerce par l'action de l'âme ou par celle de toute la nature, soit par l'influence des astres, soit par la vertu des anges ou par l'artifice des démons, soit enfin que toutes ces puissances y concourent ou que quelques-unes seulement y aient part. Il est toujours certain que l'idée universelle et simple de ce qui doit se faire dans le monde [telle qu'elle est en Dieu] est ce que nous devons nommer providence, et que le destin n'est que le ministre de cette providence, parce qu'il développe et qu'il ordonne dans la suite des temps ce que la providence a réglé par un seul acte de sa pensée .
Ainsi, ce qui est soumis au destin, et le destin lui-même, tout est sujet à la providence; mais la providence embrasse bien des choses qui ne dépendent aucunement du destin. Comment ? Ce qui est plus éloigné de l'Intelligence suprême, est plus sujet aux lois du destin, ce qui en est plus proche en dépend moins, et ce qui est uni invariablement à l'intelligence suprême en est tout à fait exempt. L'ordre du destin n'est donc, par rapport à la providence, que ce que l'effet est à son principe, le raisonnement à l'entendement, la circonférence du cercle à l'indivisibilité de son centre, et le temps à l'éternité. C'est cet ordre du destin qui donne le mouvement aux cieux et aux astres, qui conduit les éléments, et les change mutuellement les uns dans les autres. C'est par ses lois que la génération remplace sans cesse les êtres qui périssent, par d'autres qui leur succèdent ; ce sont elles qui règlent les actions et le sort des hommes, par un enchaînement aussi invariable que la providence, qui en est le premier principe. Tel est en effet l'ordre admirable de cette providence immuable et infiniment simple ; elle produit au dehors, d'une manière toujours entièrement conforme à ses vues, cette multitude de choses qui, sans l'ordre qu'elle leur prescrit, seraient abandonnées au caprice du hasard. Il est vrai que les hommes ne pouvant apercevoir cet ordre admirable, s'imaginent que tout ici-bas est dans une confusion universelle ; mais il n'en est pas moins certain que, par la direction de la providence, il n'est point d'être qui de soi ne tende au bien . « Il n’y a rien en effet qui ait le mal pour fin, pas même du fait des méchants » . Autrement dit, les méchants qui font le mal, ne font point le mal ; ils ne le font que parce qu'il se présente à leur imagination sous l'apparence du bien. Ils ne cherchent que le bien, et s'ils n'y parviennent pas, c'est une erreur fatale qui les égare ; mais leur égarement ne peut être l'effet de cet ordre divin qui émane du bien suprême. Ainsi, tout ce qui arrive ici-bas d'agréable ou de fâcheux sert à récompenser ou à exercer la vertu, et à punir et corriger le vice. Et sans cet ordre que la divine providence prescrit aux hommes de ce monde, le monde flotterait au hasard et en désordre. Puisque la providence divine ordonne et gouverne déjà, faut-il penser qu’un événement hasardeux n’est plus ? Qu’est-ce qu’en effet le hasard ? Ces questions nous introduisent dans le second point de notre étude sur l’approche boécienne de la providence en lien avec le thème du hasard.
II. 2. La providence et le hasard

Boèce défend la providence divine contre la théorie du hasard et pose le concept hasard comme un concept vide de sens. Il soutient qu’on ne saurait définir le hasard comme étant quelque chose de purement fortuit ou imprévu, auquel cas il serait complètement vide de sens. Aussi, déclare-t-il : « Si l’on appelle hasard un événement purement fortuit et indépendant de toute espèce de cause, loin de consentir à la définition, je déclare que ce mot, à part la signification qu’il peut avoir en lui-même, est absolument vide de sens » . En fait, le hasard n’est pas synonyme de quelque chose qui se produirait de manière fortuite. Il épouse par là la pensée des anciens qui disaient que « rien ne se fait pour rien » . De même, dans sa laborieuse démarche en vue de définir le concept du hasard, il fait intervenir Aristote qui soutient dans sa Physique que le hasard est une cause cachée à la raison humaine. C’est dans ce sens qu’il dit : « toutes les fois qu’on agit en vue d’un but déterminé, et que par l’effet d’une cause quelconque, il arrive un résultat différent de celui qu’on attendait, on l’appelle un hasard ». Ici, l’auteur considère le hasard comme tout événement qui se produirait par le concours imprévu et inattendu de causes qui lui sont propres. Aussi va- t-il illustrer cette conception de la chose par un exemple. Il dit : « si homme retourne la terre pour cultiver son champ et découvre un lingot d’or enfoui, voilà donc un événement qui paraît dû au hasard, mais il ne vient pas du néant ; car il a ses causes propres de la rencontre imprévue et inattendue […] » . Il renchérit en disant que « si le laboureur ne retournait pas la terre et si l’enfouisseur n’avait pas déposé sa fortune à cet endroit, l’or n’aurait pas été découvert » . Ici on voit que c’est un concours de circonstances qui a amené le second à déterrer ce que le premier avait enfoui. Par conséquent, le hasard ne peut être considéré comme tout événement dépourvu de causes, mais plutôt comme étant une chose qui arrive et qui est déterminée par les causes étrangères ou inconnues. Boèce précise : « le hasard peut donc se définir comme un événement imprévu amené par une rencontre de causes dans l’ordre des faits qui sont accomplis avec un certain dessein » . Dans cette précision de la définition du hasard, on peut lire l’influence d’Aristote.
Ainsi, nous retenons chez Boèce que le hasard est une réalité qui se produit par la rencontre de deux causes. « Cette rencontre et cette intersection des séries causales apparaissent dans le plan issu de l’enchaînement inéluctable qui, ayant sa source dans la providence, dispose toute chose à sa place et en son temps » . Donc, le hasard qui semble aux yeux de l'homme, comme un coursier fougueux, errer sans guide, en somme connaît aussi un frein, subit la loi de la providence divine. Mais dans cet enchaînement de causes liées les unes aux autres, y a-t-il une place pour notre libre arbitre, ou l'activité de l'âme humaine est-elle aussi fatalement jetée à la chaîne, aux lois de la providence divine ? Nous arrivons ainsi au point suivant dans lequel nous traitons de la providence en lien avec le libre arbitre.

II. 2. La providence et le libre arbitre

Boèce pose que malgré la loi de la divine providence, « le libre arbitre existe » , et il n'y a pas de créature raisonnable qui n'en soit pourvue. Tout être en possession de sa raison naturelle est doué de jugement ; par le jugement il distingue et démêle ce qu'il faut éviter ou rechercher; il tend à ce qui lui semble désirable, et il fuit ce qu'il croit qu'on doit fuir. Donc, les êtres pourvus de raison ont aussi la liberté de vouloir et de ne pas vouloir. Mais Boèce pose en principe que cette liberté, ils ne la possèdent pas tous à un égal degré . Les êtres d'un ordre supérieur, les substances célestes ont un jugement pénétrant, une volonté entière et le pouvoir de réaliser leurs désirs. Quant aux âmes humaines, elles sont d'autant plus libres nécessairement, qu'elles se maintiennent de plus près dans la contemplation de l'intelligence divine; elles le sont moins au moment où elles descendent dans des corps, et moins encore lorsqu'elles sont emprisonnées ici-bas dans des membres de chair . Autrement dit, la liberté des âmes humaines s’amoindrit quand elles sont prisonnières de membres matériels. Mais elles tombent au dernier degré de la servitude lorsque, s'abandonnant aux vices, elles sont déchues de leur propre raison. Car, lorsqu'elles détournent leurs regards de la suprême lumière, c'est-à-dire de la vérité, pour les abaisser vers les ténèbres du monde inférieur, bientôt l'obscurité de l'ignorance les enveloppe, les passions mauvaises les troublent, et quand elles s'y livrent sans réserve, elles aggravent encore l'esclavage auquel elles se sont volontairement soumises. Ainsi, elles trouvent en quelque sorte leur servitude dans leur liberté même. Or, cet usage qu'elles font de leur volonté a été prévu de toute éternité par la Providence divine, qui les traite selon leurs mérites et conformément à l'arrêt que d'avance elle avait prononcé : « Dieu voit tout et entend tout » . Le ‘’créateur’’ de l’univers est « présent, passé, avenir, il distingue tout d’un seul rayon de son intelligence ; il est le seul qui voie tout, il est donc le seul qui mérite le nom de soleil » . Mais alors, s'imaginer que Dieu prévoit les choses futures parce qu'elles doivent arriver, n'est-ce pas penser tout à fait que les événements accomplis dans le passé sont la cause de sa souveraine Providence? S'il prévoit de toute éternité, non seulement les actions des hommes; mais encore leurs desseins et leurs intentions, la liberté n'est-elle qu'un vain mot ?
Boèce, dans sa réponse à cette question, va chercher à prouver que les événements prévus arrivent nécessairement sans que pour cela la prescience de Dieu nécessite leurs causes efficientes. Il se sert, pour expliquer sa pensée, d'un exemple familier. Si quelqu'un est assis, l'opinion de ceux qui le croient dans cette posture est nécessairement vraie ; et en retournant la proposition, on peut dire que si ceux qui le pensent ainsi, pensent vrai, il est nécessaire en effet qu'il soit assis. Il y a donc nécessité des deux côtés : et l'existence de la chose et la vérité de l'opinion qu'on en a, sont alors également nécessaires. Cependant la vérité de l'idée de celui qui me croit assis, n'est point la cause de ce que je le suis ; mais plutôt c'est parce que je suis effectivement assis, que son idée est vraie ; et quoique la cause de ma situation vienne d'ailleurs, cependant il y a, ainsi, nécessité des deux côtés . Boèce pense qu’on doit raisonner de même de la Providence et des choses futures . D'ailleurs, y a-t-il rien de plus déraisonnable que de dire que des événements futurs soient la cause de la prescience de Dieu ? Croire que si Dieu prévoit les choses futures c’est parce qu’elles doivent se produire, cela ne revient-il pas à penser que les faits passés sont la cause de cette souveraine providence ?
Boèce trouve que soutenir que des événements passés et futurs soient la cause de la prescience de Dieu met à néant la liberté de l’homme . Et donc, à quoi bon, en effet, des récompenses et des peines pour les bons et pour les méchants ? Il n'y a ni mérite ni démérite là où il n'y a pas mouvement libre et volontaire de l'âme. Il faudra considérer comme le comble de l'iniquité ce qui nous paraît pourtant de toute justice, c’est-à-dire la punition des méchants ou la récompense des bons, puisque ce n'est pas leur volonté qui les porte au bien ou au mal, mais qu'ils y sont poussés par la nécessité de ce qui doit être. Il n'y aurait donc plus ni vices ni vertus, mais un mélange confus d'actions indifférentes; et, ce qui surpasse toutes les monstruosités imaginables, si l'ordre établi dans le monde vient uniquement de la Providence, et si rien n'est laissé à l'initiative humaine, il faudra imputer même nos crimes à l'auteur de toutes les vertus. A quoi bon encore l'espérance et la prière ? Pourquoi espérer, pourquoi prier, en effet, si tous les objets de nos vœux sont soumis à un ordre d'événements irrévocablement fixé ? Alors serait supprimé le seul commerce qui existe entre les hommes et Dieu. « Il serait donc inévitable que […] le genre humain s’éloigne de sa véritable source » et succombe à sa misère.
Pour Boèce donc, « la prescience divine n’est pas une cause de nécessité pour les événements futurs, elle ne gêne donc en rien le libre arbitre » . Mais comment peut-il se faire que des événements qui ont été prévus n'arrivent pas ?
Remarquons que Boèce dans son raisonnement ne prétend pas que les événements prévus par la providence peuvent ne pas arriver, mais que ces événements, bien qu'ils se produisent, n'avaient en eux aucune nécessité qui les obligeât à se produire. En définitif, la préconnaissance divine ne modifie pas la modalité de l’action, nécessaire ou libre et le fait que Dieu contemple dans l’unicité d’un présent éternel la totalité des actes et des événements qui se déroulent pour nous dans le temps ne signifie pas que l’acte libre cesse d’être le fruit d’une volonté de sa divine providence. Du haut de sa prescience, Il assiste à tout; son regard éternel et toujours présent se rencontre toujours avec nos actions à venir, et, selon leurs mérites, il distribue des récompenses aux bons et des châtiments aux méchants .
En bref, nous retenons de ce deuxième point sur la conception boécienne de la providence que celle-ci et destin sont des ordres ou lois de l’intelligence qui produit le monde. Providence et destin sont différents mais l’un est subordonné à la l’autre. Sans ces lois, le monde serait abandonné aux caprices du hasard. De même que l’intelligence préexiste à tout, de même la providence prévoit tout ; par là elle la prescience divine. Mais cette prescience divine ne met pas au néant notre libre arbitre.


III. RAPPROCHEMENT ENTRE PLOTIN ET BOECE

D’entrée de jeu, Plotin et Boèce se présentent comme des exégètes de Platon, d’Aristote et des Stoïciens. Presque tous leurs thèmes ont des lieux communs. Leurs œuvres sont ce que nous appelons ici des bréviaires de la sagesse antique. Il y a, cependant, chez chacun un effort personnel dans la synthèse, la hiérarchie des inspirations et dans les conclusions, c'est-à-dire dans les modifications imposées à la pensée antique. Ainsi, allons-nous étudier les points de divergences et de convergences entre Plotin et Boèce.
III. 1. Points de divergences

En ce qui concerne les divergences entre Plotin et Boèce, il faut noter qu’il y’en a très peu. On remarquera que Plotin traite le problème en puisant les éléments de sa pensée plus chez Platon et chez les stoïciens. Dans sa synthèse personnelle, Plotin développe trois hypostases : l’Un, l’Intelligence et l’Ame. L’Un cause l’intelligence, de qui procède l’âme de ce monde. Quant à Boèce, sa pensée se fonde sur les mêmes sources que celles de Plotin, mais dans son développement on se rend compte qu’il est aussi plus proche de la pensée chrétienne sur la providence. La doctrine de Boèce paraît être un mélange de la pensée de Plotin et celle des Pères de l’Eglise à l’instar d’Origène .
Autour de la providence, Plotin et Boèce abordent presque les mêmes thèmes : le destin, le libre arbitre, le mal, le hasard, etc. Sur ce dernier, c’est-à-dire le hasard, les deux penseurs s’accordent à dire que rien n’est produit au hasard. En d’autres termes, dans l’univers où tout est réglé par la Providence divine rien ne peut surgir au hasard. Plotin se limite à ces affirmations tandis que Boèce développe beaucoup plus une définition du hasard en insistant sur l’intervention de la Providence dans le cours des choses humaines. Voilà ce qu’on peut dire concernant les points de divergences même s’ils ne constituent pas une grande différence. Il s’agissait de la différence des nuances. A bien regarder, leurs pensées se trouvent plus convergentes.


III. 2. Points de convergences

Comme Plotin, Boèce distingue la providence du destin et il subordonne le second à la première. Cela a été montré dans l’analyse de la conception boécienne de la providence par rapport au destin où Boèce faisait entendre que par un regard naïf la providence peut se confondre au destin. Mais, ce n’est pas le cas parce que la providence est, selon Boèce, la Raison divine qui est dans le Principe suprême et ordonne tout ; tandis que le destin est l’ordre inhérent aux choses muables que la providence utilise pour mettre ces choses en place. Il y a chez Boèce comme chez Plotin, une subordination du destin à la providence. Pour Boèce, la providence est un ordre des choses et des temps, réuni dans la pensée de Dieu. Tandis que le destin est le même ordre considéré divisé et développé dans le cours des temps. La providence se sert du destin pour exécuter tout ce qui doit se faire dans l’univers. Le destin est considéré comme le ministre de la Providence, car il développe et ordonne dans la suite des temps ce que la providence a réglé par un seul acte de sa pensée. Les choses les plus éloignées de l’Intelligence sont sujets aux lois du destin. Ici, nous pouvons rappeler que toute cette doctrine est celle de Plotin dans l’Ennéade III, Liv. III, §5 où celui-ci dit qu’en haut c’est la providence pure et en bas le destin. Il suffit de lire ce passage pour comprendre la suite du rapport que Boèce établit entre la providence et le destin. Mais, si l’on continue à parcourir les Ennéades (par exemple Enn. IV, Liv. III, §11), on peut encore trouver les éléments de la théorie de Boèce sur la providence et le destin. De ce sujet, on voit qu’il n’y a aucune différence sur la conception du rapport entre providence et destin chez les deux philosophes. Tous deux ont une même vision de la providence qui vient des réalités supérieures et descend dans l’ordre des rangs en se proportionnant dans toutes les choses ; autrement dit en faisant les dons conformes à la nature de chaque chose. Arrivée dans les réalités les plus inférieures c’est-à-dire les plus éloignées de l’Intelligence, elle devient destin.
Les deux auteurs parlent du libre arbitre comme un principe qui est dans chaque âme humaine. Celui-ci fait que les actes commis par les hommes ne soient pas attribués à la providence, mais plutôt que les hommes restent responsables de leurs actes. La providence laisse la liberté à l’homme de produire les événements selon son choix ; mais ces événements sont inclus dans l’ordre de la providence.
En considérant leur refus de la théorie du hasard chez les deux philosophes, nous pouvons dire que l’un et l’autre appliquent de façon rigoureuse le principe de causalité selon lequel tout être, toute chose multiple présuppose un principe ou cause intérieure simple.

Enfin, nous remarquons que les deux doctrines se ressemblent sur plusieurs points et cela se comprend bien parce que les deux philosophes s’inscrivent dans le même courant philosophique : le néoplatonisme, dans lequel Plotin est considéré comme l’un des promoteurs et Boèce comme l’un des continuateurs.
IV. APPORT PHILOSOPHIQUE

La notion de la providence, n’est pas un thème dépassé. Dans l’histoire, surtout avec les philosophes et les théologiens du Moyen Age, il a été l’objet de nombreux discours. Ce mot providence, au sens de la prédisposition divine et de sollicitude envers le monde, se trouve pour la première fois chez Hérodote. Mais la chose était déjà présente dans la théorie des présocratiques : le merveilleux ordre du cosmos conduisait Héraclite et Anaxagore et Diogène d’Appolonie à la persuasion qu’il devait y avoir une raison universelle ordonnant à un but le jeu changeant des forces du monde et se manifeste en dirigeant et en conduisant les éléments particuliers de l’univers.
L’Eglise est héritière de ce concept de providence. Dans les textes de ses premiers Pères, la « Providence » est écrite avec ‘’P’’majuscule. C’est Dieu qui se rend proche du monde et qui se manifeste dans son action immanente par la façon dont il conduit avec la puissance et sagesse son peuple choisi. La formulation de l’idée de la Providence divine est une vérité à laquelle on croit et on peut confesser sans se laisser tomber dans une théorie pure et spéculative. St Augustin conçoit l’idée de Providence d’une façon immanente. En effet, St Augustin est considéré comme le plus important parmi les auteurs chrétiens qui se sont inspirés de la doctrine de Plotin sur la Providence, soit par le développement qu'il a, dans ses écrits, donné à la question de l'origine du mal, soit par les emprunts qu'il a faits à l’auteur .

La réflexion plotinienne et boécienne sur la providence comporte une grande richesse philosophique. En suivant les pensées de Plotin et de Boèce, on peut y considérer deux grands héritages : d’abord ce sont des pensées qui développent le sens de la responsabilité en évitant toute forme de fatalisme ; ensuite ce sont des pensées qui ont une vision optimiste du monde. Mais nous pouvons signaler que la conception de la providence chez Plotin diffère sur quelques points de vue de celle de la philosophie chrétienne au moyen âge. Cette dernière, partant des Ecritures Saintes (Rm13, 1-7), dit que tout pouvoir vient de Dieu et le chrétien n’a qu’à obéir à ses dirigeants, même s’ils sont des tyrans. L’authentique chrétien doit se soumettre à ses dirigeants et les aimer car c’est à Dieu qu’il obéit et c’est Lui qu’il aime. Suivant la croyance à la Providence, le moyen âge pense que tout ce qui arrive, dirigeant tyrannique ou bienveillant, est voulu par Dieu : « Le chrétien se soumet aux aléas bons ou mauvais de la vie, car ils sont voulus par Dieu » . Plotin n’est pas d’accord avec cette manière de concevoir la Providence, car pour lui, les méchants dominent parce que les bons leur laissent le devenir, grâce à la lâcheté de leurs sujets les méchants ont le pouvoir. On comprend bien que la responsabilité de l’homme selon Plotin va même jusque dans la manière dont il se laisse gouverner. Il appartient à l’homme de lutter contre toute forme d’injustice et non à Dieu. En partant de cette manière de voir les choses chez Plotin, on peut dire sans trop se tromper que si les contemporains de Plotin avaient continué à réfléchir dans la même optique sur le gouvernement de la Cité, ce que les modernes (les Lumières) ont acquis comme droit de résistance à l’oppression, serait venu très tôt dans l’Antiquité sans attendre la traversée du Moyen Age.

Quant à la vision optimiste du monde, on peut dire que la pensée plotinienne et la pensée chrétienne médiévale convergent sur plusieurs points. Accepter et suivre l’ordre de la nature est une pensée commune.

Par ailleurs, la providence divine n’agit pas à la façon d’un facteur intervenant à côté des autres ; elle n’est ni ersatz ni concurrence, mais origine et garantie de l’ordre interne de la nature et de la liberté humaine. Le lieu de l’intervention divine providentielle dans le monde et dans l’histoire reste par conséquent une liberté orientée vers Dieu, une liberté que l’homme doit assumer en pleine responsabilité : c’est à travers elle que Dieu entend sans cesse « venir au monde » et se vérifier temporellement, lui et sa sollicitude pour les hommes. Aucun processus macro ou microbiologique ne saurait suffire à expliquer de façon satisfaisante cette situation de face-à-face et de compagnonnage de Dieu et de l’homme, une situation marquée par la liberté de la personne. L’engagement personnel de Dieu se traduit dans une providence qui, à travers son appel à la liberté humaine, n’a donc en rien à contredire des lois internes de la nature. Cependant, durant la période médiévale, nous devons, de ce fait, noter que la foi chrétienne en la providence ne conduit donc ni au fatalisme ni à la passivité à l’égard du monde et de l’histoire , bien au contraire : du fait que l’intervention providentielle de Dieu dans celle-ci s’accomplit normalement dans l’homme et par l’homme , qu’elle implique donc l’action de la liberté et celle de le foi , la confiance en la providence divine nous conduit à agir dans le monde vraiment de façon intelligente et créatrice de sens .Le don de soi à Dieu , accomplissement de la foi , et l’engagement total en vue de façonner l’histoire suivant la volonté divine sont les deux faces inséparables de la foi en la Providence.




Conclusion

Tout au long de cette étude philosophique, il a été question de la providence. Le thème qui a préoccupé de nombreux philosophes dans l’histoire. En ce qui nous concerne, nous l’avons étudié chez Plotin et Boèce. Il s’agissait de chercher comment comprendre leurs conceptions de la providence. Il s’est avéré que le thème de la providence suscite beaucoup d’autres thèmes qui tournent autour et permettent sa compréhension. C’est ainsi qu’on ne pouvait pas aborder la question de la providence et ignorer d’autres questions comme la génération du monde, le mal, la liberté de l’homme ou le libre arbitre dans le sens boécien, le destin et le hasard. Une analyse de ce dernier a été plus développée chez Boèce.
En premier lieu, nous avons étudié la conception plotinienne de la providence. Nous avons vu que Plotin a suivi la voix de son maître Platon et a critiqué les théories de quelques anciens philosophes, notamment la théorie du hasard des Epicuriens, la théorie de l’universelle détermination des causes, la théorie de la création ex-nihilo des chrétiens, qui nous font soit douter de la providence, ou soit avoir une idée inférieure de celle-ci. Plotin, pour sa part, suppose que la providence existe, il se consacrera ainsi à exposer son mode d’action dans le monde et les événements qui arrivent dans ce monde. Il arrive à la conclusion selon laquelle la providence est la conformité de toute la nature à l’intelligence qui la cause, la génère, la produit. C’est cette conclusion qui va nourrir tout le reste du raisonnement de Plotin sur la providence : la providence comme production naturelle des êtres n’est pas la cause des maux de ce monde, car elle nous a produit libres; elle est la justice distributive et nécessaire de l’intelligence. C’est ce qui a amené Plotin à poser l’unicité de la providence, mais celle-ci montre les deux faces. En haut, elle est la providence pure et en bas, est le destin c’est-à-dire la providence particulière de chaque être.
En second lieu, il a été question d’étudier la conception de la providence chez Boèce. Celui-ci, dans son ingéniosité réussit avec aisance à mettre en commun les notions profanes comme le hasard, aux notions chrétiennes notamment la providence sur lesquelles, nous avons axé notre réflexion. Cependant, il importe de relever que c’est à travers l’usage d’une méthode rationnelle que Boèce nous présente le fruit de sa méditation ou la réflexion philosophique. C’est cette rationalité rigoureuse qui fait la grandeur de l’auteur et lui donne sa signification historique. Il est par conséquent une source d’inspiration pour les nouvelles générations. Bien plus, dans son analyse minutieuse de la notion du hasard, que le philosophe Boèce amène ses lecteurs à mettre en valeur leur intelligence. C’est ainsi qu’à travers la recherche de la nature des réalités, on arrive à éviter l’incertitude, qui est susceptible de produire des sentiments d’insécurité, d’inquiétude ou d’angoisse. D’où cette tentative de Boèce de traiter ces concepts du hasard et Providence qui sont couramment si vulgaire.
Le rapprochement entre Boèce et Plotin nous montre que le premier est resté fidèle au second dans sa conception de la providence en rapport avec le destin et la liberté de l’homme. Les pensées de deux philosophes convergent sur un bon nombre de points. Les petites différences qu’on peut relever ne seraient que des différences de nuances.
La réflexion sur la providence nous révèle que la conception de la providence a eu une grande influence sur la pensée chrétienne surtout au Moyen Age. Saint Augustin puise chez son maître Plotin pour explique le gouvernement du monde par Dieu. Ce n’est pas seulement la pensée chrétienne que cette conception enrichit, c’est à toute la philosophie. Cela parce que comprendre la providence dans le même sens que Plotin et Boèce nous apporte une nouvelle vision du monde, une vision optimiste, elle approfondit aussi en nous le sens de la responsabilité.

BIBLIOGRAPHIE

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