lundi 10 mai 2010

Origéne et Pseudo- Deny

PLAN DU TRAVAIL
INTRODUCTION
I. LE DISCOURS SUR DIEU CHEZ ORIGENE
I. 1. Vie et pensée
I. 2. Les différentes voies
I.2.1. La voie par abstraction
• Dieu est incorporel
• Dieu est incompréhensible mais connu par ses œuvres
• Dieu est invisible
I. 2.2. La voie analogique
• Dieu nature intellectuelle simple
I. 2. 3. Les manifestations de Dieu à travers la dérivation des êtres qui émanent de lui
• Le christ
• Les noms multiples du christ
• Le saint esprit

II. LE DISCOURS SUR DIEU CHEZ PSEUDO-DENYS
II.1. Denys ou Pseudo-Denys l’aréopagite : existence énigmatique et œuvre
II.2. Contexte d’émergence de sa pensée
II.3. Les différentes voies
II.3.1. La voie de la causalité
II.3.2. La voie négative
II.3.3. La voie de l’éminence

III. LE DISCOURS SUR DIEU CHEZ SAINT THOMAS D’AQUIN
III.1 Vie et pensée
III.2. la connaissance de Dieu chez saint Thomas d’Aquin
III. 2.1. La connaissance de Dieu par voie de négation
III. 2.2. La connaissance de Dieu par voie de l’analogie
IV. L’Analyse critique
IV.1. Les points de convergence et de divergence
IV.2.. Intérêt du texte
CONCLUSION
INTRODUCTION

Le langage sur Dieu est l’un des problèmes qui est au centre des débats philosophiques et théologiques du moyen âge. En effet, pour certains comme Eunome l’homme peut tenir un discours sur Dieu parce que l’essence divine est accessible à l’intelligence et pour d’autres comme les Pères de l’Eglise à qui s’ajoutent Origène, Pseudo Denys et Saint Thomas d’Aquin, l’essence de Dieu ne peut pas être connu parce que « Dieu est au dessus de tout » . Par conséquent, l’entendement, par la limite de sa nature, reste incapable de connaître la substance divine.
Face à ce dilemme médiéval sur le discours de Dieu, quel serait le langage approprié pour parler de Dieu ? En d’autres termes est-il possible de tenir un langage sur Dieu ? Si oui comment peut-on parler de Dieu ?
Afin de trouver une solution à ce problème, Origène, Pseudo Denys et Thomas d’Aquin proposent plusieurs voies à leurs contemporains pour faire une approche de la connaissance de Dieu. C’est dans ce sens que notre démarche philosophique consistera dans un premier temps à présenter les différentes voies que préconisent chacun des auteurs et dans un second temps, à relever les apports philosophiques que chacun de ces auteurs apportent à travers les points de convergence et de divergence et l’intérêt philosophique des textes étudiés.














I. LE DISCOURS SUR DIEU CHEZ ORIGENE

I.1.Vie et pensée
La biographie d’Origène a été écrite par Eusèbe de Césarée qui a vécu à Césarée où Origène a passé les vingt dernières années de sa vie. Origène est l’un des personnages de l’antiquité chrétienne qui a marqué son temps par sa pensée théologique faite à la lumière de sa réflexion philosophique.
En effet, Origène est né en Egypte peut être en Alexandrie en 185, d’une famille chrétienne de sept enfant donc lui l’aîné. Son père Léonide était un pieu chrétien qui a enseigné la connaissance des Ecritures Saintes à son fils Origène si bien que ce dernier eut un esprit très ouvert à la connaissance du logos. A l’âge de 17 ans il perdit son père qui subit
le martyre en 202 à l’époque de l’empereur Sévère. Aidé par une dame riche il poursuivit ses études et devient à l’age de 18ans enseignant de grammaire et catéchiste des catéchumènes dans une école ouvert par son évêque Demetrius. Origène ouvrit les portes de son école à tout le monde, en dehors de la connaissance des Saintes Ecritures il enseignait aussi les sept branches essentielles : la grammaire, la rhétorique, l’arithmétique, la musique, l’astronomie, la physique et la philosophie. Bien qu’il condamnait ces arts libéraux il reconnut aussi que toute science vient de Dieu et que l’usage peut être légitime dans certaines limites. Par conséquent il faut d’abord une certaine formation pour la purifier de ses erreurs afin de l’employer pour présenter l’Evangile aux hommes, en d’autres termes la mettre au service de l’intelligence et de l’Ecriture Sainte.
Il enseignait à ses élèves « d’éprouver tous les systèmes, prendre ce qu’on y trouve de bien, ne se donner à aucun, car c’est à Dieu seul et à ses prophètes qu’il faut adhérer. Origène rédigea également de nombreux traités ascétiques et fut le premier père de l’Eglise à tenter de faire du christianisme une philosophie mystique. Mais accusé de dénaturer la foi chrétienne en l’imprégnant des théories néoplatoniciennes, il suscita de nombreuses controverses qui lui valurent le destin des grands martyrs. Origène fut cruellement torturé et mourut de ses blessures en 254 » .
Origène était un apôtre et un missionnaire qui comprit la nécessité de la philosophie pour exposer le christianisme à l’élite intellectuelle de son temps, afin de répondre à la difficulté qu’elle rencontrait sur le problème de l’existence de la providence. C’est pourquoi sa théologie se situera dans le contexte philosophique de cette problématique. Alors, si la providence existe, peut-on tenir un discours sur elle ? Ou encore comment peut-on parler d’elle ?

I.2. Les différentes voies
Origène, dans son traité Les principes indique trois voies par lesquelles l’homme peut tenir un discours sur Dieu. Il s’agit de la voie par abstraction, par analogie et par les manifestations du logos. Il part de l’Ecriture Sainte pour présenter ces différentes voies
I.2.1.La voie par abstraction
Cette voie consiste à dire ce que Dieu n’est pas pour exprimer sa grandeur.
• Dieu est incorporel
Lorsqu’Origène dit que Dieu est incorporel, il veut nous dire que Dieu n’est pas un corps même si certains l’affirment en s’appuyant sur les Ecritures Saintes:
Deutéronome 6,4 « notre Dieu est un feu qui consume »
Jean 4, 24 « Dieu est souffle (esprit) et ceux qui l’adorent doivent l’adorer en esprit et en vérité »
1Jean 1,5-14 « Dieu est lumière il n’y a pas en lui des ténèbres »
Psaume35 « Dans ta lumière nous voyons la lumière »
Pour Origène Dieu est une puissance première qui n’a pas de corps. En effet, la lumière ne renvoie pas à la matière palpable mais à un être suprême qui est à l’origine de tout, qui éclaire notre intelligence par sa sagesse le logos et l’esprit saint ; Dieu est un feu parce qu’il consume les désirs et les péchés lorsqu’il pénètre dans les intelligences des croyants ; Dieu est esprit parce qu’il est une réalité intelligible qui dépasse la matière , une puissance spirituelle sanctifiante. Toutes ces appellations ne sont pas liées à la matière mais à une réalité intelligible, spirituelle, c’est pourquoi Dieu est dit incorporel.




• Dieu est incompréhensible mais connu par ses oeuvres
Il est impossible de penser Dieu, parce qu’il est incompréhensible . Nous ne pouvons pas penser quelque chose sur Dieu, parce qu’il est au dessus de nos pensées et nos jugements.
En effet, notre intelligence humaine ne peut ni apercevoir ni contempler la nature de Dieu, mais ce que l’intelligence humaine peut contempler ne sont que les œuvres de la nature divine qui sont les reflets de Dieu . L’intelligence humaine ne peut voir Dieu sinon le comprendre à travers la contemplation de la beauté de ses œuvres. Car, la beauté de l’œuvre du premier principe nous amène à comprendre ce qu’il peut être. En soi, Dieu ne peut ni être compris de prime abord ni être vu dans sa nature, mais c’est à travers ses manifestations que nous le comprenons. Sa compréhension peut être représentée comme le soleil que nous e pouvons apercevoir qu’à travers ses rayons.
• Dieu est invisible
Origène affirme que Dieu est de nature invisible .Car il est écrit dans Colossien 1,15 « il est l’image du Dieu invisible… », et Jean dit : « Dieu personne ne l’a vu donc il est naturellement impossible de le voir » . Dieu est de nature invisible parce que personne ne l’a vu, si oui le logos. Pour Origène, Dieu et le logos sont connaissables et invisibles parce que voir et être vu sont propres aux corps mais connaître et être connu sont propres aux réalités intelligibles. Même si l’évangile emploie le verbe voir (bienheureux les pauvres de cœur car ils verront Dieu), voir Dieu avec le cœur veut dire le comprendre et le connaître par l’intelligence . Origène applique le mot cœur à l’intelligence, c’est-à-dire à la faculté intellectuelle .








I.2.2.La voie analogique
Origène emploie la voie analogique pour parler de Dieu .Ici, il le compare à une intelligence simple
• Dieu nature intellectuelle simple
On ne saurait représenter Dieu comme un corps ou comme s’il était dans un corps. Origène rapproche Dieu à une nature intellectuelle simple qui n’a besoin qu’aucune chose complémentaire. C’est pourquoi il qualifie Dieu de monade et henade . Et en tant que intelligence simple, il n’a pas « besoin de lieu corporel, de couleur, de forme, de grandeur sensible, de figures corporelles », bref il n’a besoin de rien qui « soit propre au corps ou à la matière pour agir » ou se mouvoir et exister.
Dieu est un, simple et complet, il est constitué d’un seul principe qui est « l’espèce unique de la divinité » ; Dieu n’est pas composé comme les êtres humains il est le principe de tout, la source de toute intelligence.
Dieu est une intelligence supérieure à l’intelligence humaine, parce que l’intelligence humaine est influencée par plusieurs contraintes qui la rendent composée. Or, Dieu est Un et simple alors que l’intelligence humaine a besoin de stimulateur pour croître. Dieu est la grandeur suprême et en tant que nature intelligible, il peut seulement se faire comprendre par une intelligence purifiée et séparée de la matière.
En tant que principe premier, invisible et incognicible, Dieu se fait proche des créatures à travers deux manifestations : le christ qui est la sagesse de divine et l’esprit saint qui est l’être substantiel du Père qui révèle aux hommes la connaissance.
I .2 .3 .Les manifestations de Dieu à travers la dérivation des êtres qui émanent de lui
• Le christ
Qui m’a vu a vu le père nous dit le christ, le fils de Dieu. Le Christ est l’image de Dieu le Père, il a pris la condition humaine pour que nous voyons (comprenions) le Père par lui. Tous ceux qui ont connus le Christ, lui donne plusieurs noms selon leurs opinions.
• Les noms multiples du christ
Il est la sagesse du père : proverbes 8,22 « Le Seigneur m’a créée comme principe de ses voies dans son œuvre (…) au début avant de faire la terre (…) il m’a engendré ».
Il est le premier né : Colossien 1,15-17 « Il est le premier né de toute créature… ».
IL est la parole, la vérité et la vie.
Comme « sagesse divine », le christ est le fils de Dieu, né de la volonté du Père, il est le principe des voies du Père. En tant que sagesse, il contient les principes, les raisons et les espèces d la création « Avant de faire quoique ce soit avant les siècles, il l’a établi et engendré avant a création » (proverbe 8,22.) , d’où le nom de premier né.
Comme « parole », il est l’interprète des secrets de l’intelligence, c’est une parole créatrice et puissance que les philosophes appellent le logos. Il est la parole qui ouvre à tous les êtres les secrets, les mystères et les raisons divins .
Comme « vérité et vie », le christ est celui qui préforme toute créature. En tant que sagesse du Père, c’est lui qui donne la vie et montre le chemin de la vérité aux créatures : Car « comment seraient-ils fondés dans la vérité ceux qui sont ; s’ils ne dérivaient pas de la vérité ? Comment vivraient ceux qui ont été fait sinon par les moyens de la vie ? Comment pourrait-il avoir des êtres raisonnables si la parole raison ne les précédait pas ? Comment pourrait-il avoir des sages sans la sagesse ? » . Le Christ est la voie des principes du Père qui donne la sagesse, la vérité, la vie, la parole, la raison aux hommes ; il est la voie qui mène au Père.
Bien que le Fils contienne tous les secrets du Père, il ne saurait se comparer ni égaler à son Père qui est inengendré parce qu’il est né du Père et le Père est inengendré.
Vu que le Fils est une émanation du Père qui nous permet de nous rapprocher de Dieu il reçoit plusieurs qualifications :
« Il est l’image du Dieu invisible » , parce que en relation avec les créatures il est l’image par laquelle nous connaissons Dieu ; car personne ne connaît Dieu si ce n’est le fils et celui à qui le fils veut le révéler. Car, lorsque le fils est compris, le Père est aussi compris
« Il est le rayonnement de la gloire de Dieu » Dieu est lumière, le fils est le rayonnement de cette lumière qui éclaire toute la création ; c’est pourquoi il est « une émanation très pure de la gloire du tout-puissant » parce que tout est soumis par le moyen de la sagesse par la parole et la raison.
« Il est la figure et expression de la substance de Dieu » pour comprendre cette qualification, Origène l’illustre avec deux statues : une grande qui contient l’immensité, la plénitude du monde entier et qui ne peut être vue par personne et une autre statue qui est identique à la grande et qui permet de contempler la grande à travers elle . Telle est aussi, le fils du Père qui en prenant la condition humaine est devenu cette figure et expression visible du Père qui nous permet de contempler le Père à travers lui (qui m’a vu à vu le Père)
« Il est le miroir sans tache de l’activité de Dieu, le fils qui est la sagesse est aussi le miroir immaculé de la puissance et de l’activité paternelle » car les œuvres que font le Père le fils fait pareillement, le fils ne peut rien faire de lui-même s’il ne voit le Père agit » .
Il est « l’image de la bonté du père » : le Père est la bonté dans son principe vu que le fils est son miroir, il est aussi l’image de cette bonté, car il dit « personne n’est bon si ce n’est le père » donc le fils ne peut que refléter la bonté du père .
Toutes ces qualifications veulent traduirent que le Christ est le reflet du Père dans son espèce divine sans être son égal.
• Le Saint Esprit
En ce qui concerne l’esprit saint, Origène se demande ce qu’il peut dire sur lui parce que les philosophes ne le connaissent pas. On n’a pas le moindre soupçon de ce que peut-être l’Esprit Saint en dehors de ce que les Ecritures Saintes disent. L’Esprit Saint est connu par la Sainte Ecriture
Psaume 50, 13. « ne me ôte pas ton esprit saint»
Dans le nouveau testament il est rapporté « que l’Esprit Saint descendit sur Jésus le jour de son bapteme, après la résurrection le Christ souffla sur ses apôtres l’Esprit Saint, lors de l’annonciation, l’ange dit à la Vierge Marie que l’Esprit Saint la couvrira de son ombre, les apôtres par l’imposition des mains donnaient l’Esprit Saint dans le baptême. Tous ces extraits bibliques nous révèlent la grande autorité et dignité que l’Esprit Saint a en tant qu’être substantiel .
L’Esprit Saint est cet être substantiel qui fait connaître la science venant de Dieu et révélée par le logos . Jésus dit à ses apôtres : « J’ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez pas les comprendre ; lorsque sera venu le paraclet, l’Esprit Saint qui procède du Père, il vous enseignera toute chose et vous rappellera tout ce que je vous ai dit »
L’Esprit Saint est la compréhension, l’inspirateur de la science de Dieu révélée par le logos, son fils. Il faut donc penser que comme le Fils qui, seul connaît le Père, le révèle à qui il veut, le Saint Esprit aussi qui est seul à scruter jusqu’aux profondeurs de Dieu, révèle Dieu à qui il veut car l’Esprit souffle où il veut .
En soi, Dieu peut être parlé chez Origène à travers trois voies : la voie de l’abstraction, la voie de l’analogie et la voie de dérivation. Parler de Dieu selon les trois personnes revient à affirmer l’existence du Père qui est créateur, du Fils qui est la sagesse du Père et l’Esprit Saint qui est la compréhension et l’inspiration de la science de Dieu dans les hommes .
II. LE DISCOURS CHEZ PSEUDO-DENY
II.1. Denys ou Pseudo-Denys l’aréopagite : existence énigmatique et œuvre
Denys ou pseudo-Denys l’aréopagite reste une énigme historique dans la mesure où son identification, au-delà de la pertinence de sa pensée, conduit l’historiographe dans un labyrinthe à deux visages :
Le premier est celui du personnage converti après la prédication de saint Paul à l’aréopage (Ac.22, 16-34). Selon René Roques dans le dictionnaire de théologie chrétienne, « la passio sanctissimi dionysii d’hilduin (patrologie latine CVI, 23-50) accrédita pour de long siècles la légende de son apostolicité et en fit même le premier évêque d’Athènes et l’évêque martyr de Paris » . Nous nous situons alors à ce niveau au premier siècle de notre ère.
Cependant, l’influence du néoplatonisme dans sa pensée, notamment celle de Proclus élimine cette possibilité quand on sait que Plotin lui-même se situe au troisième siècle. Tout compte fait, le deuxième personnage se situe entre le Vème et le VIème siècle selon René Roques. Tour à tour, on a tenté de l’identifier à Denys d’Alexandrie, Basile de Césarée, Ammonius sakkas, Etienne Barsudaïli, Sévère d’Antioche, Pierre le foulon. De façon générale, aucun de ces rapprochements n’identifient avec certitude ce dernier. De lui nous gardons comme œuvre le corpus dionysien qui comprend dix lettres et quatre traités :les noms divins, la théologie mystique, la hiérarchie céleste, la hiérarchie ecclésiastique. La pensée contenue dans ces écrits a grandement influencé la pensée spirituelle du moyen âge. En effet, Hugues de saint Victor, Albert le grand, Thomas d’Aquin l’ont beaucoup cité. Qu’en n’est-il du contexte d’émergence de sa pensée du Pseudo Denys ?



II.2. Contexte d’émergence de sa pensée
Lorsque les Pères de l’Eglise commencent à formuler la doctrine de la foi issue du message évangélique enseigné par les apôtres, ils se situent « dans l’univers marqué par l’organisation romaine, l’esprit grec et la religiosité orientale » . Les Pères, pour la plupart convertis à l’âge adulte, étaient bien imprégnés de la philosophie et du christianisme. Tel sera le cas de Justin qui fut le premier à concilier platonisme et christianisme de manière apologétique. A sa suite, Pseudo Denys « représente une des tentatives pour réconcilier le message évangélique et la tradition néoplatonicienne, tentative séduisante pour une Eglise jeune encore qui n’a guère cessé de platoniser tout en se méfiant de Platon » .
L’un des problèmes qui préoccupe les Pères est celui de la modalité avec laquelle l’on peut parler de Dieu et de sa relation avec les créatures. Notons déjà avec Meyendorff que « dans la patristique grecque avant Denys, le problème de la connaissance de Dieu fut dominé par la polémique contre un extrémisme arien du IVè siècle (…). Selon Eunome, l’essence divine (identifié par le Père, seul l’inengendré) était accessible à l’intelligence humaine : l’homme pouvait connaître Dieu comme Dieu se connaît lui-même » . Pseudo Denys ne partagera pas cet avis.
II.3. Les différentes voies
Précisons d’emblée que quelque soit la voie employée, c’est de l’Ecriture Sainte que Pseudo Denys tire son raisonnement. Il avertit au prêtre Timothée auquel il destine son enseignement en ces termes : « s’il existe un homme, en effet, qui soit totalement rebelle à l’enseignement des Ecritures, un tel homme sera parfaitement étranger à notre façon de philosopher » . C’est dans ce sens que nous pouvons comprendre la référence qu’il fait régulièrement à l’Ecriture Sainte. Bien qu’il met en évidence le rôle prépondérant de la révélation, Pseudo Denys préconise trois voies à travers lesquelles l’homme peut tenir un discours sur Dieu.
II.2.1.La voie de la causalité
La voie de la causalité indique que Dieu est le principe, la cause et la fin de tous les êtres; et à travers ces êtres, on remonte à Dieu qui est le créateur défini comme le Bien en soi. Dans son raisonnement, Pseudo Denys nous fait savoir que l’homme ne saurait accéder à Dieu par son effort intellectuel, mais c’est Dieu qui se manifeste à lui. Par sa propre initiative, Dieu communique et répand sa bonté sur les êtres intelligents. Comme notre auteur le dit, Dieu « ne demeure pas totalement incommunicable à tous les êtres, car de sa propre initiative et comme il convient à sa bonté il manifeste continuellement ce rayonnement suressentiel qui demeure en lui, en illuminant chaque créature proportionnellement à ses puissances réceptives » .
En tant que cause de tout être, Dieu est aussi compris et célébré comme providence dans la mesure où il inscrit dans tous les êtres intelligents le désir de retourner vers lui par le biais du désir amoureux ou extatique ou encore par le désir de charité qui mène à l’union mystique. Pseudo Denys citera même cette phrase de saint Paul : « ce n’est plus moi qui vit, c’est le christ qui vit en moi » Gal, 2, 20.
Par rapport aux êtres intelligents, Dieu s’occupe aussi des êtres dépourvus d’intelligence, mais d’une manière différente et spécifique. Il part de leur imperfection pour leur doter de la perfection. Dieu, comme Bien en soi, communique sa bonté sur tous les êtres. C’est pourquoi Pseudo-Denys affirme : « Et de même que la bonté convertit toute chose à elle-même, de même qu’en tant que déité fondatrice, elle est principe de rassemblement pour tout ce qui est dispersé » . Ce nom divin qui est le Bien est selon Pseudo Denys ce que « les saints théologiens célèbrent aussi en l’appelant beau, beauté, amour, aimable et tous les autres noms divins convenant à cette fraicheur qui est source de beauté et pleine de grâce » . Ainsi donc, la causalité nous fait voir la relation entre le Bien et tout ce qu’il meut « en tant qu’il est ce que tous désirent » et « qu’il est tout en tous » (Eph.1, 21)
II.3.2.La voie négative
La voie négative ou la théologie dite apophatique affirme qu’on ne peut pas connaitre l’essence divine, ni dire ce que Dieu est, mais seulement ce qu’il n’est pas. Il ne s’agit pas d’un nihilisme, ni d’une démonstration d’imperfections de Dieu. Pour le Pseudo Denys, parler de Dieu par cette voie, c’est utiliser les noms divins qui révèlent Dieu non pas au sens privatif, mais plutôt au sens transcendant. Il s’agit de nier en Dieu toutes les imperfections humaines pour se situer au-delà du résultat obtenu dans la mesure où Dieu transcende toutes les catégories humaines.
La privation implique un manque, une faiblesse, un mal et « le mal est un affaiblissement et une défaillance du bien » or, Dieu qui est le Bien en soi ne connait point de défaillance, d’imperfection. Ainsi, nous pouvons mieux comprendre Pseudo Denys lorsqu’il affirme : « En réalité, comme je l’ai souvent répété, il faut entendre les attributs divins selon un mode qui convienne à Dieu. Quand on parle de son intelligence et de son insensibilité, il faut entendre cette négation dans un sens transcendant, non dans un sens privatif » . Dieu est par ailleurs ineffable, inconcevable, incommensurable ineffable, infigurable, indivisible, inconnaissable et bien d’autres. Pseudo Denys affirme à ce sujet « qu’il faudra pousser l’audace jusqu’à affirmer que le non-être participe lui aussi au même Beau-et-Bien, car c’est une chose belle et bonne que de célébrer en Dieu par la négation de tout attributs » .
II.3.3.La voie de l’éminence
Cette voie est « celle qui consiste à dire positivement telle ou telle chose de Dieu, mais en soulignant que cela se réalise de manière éminente » . Pseudo Denys la résume en ces termes :
« Pour qui sait les entendre selon le mode que convient à Dieu, toutes ces expressions signifient que, de quelque façon qu’on puisse le connaître, il existe de façon suressentielle (…)il est toute chose, étant cause universelle ; il contient synthétiquement et primitivement en lui tous les principes et toutes les fins transcendants à tout être, en tant qu’il préexiste à tout, suressentiellement et de façon éminente »
L’éminence est le fait que Dieu se trouve en tout et nul part et surtout préexiste avant toute chose.
Notons avec notre auteur que certains noms manifestant l’éminence de Dieu, en effet : « certains noms conviennent donc en commun à l’entière déité, nos esquisses théologiques l’ont démontré abondamment à la lumière des écritures. C’est ainsi qu’on peut la nommer toute entière plus que bonne, plus que Dieu, suressentielle, plus que vivant, plus que sage » .
En fait, tous les noms positifs selon Pseudo Denys sont à considérer de façon éminente et transcendante. Car, ils se situent au-delà des catégories d’Aristote, voilà pourquoi il affirme que : « la manière de connaître Dieu qui est la plus digne de lui c’est de la connaître par mode d’inconnaissance, dans une union qui dépasse toute intelligence » . Ainsi, Dieu est éminent et transcendant à toute chose. Chaque fois que Pseudo Denys emploie cette voie, la formule est la suivante ; un attribut positif au superlatif au-delà duquel il invite Timothée à mouvoir sa pieuse contemplation.

III. DISCOURS SUR DIEU CHEZ SAINT THOMAS D’AQUIN
III. 1. Thomas d'Aquin et sa pensée
Né vers 1225 à Aquin, près de Naples, en Italie du Sud, et mort le 7 mars 1274 à l'abbaye de Fossanova près de Priverno dans le Latium, Thomas d’Aquin était un théologien et philosophe italien, membre de l'ordre dominicain. Considéré comme l'un des principaux maîtres de la scolastique et de la théologie catholique.
Dans la continuité du propos théologique d'Augustin d'Hippone (354-430), Thomas d'Aquin a proposé, au XIIIe siècle, un essai de synthèse de la raison et de la foi, notamment en tentant de concilier la philosophie réaliste d'Aristote et la pensée chrétienne. Il distingue les vérités accessibles à la seule raison, de celles de la foi, définie comme une adhésion inconditionnelle à la Parole de Dieu. La philosophie est qualifiée de servante de la théologie et les deux disciplines collaborent en vue d'une même fin.

C’est dans cette perspective que saint Thomas d'Aquin est considéré comme l’un des premiers, sinon le premier, à distinguer une théologie naturelle et une théologie révélée, est parti en quête d'une intelligence de la foi, par la raison naturelle, en s'appuyant notamment sur Aristote. Notre auteur est connu pour avoir tenté de montrer comment la foi chrétienne n'est ni incompatible, ni contradictoire avec l'usage de la raison. Les vérités de la foi et celles de la raison peuvent être intégrées dans un système synthétique harmonieux, sans se contredire. Il place le savoir transmis par la Révélation au-dessus de toutes les sciences tout en montrant que rien ne peut contredire les vérités révélées. Son œuvre, entreprise dans une optique théologique, est marquée par le respect épistémologique de l'ordre rationnel. Il traite donc aussi, en certains contextes, la nature en tant que nature, et non en tant que créée, soulignant la distinction entre théologie naturelle et théologie révélée, entre la raison naturelle et la raison éclairée par la Révélation
Thomas d'Aquin reprend les bases de la philosophie réaliste d'Aristote La connaissance intellectuelle est une abstraction de la connaissance sensible, ou plus simplement : toute connaissance provient des sens. Ce qui est dans l'intelligence est abstrait des images fournies par les sens. Thomas affirme cela devant toute la théologie qui est plutôt rattachée au courant néo-platonicien pour qui les sens ne fournissent que des informations trompeuses, et le corps une prison pour l'âme. L'argument principal de Thomas en faveur du réalisme est le suivant : si Dieu nous a donné un corps doté de facultés sensibles, c'est donc qu'il ne peut être trompeur et qu'il faut s'en servir.
Après avoir montré que l’existence de Dieu est évidente et démontrable moyennant la voie philosophico-théologique, Saint Thomas d’Aquin ne s’est pas arrêté à ce niveau. Son parcours cherche ensuite à élucider ces trois objets principaux : l’unité de l’essence divine, la trinité des personnes divines et les effets produits par la divinité. De ces trois préoccupations, la trinité des personnes divines nous est connue seulement par la révélation ; c’est un objet qui échappe à l’effort de l’entendement humain. Ainsi, les objets qui sont au centré de la spéculation philosophique de Saint Thomas d’Aquin sont : l’essence de Dieu et les effets produits par lui, qui sont les créatures.

III.2. La connaissance de Dieu chez Saint Thomas d’Aquin
La question que se pose saint Thomas d’Aquin est de savoir s’il est possible de définir l’essence de Dieu. Comment arriver à parler de Dieu par le biais de notre entendement ? Avant de répondre à cette question, il est nécessaire de déterminer le sens de cette essence de Dieu.
De l’étymologie grecque, le concept essence « esse » renvoi à la substance, à l’être. En d’autres termes à la nature d’une chose qui est son être intelligible, c’est-à dire ce que nous comprenons qu’elle est, indépendamment du fait d’exister . Or, nous ne pouvons pas dire que l’essence de Dieu appartient au genre de l’être et comme nous ne saurions lui attribuer aucune autre essence ; toute définition de Dieu reste impossible. Dieu ne peut être connu qu’à travers la médiation de ses effets. C’est ce qu’affirme Saint Thomas en ces termes : « On ne peut pas assigner à Dieu ni genre ni différence, qu’il ne peut être défini, et qu’on ne peut démontrer de lui quoi que ce soit autrement que par ses effets ; car toute définition s’établit par genre et différence, et le medium de la démonstration est la définition » . L’essence divine dépasse par son immensité toutes les formes que peut atteindre notre intelligence. Faute d’atteindre ce qu’est l’essence de Dieu, Saint Thomas d’Aquin met en exergue des voies et moyens qui puissent permettre à l’homme de parler de l’essence de Dieu : La connaissance de Dieu par voie négative et la connaissance de Dieu par voie analogique.

III.2. 1. La connaissance de Dieu par voie de négation
« Faire connaître Dieu par voie de négation, c’est donc montrer, non pas comme il est, mais comment il n’est pas » . Dans cette perspective, dire que Dieu est parfaitement simple, puisque il est l’acte pur d’exister, ce n’est pas avoir dans notre entendement le concept de Dieu comme simple, mais c’est nier de lui, toute composition quelconque, celle de toute partie qui convient aux corps, à la forme, à la matière, à l’essence et à la substance etc. Ce qui nous pousse à poser Dieu comme l’être dont toute l’essence est d’exister. L’unité de Dieu est indubitable dans la mesure où son essence est identique à son existence. De la simplicité, nous pouvons ajouter un deuxième attribut qui est la perfection.
Ici, concevoir un être parfait nous est impossible. Mais nous devons du moins affirmer que Dieu l’est, en niant de lui toute imperfection. Eliminer de la notion de Dieu toute imperfection concevable, c’est lui attribuer toute perfection concevable. Dieu est dans ce sens le point de rencontre de tous nos jugements. La perfection consiste en la possession d’un certain degré d’être. En ce qui concerne Dieu, nous avons affirmé ci-haut qu’il est son exister, donc l’Etre pur à qui ne manque aucune perfection. Et puisque Dieu possède toute perfection, il ne présente aucun défaut. Il est universellement parfait . Dire que Dieu est l’être ou l’exister seulement sans qu’on puisse ajouter qu’il est corps, matière, substance ou accident, « c’est préciser qu’il est l’être absolu et nous en écartons tout ce qui serait contradictoire avec l’acte pur et la plénitude de sa perfection » . Il est donc absolu dans ce sens que tout être imparfait est nécessairement précédé par un être parfait. Tout être est parfait pour autant qu’il est en acte. La semence est issue de l’animal et ce dernier par rapport à la semence est parfait, comme on ne peut pas remonter jusqu’à l’infini « le premier être, nous l’avons montré, c’est Dieu. Dieu est donc absolument parfait » , car il est le principe de toute chose .
Après avoir déterminé que Dieu est absolument parfait, Saint Thomas Aquin souligne également que Dieu est à la fois bien et bon. « Voilà pourquoi, alors que Moise cherchait à voir la face ou la gloire de Dieu, le Seigneur lui répondit ; je te montrerai tout bien, donnant ainsi entendre qu’il est la plénitude de bonté » . C’est en tant que acte pur de l’être que Dieu est bien. Poser ainsi Dieu comme bien n’est pas imaginer une qualité supplémentaire qui s’ajouterait à son être. Etre c’est être bon, comme le disait saint Augustin dans un passage du « De doctrina christiana », le bien et l’être sont réellement identiques . Etre bon c’est être désirable, le bien est tout ce que tous désirent . Etre c’est donc être parfait, et c’est par conséquent être bon. C’est ce que souligne saint Thomas d’Aquin, « il est donc manifeste que quelque chose est bon en tant qu’il est être ; en effet, l’esse est l’actualité de toute chose, comme il ressort de ce qui a été dit » . L’acte pur est absolu et infini au sens le plus positif du terme et il l’est de plein droit .
Poser Dieu comme la perfection c’est le concevoir comme infini. Dire que Dieu est infini c’est dire qu’il n’existe pas des êtres dans lesquels Dieu ne soit pas, sinon il y’aurait de l’être extérieur et étranger à l’être de Dieu qui constituerait pour lui une limite. Nier qu’il y’ait quelque chose en quoi Dieu ne soit pas, c’est affirmer qu’il est en toute chose. Ce principe nous permet d’affirmer son omniprésence dont les preuves de Dieu explicitent davantage. Dieu agit comme cause et la doctrine chrétienne le détermine comme créateur. Les choses existent en vertu de l’exister divin comme la lumière solaire existe en vertu du soleil. Ce qui fait dire que chaque être dans ce monde atteste l’exister de Dieu par son propre exister. Ce qui nous pousse à arriver à cette conclusion thomiste selon laquelle Dieu est en tout et en tout lieu. « Ainsi donc, Dieu est en tout par sa puissance, parce que toute est soumis à son pouvoir. Il est en tout par sa présence, parce que tout est à découvert et comme nu devant ses yeux. Il est autant par essence, parce qu’il est présent à toutes choses comme cause universelle de leur être, nous l’avons dit » .
Etre ainsi en tout par son essence, par sa présence et par sa puissance, c’est le propre de Dieu, car il est en tout par le fait qu’il est l’acte pur d’exister. Nous rejoignons par là cet attribut qui est l’immutabilité divine. Nous savons que changer c’est passer de la puissance en acte, or Dieu est acte pur, il ne saurait donc changer . Nier que Dieu soit sujet de mouvement, c’est affirmer sa complète immutabilité. Dieu qui est complètement immuable, est par là eternel. Le seul mode d’exister qui nous soit connu est celui des êtres qui durent dans le temps, c’est-à-dire d’une durée où l’après remplace incessamment l’avant. Tout ce que nous pouvons faire c’est nier que l’exister de Dieu comporte aucun avant et aucun après . Dieu est donc immuable et son être ne souffre aucune succession. Comme le dit Saint Thomas d’Aquin, « l’éternité est consécutive à l’immutabilité, comme le temps est consécutif au mouvement (…) puisque Dieu est absolument immuable, il lui appartient absolument aussi d’être eternel. Et non seulement il est eternel, mais il est son éternité, alors que nulle autre chose n’est sa propre durée» . Comme il est sa propre essence, par conséquent il est eternel.
Nous disons enfin de compte que le Dieu thomiste est un. Car dans notre raisonnement nous nous sommes efforcés d’éliminer dans son être toute sorte de multiplicité. Par cette abstraction nous parvenons à dire qu’il est suprêmement être, acte pur et simple, c’est -à- dire indivis. « Puisque l’un est l’étant indivis, pour qu’un étant soit le plus un, il faut, et qu’il soit un au maximum, et qu’il soit indivis au maximum (…) Il est donc manifeste que Dieu est un » .
Après avoir prouvé la possibilité d’une connaissance de Dieu par cette voie de la négation, Saint Thomas met à notre portée une autre voie qui permet à l’homme de parler de Dieu par le biais de son expérience sensible. Partant du fait que les êtres sensibles sont les effets de Dieu, notre auteur dit qu’on peut s’appuyer sur ces êtres pour chercher à connaître Dieu indirectement comme leur cause.
III.2.2. La connaissance de Dieu par voie de l’analogie
Par cette voie, nous voulons parler de Dieu comme cause des créatures. Il s’agira de s’appuyer sur le rapport qui relie tout effet à sa cause, sur le seul lien qui nous permette de remonter de la créature au créateur. Parce que « Dieu est connu naturellement au moyen des images de ses effets » . Ce qui est attribué à Dieu et aux êtres ne l’est pas ni de manière univoque pure, ni de manière équivoque pure, mais de manière analogique, « par relation ou référence à quelque chose unique » . C’est dans ce sens que Thomas d’Aquin explique que la proportion arrive de deux façon : ou bien plusieurs termes se référent à un seul ou bien un terme est référé à l’autre. Il affirme que « c’est de cette dernière façon que certains termes sont attribués à Dieu et à la créature par analogie » . La relation ou la référence à Dieu par analogie est due au fait que Dieu est le principe de tout ce qui existe. C’est de telle manière que l’analogie est connue comme source de connaissance presque positive qui nous permettrait de concevoir l’essence de Dieu.
Pour arriver à une telle connaissance nous nous appuyons sur cette certitude selon laquelle tout effet ressemble à sa cause et non l’inverse qui nous dirait que Dieu ressemble à la créature . Voilà la raison pour laquelle nous attribuons à Dieu plusieurs noms : comme bon, intelligent ou sage. Selon Denys « nous nommons Dieu d’après les créatures » et saint Thomas d’Aquin ajoute que les « noms transférés des créatures à Dieu sont dits des créatures d’abords, non de Dieu, comme les noms de « lion », « rocher » etc. Donc les noms sont en priorité des créatures, de Dieu en suite » . Les noms divins sont d’abords des noms des créatures et sont transférés en second lieu à Dieu. C’est dans cette perspective que Dieu prend des noms de ses créatures. Dire ainsi, c’est préciser que, par rapport aux autres créatures, Dieu possède éminemment et absolument la perfection. « Tout effet de Dieu est analogue à sa cause, et nous pouvons attribuer à Dieu, par un jugement affirmatif, le nom qui désigne la perfection correspondant à cet effet » .
Les noms que nous attribuons à Dieu ne sont pas des synonymes. Cette multiplicité des noms désigne un objet simple, parce que nous les attribuons tous au même objet par voie de jugement ou d’abstraction. Dans cette proposition « Dieu est bon », on parle comme si Dieu était un sujet réel, informé par la bonté. Bien que notre entendement connaisse Dieu sous des concepts divers, il sait pourtant que Dieu est une seule réalité et la même réalité se repend à toutes ses créatures . Dire ainsi que Dieu est bon c’est dire que « ce que nous appelons bonté dans les créatures, préexiste en Dieu, et cela sous un mode plus haut. Il ne résulte donc pas de là, qu’appartienne à Dieu d’être bon mais plutôt au contraire, que c’est parce qu’il est bon, qu’il répand la bonté dans les choses » . Si nous disons comme un psalmiste, Dieu n’est pas jaloux « par sa lumière nous voyons la lumière » Psaume, 36, 10. Nous attestons que Dieu est la lumière par excellence. Ce que nous affirmons dans chaque cas c’est la substance divine puisque tous les jugements vrais orientent notre entendement vers un même pôle, dont la direction nous est connue. Puisque Dieu est infini, nos forces naturelles ne nous permettent pas de l’atteindre. Parler de Dieu par nos jugements affirmatifs ne signifie pas que nous parlons pour rien ou nous perdons notre temps, c’est au moins une occasion de nous tourner vers lui.




IV ANALYSE CRITIQUE
IV. 1. Points de convergences et de divergences
Points de convergence Pointe de divergence
1- Origène, Pseudo Denys et Saint Thomas d’Aquin ont un même point de départ qui est l’affirmation selon laquelle Dieu est au delà de notre entendement parce qu’il
-est incorporel et incompréhensible pour Origène
- est suressentiel pour Pseudo Denys
-est cause sans cause absolument simple et ne fait pas d’un genre de l’être pour Saint Thomas d’Aquin
D’où la proposition des voies pour tenir un discours sur Dieu. 1-Origène et Pseudo Denys partent de la révélation pour tenir un discours sur Dieu alors que Saint Thomas d’Aquin s’appuie sur les vérités révélées et la rationalité
2- La conception du Dieu trinitaire est différente :
Chez Pseudo Denys et Saint Thomas d’Aquin, c’est un Dieu en trois personnes égales donc un Dieu UN alors que chez Origène c’est un Dieu hiérarchisé Père- Logos et Esprit Saint
2- Tous les trois reconnaissent que Dieu est transcendant et immanent parce qu’il
-est inengendré et engendre le logos et l’Esprit Saint qui sont ses manifestations dans le monde (Origène)
-est partout et nulle part (Pseudo Denys)
-est le premier moteur immobile de l’univers en mouvement et cause de tout ce qui existe et est dans toute chose par sa puissance et son essence (Saint Thomas d’Aquin) 3-La connaissance de Dieu chez Origène et Pseudo Denys se fait par voie de la révélation selon un mouvement descendant alors que chez Saint Thomas d’Aquin c’est par voie rationnelle selon un mouvement ascendant.
3’ Les trois utilisent les mêmes voies pour tenir un discours sur Dieu à savoir l’analogie, le théologie négative ou apophatique ou voie par abstraction et la voie par causalité 4- L’intelligence chez Origène est identifiée au cœur, chez Saint Thomas d’Aquin c’est la raison et chez Pseudo Denys c’est la foi



IV. 2. Intérêt du texte
Nous saluons le travail de ces trois auteurs par le fait qu’ils nous ont montré qu’à travers l’effort de l’entendement, l’homme peut tenir un discours sur Dieu. Ce Dieu qui est par nature inconnaissable, invisible et suressentiel, devient donc connaissable par l’ensemble des moyens que nos auteurs ont mis à notre portée. Pour eux, les Saintes Ecritures peuvent construire l’assise sur laquelle peut reposer la pensée philosophique. Comme nous le dit Origène, c’est l’homme qui jouit de l’intelligence pure qui peut connaître et voir Dieu. « Heureux les pauvres de cœur car ils verront Dieu ». Cette affirmation et bien d’autres textes bibliques qui ont été interprétés philosophiquement, nous font assister à une émergence d’une idée de complémentarité entre deux disciplines : philosophie et théologie. Ces deux voies parviennent à la même conclusion selon laquelle Dieu est transcendent et immanent. Il est au-delà de toute chose mais aussi présent en toute chose. Ce Dieu est éternellement un, c’est-à-dire indivisible.
Sans contredire les vérités révélées, avec nos auteurs nous avons remarqué que par le biais de notre propre effort, nous pouvons tenir un discours sur Dieu. Mais ce qui reste à dire ici c’est que la connaissance de Dieu reste approximative, car on ne saurait pas épuiser l’essence divine.















CONCLUSION
Parvenus au terme de notre démarche philosophique dont l’objet était de monter s’il ya possibilité de tenir un discours sur Dieu en d’autres termes de parler de Dieu chez Origène, Pseudo Denys et Saint Thomas d’Aquin ; il en ressort de notre réflexion qu’il est impossible, voir difficile de tenir un discours définitif et fiable sur Dieu. En effet, toute définition stable, définitive sur Dieu suppose sa limitation. Or, Dieu est incompréhensible, incorporel, invisible, suressentiel, il est au dessus de notre entendement.
De même, les différentes voies proposées par Origène, Pseudo Denys et Saint Thomas d’Aquin nous ont montré que l’homme, étant un être limité dans l’espace, le temps et dans son intelligence ne peut par conséquent tenir un discours définitif sur Dieu ni parler de Dieu avec certitude. Car le langage que l’homme peut tenir sur Dieu à travers ces voies suscitées n’est qu’un langage approximatif, anagogique parce que Dieu est au dessus de tout ce qui existe, il est suressentiel.





















BIBLIOGRPHIE
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