mercredi 19 mai 2010

Emmanuel Levinas

Emmanuel LEVINAS (1905-1995)
Né en Lituanie, le 12 décembre 1905, il est élève dans une famille juive de libraires à Kovno
En 1923, il émigre en France et s’inscrit à l’Université de Strasbourg pour les études de philosophie. Il a pour professeurs Georges GURVITCH et Maurice PRALINES et pour ami Maurice BLANCHOT, grâce auquel il lit Proust et Valéry. Il découvre la vie nouvelle de Bergson mais, surtout, il lit les Recherches logiques de Husserl qui lui ouvre de « nouvelle possibilité de pensées ». Il s’inscrit au cours de Heidegger et participe au célèbre colloque de Danos où s’affrontent Cassirer et Heidegger. Il traduit les Méditations cartésiennes (publiée en 1931) et la même année, il obtient sa thèse de Doctorat sur Théorie de l’intention dans la phénoménologie de Husserl. Levinas est le premier à introduire en France la pensée de Husserl et celle de Heidegger
En 1930, Levinas est naturaliser français, il s’installe à Paris et entre dans l’administration scolaire de l’Alliance Israélite Universelle.
En 1940, il est mobilisé comme interprète pour le russe. Fait prisonnier, il reste cinq ans en captivité, protégé, quoique juif, par son statut de prisonniers de guerre.
En 1946, il devient Directeur de l’Ecole Normale Israélite Orientale d’Auteuil.
En 1961, après la publication de sa thèse d’Etat, Totalité et Infini, il est nommé professeur à l’Université de Poitiers.
En 1967, il est nommé à Nanterre.
En 1973, il est nommé professeur à la Sorbonne.
Sa retraite effective intervient en 1979.
Levinas meurt le 24 décembre 1995 à l’âge de 90 ans



INTRODUCTION
La philosophie, dans son ambition ultime, est explication et compréhension totale de l’homme, du monde et des fondements de nos connaissances. De l’Antiquité égyptienne et grecque jusqu’à la l’époque contemporaine, la tâche de la philosophie consiste en l’effort de comprendre l’essence (fondement) et le sens (signification) du réel. La réalité humaine occupe une place centrale. Ainsi, la tâche de la philosophie éthique est t’interroger l’agir humain et, plus profondément « l’humanité de l’homme ». En effet, la philosophie d’Emmanuel Levinas est essentiellement promotion de l’altérité. Toutefois l’expérience douloureuse, du rejet, de haine et d’incompréhension, qu’a connue l’humanité en général et les juifs en particulier pendant les deux guerres mondiales, a poussé Levinas à sonner une alerte d’une urgence morale. «Il vient à la fois donner un statut à la crise intellectuelle qui s’est durcie en Europe après la seconde guerre mondiale, crise précisément de la pensée humaniste et, offrir une alternative philosophique, en l’occurrence une nouvelle donnée éthique » . Ce qui l’amène à poser l’éthique comme philosophie première au détriment de la métaphysique qui est absolutisation de l’être. Il s’agit de penser l’homme dans son rapport avec le monde et, surtout avec l’altérité. C’est-à-dire comprendre l’homme dans sa relation intersubjective. Et pour bien expliciter sa pensée, il manie un certain nombre des concepts qui auraient été mal compris et contribueraient à cette triste réalité. C’est dans ce sens qu’il substitue l’éthique à la métaphysique, l’autre à la subjectivité du même, et l’infini à la totalité. Il pose enfin le visage comme trait fondamental qui caractérise autrui et me permet de le comprendre.
L’autre est d’abord visage et, ce visage est expression, il me convoque et, me rappelle à la responsabilité. Ainsi, le moi n’est plus réduit par l’autre à l’état d’objet et, le choc de sa rencontre m’élève à la condition de sujet, loin de heurter ma liberté, l’investie. Cependant, que peut représenter le visage de l’autre pour moi ? Ou alors quel rapport établir entre le visage de l’autre et moi ? Notre travail comporte cinq parties : la première porte sur l’éthique comme philosophie première, la deuxième sur la phénoménologie du visage, la troisième sur le visage : lieu de la rencontre de l’altérité, la quatrième sur le visage et responsabilité et la cinquième est une appréciation critique
I- VISAGE ET LANGAGE
Le visage et le langage sont indissociables chez Levinas parce que le visage signifie présence vivante et expression, tout le contraire d’un masque, d’une image figée dans sa forme. De plus, le « Tu ne tueras point » est la première parole du visage. Or c’est un ordre irrécusable, car il y a dans l’apparition du visage un commandement qui interpelle la disponibilité de la conscience, comme si un maître me parlait.
1- Visage comme expression
Le visage se distingue des autres phénomènes par la manière dont il signifie. Il ne prend pas sens à partir du moi ni du champ intersubjectif. « Il prend sens par lui-même, il a un sens à lui-même, il n’est pas l’être dont la singularité est accessible à partir du concept » . Dans le visage l’expérience assiste à l’expression, exprime son expression même – reste toujours maître du sens qu’il livre. Le visage est expression, non au sens d’une forme plastique qui trahit un caché ; en lui, l’exprimé et l’expression viennent à coïncider, tout comme le signifiant et le signifié ; l’apparaître et l’être
C’est là justement que la présence personnelle de l’autre à travers son visage signifie au moi l’ordre de rencontre à la violence et l’engage à se mettre en société avec lui.
« Autre qui se manifeste dans le visage, perce, en quelque façon sa propre essence plastique, comme un être qui ouvrirait la fenêtre où sa figure pourtant se dessinait déjà. Sa présence consiste à se dévêtir de la forme qui cependant déjà le manifestait. Sa manifestation est un surplus sur la paralysie inévitable de la manifestation. C’est cela que nous décrivons par la formule le visage parle. La manifestation du visage est le premier discours. Parler, c’est, avant toutes choses, cette façon de venir de derrière son apparence, de derrière sa forme, une ouverture dans l’ouverture » .
Levinas identifie donc, le visage à la parole. Pour ce faire, la manifestation de l’Autrui par le visage est parole. Le visage est alors signification sans contexte. Ainsi, autrui, dans la rectitude de son visage, n’est pas un personnage dans un contexte donné, comme d’ordinaire, on est un « personnage », par exemple professeur à l’Ecole Normale Supérieure. Ajoutons que dans le discours, Levinas distingue le dire et dit. D’après sa vision, le dire, qui comporte un dit, c’est le fait que devant le visage je ne reste pas simplement là à le contempler, sans mot, sans rien dire, au contraire, je réponds. « Le dire, dit-il est une manière de saluer autrui, c’est déjà répondre de lui » .
Par ailleurs, parler, selon Levinas, c’est en même temps connaître autrui et se faire connaître à lui, c’est être en socialité avec l’autre. Ce visage qui est la transcendance d’un infini est une expression. Par son analyse du visage, Levinas restaure la notion de l’immédiat qui est proche de l‘interpellation ; l’immédiat qui est le face-face. Ainsi, entre une philosophie de transcendance qui situe ailleurs la vie à laquelle l’homme accèderait, et une philosophie de l’immanence où l’on se saisirait de l’être, il y a lieu d’établir avec l’autre une relation non totalitaire qui donne lieu à l’idée de l’infini. Une telle relation, selon Levinas, n’est rien d’autre que la métaphysique.
De cette notion du visage transcendant, non plastique, mais expression qui se manifeste par la parole. Qu’entend Levinas quand il évoque la notion du visage comme relation à l’autre ?
2- Visage comme relation à l’autre
La relation avec l’autre en tant que visage et l’entrée dans le dialogue qu’elle suppose, c’est-à-dire l’expression que le visage introduit dans le monde ne défie pas « la faiblesse de mes pouvoirs, mais mon pouvoirs de pouvoir » . Nous appelons visage l’épiphanie de ce qui peut se présenter aussi directement à moi et, par là même, aussi extérieurement. Et la vraie extériorité est dans ce regard qui m’interdit toute conquête, selon le dire de Levinas qui poursuit sa réflexion de la manière suivante « Le visage (…) est au contraire cette présence que je ne puis dominer du regard, qui déborde et la représentation que je puis m’en faire et de toute forme, toute image, toute vue, toute idée où je pourrais l’affirmer, l’arrêter ou seulement la laisser être représenter » . Le visage exprime ce qui demeure hors de moi.
En outre dans le visage, se présente l’étant par excellence qui n’est pas l’étant de la différence ontologique de Heidegger, ni l’étant en général, car l’étant en général ne pourrait se présenter en personne, c’est un étant abstrait, sans visage, incapable d’être un instrument réel pour autrui. « L’étant par excellence » ici est donc l’étant levinassien, c’est-à-dire cet étant unique dont le visage est une présence vivante, expression et non le « dévoilement d’un Neutre impersonnel ». Le visage est en l’homme ce qu’il y a de plus vulnérable, mais c’est dans cette vulnérabilité que s’inscrit l’impératif éthique. Le visage d’autrui signifie en effet le premier rapport à l’éthique. Si Dieu ne saurait être prouvé, il peut au moins être saisi, à travers la place humaine, qui passé d’une grandeur, vers un caractère non empirique : le visage humaine est sacré et à travers lui, chaque visage devient un Sinaï d’où procède la voix qui interdit le meurtre : « Tu ne tueras pas ! ». Devant autrui et son visage surgit l’expérience pure de l’autre qui se confond avec l’éthique et pose ce visage d’autrui pour la première transcendance par rapport à l’ordre des choses. Et parce que l’autre me requiert, je deviens de fait par cette requête responsable de lui et je l’assume entièrement au point d’en « devenir l’otage de l’autre ».
De plus, Levinas entend la responsabilité comme responsabilité pour autrui, pour ce qui n’est pas mon fait, ou même ne me regarde pas ou qui précisément me regarde et est absorbé par moi comme visage. Je réponds de l’autre de façon fondamentalement dissymétrique, et je n’attends pas la réciproque dût-il m’en coûter la vie. La réciproque c’est son affaire. « C’est précisément dans la mesure où entre autrui et moi la relation n’est pas réciproque que je suis sujétion à autrui, et je suis « sujet essentiellement en sens, c’est moi qui supporte tout » . Et personne ne peut me remplacer dans l’exercice de cette responsabilité à cause de mon unicité.
S’il est convenu qu’autrui est visage, il importe également de relever qu’autrui me parle et je lui parle. Et le visage parle, en ceci que c’est lui qui rend possible et commence tout discours.
Selon lui, le discours conditionne la pensée. Le premier intelligible n’est pas un concept mais une intelligence dont le visage énonce une extériorité inviolable en déclarant : « Tu ne commettras pas de meurtre » . Cette phrase nous montre comment l’essence du discours, pour Levinas, est éthique et marque le refus de l’idéalisme. Le savoir absolu tel qu’il a été recherché, promis ou recommandé par la philosophie est une pensée de l’Egal. Dans la vérité, l’Etre est embrassé. Il y a même promesse d’une vérité plus complète et adéquate même L’existence d’autrui
La notion de l’altérité n’est pas nouvelle dans la philosophie, mais il s’agit ici de l’autre comme l’opposé du « moi ». Pour obtenir une vérité quelconque sur moi, dit Sartre, il faut que je passe par l’autre. Car l’autre est indispensable à mon existence, aussi bien d’ailleurs de la connaissance que j’ai de moi. Au fait, je reconnais que je suis comme autrui me voit. Dans cette pensée, autrui est vu pour le moment positivement. Il n’est pas toujours celui qui dérange mon existence. « Mais du même coup, j’ai besoin d’autrui pou saisir à plein toutes les structures de mon être, le pour-soi renvoie au pour-autrui ».
En effet, la relation entre autrui et moi n’est pas asymétrique comme chez
Parlant de la raison, Levinas s’appuie sur le discours et le visage.si la vérité n’est jamais définitive. Pour Levinas, nous sommes des êtres finis, nous ne pouvons pas achever la tâche du savoir. Dans la limite où cette tâche est accomplie, elle consiste à ne pas réduire l’autre au Même.
Levinas reproche à la pensée occidentale le fait que l’idée de l’infini implique la pensée de l’inégal. Cette idée visée, est infiniment plus grand que l’acte même par lequel on le pense. Il y a disproportion entre l’acte et ce à quoi l’acte fait accéder. Dans l’accès au visage d’autrui, il y a pour lui, un accès à l’idée de Dieu. Pour Levinas la relation à l’infini n’est pas un savoir mais un Désir : le désir ne peut être satisfait, il se nourrit de ses propres faims et s’augmente de sa satisfaction. Il est comme une pensée qui pense plus qu’elle ne pense ou plus que ce qu’elle pense. A ce propos il écrit : « La raison formelle ne s’inscrit que dans un être qui n’a pas de force de supposer sous le visible de l’histoire, l’invisible du jugement » .
Dans les écrits de guerre, Levinas nous montre qu’il est difficile de tuer quelqu’un qui nous regarde de face. Cela pour expliquer que le visage est signification sans contexte. Il est sens en lui seul. Il n’est pas vu ou alors « il est ce qui ne peut devenir un contenu que votre pensée embrasserait, il est incontenable, il vous mène au-delà » . La signification du visage le fait sortir en tant que corrélatif d’un savoir. Au contraire, la vision est recherche d’une adéquation, elle est ce qui par excellence absorbe l’être. L’apparition de l’être est signifiante. Cela veut dire que le visage et le discours sont liés : le visage parle. C’est lui qui rend possible et commence le discours.


3-Visage et parole
Le visage est parole, demande supplication, commandement, enseignement. Il exige aussi aide, réponse, compassion. En regardant autrui, je ne vois pas ses yeux mais je suis transporté dans un au-delà qui me révèle l’idée d’infini que je ne peux trouver en moi-même. Rien n’est plus étrange et plus étranger que l’autre. Il est l’inconnaissable et sa connaissance est fonction de son invocation ainsi que de ma responsabilité à son endroit. Cependant, l’échange, la communication des individus et même la réciprocité des amitiés ne traduit pas la relation à autrui dans toute sa spécificité. Car être en relation avec l’infini revient à dire être en relation avec plus grand que soi. Cette relation avec autrui devient donc essentiellement asymétrique.
« Communication des idées, la réciprocité du dialogue, cache déjà la profonde essence du langage. Celui-ci réside dans l’irréversibilité de la relation entre Moi et l’Autre, dans la maîtrise du Maître coïncident avec sa position d’autre et d’extérieur. Le langage ne peut se parler, en effet, que si l’interlocuteur est le commencement de son discours, s’il reste, par conséquent, au-delà du système, s’il n’est pas sur le même plan que moi. L’interlocuteur n’est pas un Toi, il est un Vous »
De même, la première parole du visage « Tu ne tueras point » constitue son altérité même et la parole devient ainsi une relation entre les libertés qui ne se limitent pas et ne se nient pas, mais s’affirment plutôt réciproquement, et sont transcendantes l’une par rapport à l’autre. Elles ne sont ni hostiles, ni amicales en effet, toute inimitié, toute affection altérerait déjà le pur vis-à-vis de l’interlocuteur.
« Le langage, comme présence du visage, n’invite pas à la complicité avec l’être préféré, au « je-tu » se suffisant et oublieux de l’univers : il se refuse dans la franchise à la clandestinité de l’amour où il perd sa franchise et son sens et de mue en rire ou roucoulement »
La relation du langage ne se réduit pas à celle qui rattache à la pensée un objet qui lui est donné. Le langage ne peut englober autrui ; cet autrui qui n’est pas invoqué comme concept, mais comme personne. Dans la parole, nous ne pensons pas seulement à l’interlocuteur, mais parlons à lui disons le concept même que nous pouvons avoir de lui. Le visage, c’est l’identité même d’un être. Il s’y manifeste à partir de lui-même sans concept :
« La présence sensible de ce bout chaste bout de peau avec front, nez yeux, bouche, n’est pas signe permettant de remonter vers le signifié, ni un masque qui le dissimule. La présence sensible ici se désensibilise pour laisser percer directement celui qui ne se réfère qu’à soi, l’identique. Comme interlocuteur, il se pose en face de moi ; sans que « en face » signifie hostilité ou amitié. »
La particularité d’autrui dans le langage, loin d’en représenter l’animalité ou le résidu d’une animalité, constitue l’humanisation totale de l’autre. Par contre, l’interlocuteur ne fait pas toujours face. Le langage pur se dégage d’une relation où autrui joue le rôle de tiers. Le parler immédiat est ruse. Nous regardons et épions.






III- APPRECIATION CRITIQUE
Le mérite de Levinas est d’avoir valorisé le visage comme étant relation à l’autre. L’autre se manifeste par un trait caractéristique : le visage. Par son visage, l’autre, Autrui se dévoile, se manifeste et m’impose une conduite, un comportement éthique : « Tu ne tueras pas ». Ainsi, l’autre est le point de départ de ma réflexion philosophique.
L’originalité de la pensée levinassienne réside en ceci que l’Autre n’est ni négation du Même, ni la réduction au Même. La différence entre Autre et Moi n’est pas non-indifférent, elle n’est non plus conflictuelle parce que la présence de l’autre, son visage m’invitent au respect, à la fraternité, à la responsabilité. De plus, l’éthique levinassienne prône la bonté, le bien, le bonheur du prochain de façon désintéressée et non réciproque. C’est même de la bienveillance au sens aristotélicien différent de l’amour, car l’amour réclame la réciprocité, tandis que la bienveillance selon Aristote, « Peut s’adresser même à des inconnus, sans qu’ils sachent le sentiment qu’on éprouve pour eux » .
Quant aux ambiguïtés de l’œuvre, Levinas affirme radicalement d’une part que le visage ne se résume pas à l’ensemble du nez, des yeux, de la bouche mais, est d’emblée éthique, c’est-à-dire infiniment autre. Et d’autre part, il soutient que le visage est le pauvre, démuni, l’apatride, etc. Contrairement à Sartre dont l’expression « Pour autrui » n’est rien d’autre que ce qu’autrui est pour moi d’abord avant de voir ce que je suis pour lui. Levinas pense d’abord et avant tout à ce que je suis pour Autrui. Quant à ce qu’il est pour moi, « cela le regarde ». D’autre part, nous notons aussi une certaine exagération dans le sens levinassien de la notion de responsabilité, en effet il va jusqu’à affirmer que je suis responsable de la responsabilité de l’autre. En ce sens le moi peut se sentir otage de l’autre dans la mesure où, dans la relation à l’autre, le moi n’a que de devoirs sans en attendre la réciproque. A cet effet, Paul Ricœur taxera la responsabilité levinasienne d’ « hyperbolique » parce qu’elle manque d’équilibre, de médiété du sens aristotélicien et même de complémentarité. Elle est excessive et il dit à propos :
« Soi-même comme autre suggère d’entrée de jeu que l’ipséité du soi-même implique l’altérité à un degré si intime que l’une ne se laisse pas penser sans l’autre (…) Au « comme », nous voudrions attacher la signification forte, non pas seulement d’une comparaison – soi-même semblable à un autre – mais bien d’une implication »soi-même en tant que … autre » .
On ne peut vivre perpétuellement pour autrui en négligeant soi-même, ou encore pour soi-même en négligeant autrui. Ces deux extrêmes autrui et moi ont besoin d’un bon équilibre et d’une complémentarité dans la relation interpersonnelle.


CONCLUSION
Au terme notre réflexion portant sur la notion du visage comme défis dans le processus de la relation intersubjective chez Levinas, nous pouvons dire que celui-ci apporte une nouveauté à la philosophie occidentale. En effet la philosophie occidentale a privilégié les ensembles structurés dont l’aboutissement logique est la réduction de l’expérience concrète à la totalité avec l’autre dans la sphère du Moi. De plus, l’éthique levinasienne renvoie à la responsabilité d’autrui : « Je suis le gardien de mon frère ». Ainsi autrui dont le visage signifie présence vivante et expression, autrui dont le visage m’interpelle, convoque ma générosité et m’interdit de tuer. Nous reconnaissant en Levinas le mérite d’avoir bousculé l’égoïsme du Moi pour lui rappeler sa dimension sociale. En revanche, nous avons relevé quelques ambiguïtés dans la pensée de l’auteur à savoir le paradoxe du visage. D’après Levinas, le visage est nu, pauvre et m’invite au respect, à la responsabilité. Mais en même temps, c’est même visage qui se tourne contre moi pour me poignarder. Dès lors, comment saisir ce paradoxe ? Toutefois, au-delà de ces ambiguïtés, la pensée de Levinas sur la notion du visage comme défis dans le processus de la relation intersubjective, garde son originalité. Car les hommes de notre temps rêvent tous d’un monde marqué de fraternité, de convivialité, de bienveillance, un monde dans lequel le visage d’autrui serait un sujet de joie, une présence qui m’élève vers l’infini.












BIBLIOGRAPHIE
ŒUVRE de Levinas (E.)
Autrement qu’être ou au-delà de l’essence, la Haye, Martinus Nijhoff, 1978.
De Dieu qui vient à l’aide, Paris, Vrin, 1992.
De l’existence à l’existant, Paris, Vrin, 1998.
Difficile liberté, Essais sur le judaïsme, Paris, Albin Michel, 1976.
En découvrant l’existence avec Husserl et Heidegger, Paris, Vrin, 1994.
En nous. Essais sur le penser-à-l’autre, Paris, Bernard Grasset, 1991.
Ethique et infini, Paris, Fayard, 1982.
Humanisme de l’autre homme, Paris, Fata Margana, 1999.
Totalité et Infini, Essai sur l’extériorité, la Haye, Martinus Nijhoff, 1965.

Articles d’Emmanuel Levinas
« De la phénoménologie à l’éthique », in Esprit, n°234, juillet, 1997, pp. 121-140.
« De l’un à l’autre, transcendance et temps »,in le cahier de Levinas, l’Herme, 1991.
Ouvrages sur Levinas
Derrida, J., Adieu à Emmanuel Levinas, Galilée, Paris, 1997, 210p.
Ferron, E., De l’idée de transcendance à la question du langage.
L’itinéraire philosophique d’Emmanuel Levinas, édition Jérôme Million, Grenoble, 1992, 352p.
Autres ouvrages
JACOB (A.), sous la direction de, Encyclopédie universelle, II les Notions philosophique, Paris, P.U.F., 1990.
RUSS (J.), La marche des idées contemporaines, Un panorama de la modernité, Paris, Armand colin, 1994.

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