mercredi 19 mai 2010

Théories personnalistes

INTRODUCTION

Faisant l’objet du précédant exposé, les théories éducatives issues du courant spiritualiste bien que axées sur le sujet, mettaient l’accent sur les valeurs dites spirituelles, métaphysiques ou transcendantales. Il s’agissait, à titre de rappel, d’élucider la relation entre le soi et l’univers dans une perspective métaphysique, concluant à l’inséparabilité des deux notions. En ce qui concerne les théories personnalistes qui font ici l’objet de notre analyse, la logique est tout autre. En effet, qualifiées de pédagogies du sujet ou de la personne conçue comme centre de cette approche de l’éducation, leur préoccupation est celle du développement de la personne qui se veut responsable. Ainsi, elles envisagent la personne comme une source créatrice dont rien n’épuise la dynamique. C’est pourquoi, pensent-elles : « Chaque personne leur apparaît en effet comme une liberté engagée dans le monde et parmi les autres hommes pour incarner des valeurs éternelles dans des situations particulières et temporelles » .
En introduisant les théories personnalistes, Yves Bertrand fait remarquer que l’éducation axée sur le sujet et sa liberté est une réaction contre les méthodes traditionnelles dont l’enseignement n’était fixé que sur les contenus à travers des cours magistraux et à des grands groupes. Il fallait donc « remettre au centre des préoccupations pédagogiques la dynamique subjective de l’enfant et de l’étudiant » , ou comme l’exprime si bien Meirieu : « (la) construction d’une personne libre » . Mais pour mieux saisir ces théories, nous répondrons à la question suivante : En quoi consiste cette théorie et quelles sont ses finalités ? Notre travail se voulant historico-analytique, comportera trois principales parties : l’approche historique, les différentes tendances et l’intérêt philosophique.






I- APPROCHE HISTORIQUE DES THEORIES PERSONNALISTES

Les théories personnalistes trouvent leur origine dans trois principales sources qui sont : l’école Summerhill synonyme d’école où est accordée à l’enfant une plus grande liberté dans son éducation ; la psychologie personnaliste permettant à l’élève de se développer pleinement et librement ; les théories du fonctionnement en groupe mettant l’accent sur le soutien entre les membres du groupe.

1- Les pionniers des écoles nouvelles

« Montaigne, Rousseau et Pestalozzi qui mettent (plus) l’accent sur les aptitudes de l’enfant que sur l’omniscience du maître » , sont considérez comme les précurseurs de l’école nouvelle, où l’enfant, la créativité et l’auto développement sont au centre de l’éducation.
A la fin du XIXe siècle la notion d’école nouvelle (nom donné par Cécil Reddie (1858-1932), pédagogue britannique, fondateur de la première école nouvelle anglaise) est à la mode en Angleterre et c’est en 1889 qu’apparaît la première école portant cette appellation : New school. Mais, c’est au début du XXe que différents pédagogues en s’évertuant d’effectuer un travail éducatif renouvelé, inspireront par ce fait même des théories de l’éducation dites personnalistes. Parmi ces pionniers des écoles nouvelles retenons notre attention sur Neill qui est un psychanalyste et pédagogue écossais, créateur de l’école Summerhill (1921) en Angleterre qui, en 1960 publie le livre Summerhill qui suscitera la création d’écoles libres. Mais avant ce livre, il avait publié le Journal d’un instituteur de campagne qui comportait déjà le germe d’une théorie éducative qui bouleversa l’éducation dans les sociétés industrielles. Il s’agissait dans cette théorie de Neill, de la liberté à accorder à l’enfant dans son processus éducatif. Ce qui n’alla pas sans conséquences au point qu’il lui fut demandé des explications au sujet des limites de cette liberté, ce qu’il fit dans le livre intitulé : Freedom, not license (La liberté, pas l’anarchie).
Le psychanalyste a su mettre au service de l’éducation les découvertes psychanalytiques faites. Il était contre l’école traditionnelle qui n’avait pour seule souci que d’instruire et non d’éduquer, contre les parents soucieux du seul succès des enfants, contre un système social qui ne formait que des individus « manipulés » et dociles, bons pour les bureaux industriels. Pour lui, l’échec des différentes formes d’éducation vient du fait qu’à l’autorité manifeste des siècles fondée sur la contrainte physique, s’est substituée une autorité cachée fondée sur « le libre consentement », d’une manipulation individuelle . Neill veut former des êtres libres originaux et créateurs. Il ne demande rien d’autre que le respect de l’enfance . Summerhill est un lieu où se soigne le mal de l’âme (entendu comme siége des émotions) afin d’élever les enfants dans la joie de vivre, car tout homme heureux ne sera jamais capable de provoquer des crimes, des guerres ou de cultiver la haine, etc. . Pour Neill, l’homme est naturellement bon, c’est pourquoi il préconise tenir les enfants loin de la brutalité de la société des adultes. Comptant sur la responsabilité de l’enfant, il pense qu’il ne faut rien imposer à celui-ci, car l’enfant naît sincère et il faut le laisser tranquille pour découvrir sa véritable nature .
La préoccupation du développement de l’enfant n’était pas seulement l’apanage de l’Angleterre, mais aussi le souci des pays comme l’Allemagne où Hermann Lietz nomme l’école nouvelle Land-erziehungsheine qui signifie foyers d’éducation à la campagne. En se répandant, ces écoles porteront le nom de Freie-schulgemeinden qui veut dire : écoles libres.
En Italie, Maria Montessori apparaît comme une figure importante. Pour transformer l’école, elle pense qu’il faut passer par la formation des maîtres qui désormais doivent s’occuper plus de la découverte de l’enfant au lieu de seulement s’intéresser au contenu de l’éducation. Il faut accorder à l’enfant une liberté qui permet de mieux le connaître, de provoquer l’éveil de ses potentialités. Quant à la France, Pagès sera l’un des protagonistes des théories personnalistes. Mais à cette époque, les théories freudiennes sur le plan psychologique, sont remises en question.

2- La psychologie personnaliste

La psychologie personnaliste est une seconde source d’inspiration des théories personnalistes. Réagissant contre les psychologies déterministes qui affirment « que la personne est contrôlée par son inconscient ou son environnement » , elle propose une conception interactionnelle de l’individu entre les déterminismes de l’inconscient et ceux de l’environnement. Ce que Maslow nomme : la troisième force. Il y a ici un rejet de la conception freudienne de la personne. Maslow et ses pairs élaborent une autre vision de l’être humain : « celui qui possède un amour inné et qui se réalise en contribuant au bien de la société » .
En France, c’est Pagès (psychothérapeute et chercheur en sciences humaines né en 1926) qui innove avec les premières idées personnalistes. Pour lui, « L’éducation doit être faite d’apprentissages significatifs ou expérientiels » et une alternative permettrait à l’individu « D’expérimenter une croissance psychologique optimale, d’être une personne qui fonctionne librement dans la plénitude de ses possibilités organiques, d’être une personne fiable, réaliste, socialisée et d’être créatrice et toujours en changement ». L’alternative dont parle Pagès est tout un programme consistant à restaurer et stimuler la curiosité, à encourager l’étudiant à travailler selon ses intérêts tout en se donnant des objectifs intéressants. C’est aussi un programme fournissant les situations interactionnelles, les ressources (textes, laboratoire, etc.) et nourrissant les intérêts de l’étudiant. Il lui permet également de faire des choix responsables et de les assumer, de participer à l’élaboration du programme. Il est axé sur les vrais problèmes de personne. Ainsi, l’étudiant pourra s’auto-évaluer et être enfin habile à régler les problèmes de façon créatrice. Les situations interactionnelles favoriseront en quelque sorte la collaboration avec les autres.

3- Théorie du groupe

La troisième source des théories personnalistes se trouve dans la dynamique du groupe qui a pour objectif de « mobiliser des forces d’un groupe pour supporter la croissance des membres en tant qu’individu unique et collaborateurs » . En effet, dans cette théorie se sont les membres qui s’auto forment grâce à l’expérience des uns et des autres en tant que membres et non en tant que maître. Il n’y a pas d’organisation propre car personne n’est au dessus des autres, les membres sont tous à la quête d’une organisation commune. Ainsi, en luttant pour l’établissement d’une organisation du groupe, chacun apporte quelque chose et personne n’est passif. De fait, tous se développent en donnant et en recevant.
Au niveau de la formation de l’individu, nous avons des effets qui se font ressentir chez l’éduqué qui entre en contact avec les membres du groupe. Il apprend « à connaître les réactions qu’il produit chez les autres » . Et les réactions qu’il arrive à causer chez les pairs développent de nouveaux comportements qui l’aident à former de nouvelles possibilités de recherches pour enrichir ses connaissances et bâtir sa personnalité. Car, les réactions qu’un individu aurait sur le groupe et vice versa serait une méthode pour la réalisation d’un environnement éducatif. Ainsi, il perçoit ses limites et celles des autres.
Aussi, Kurt Lewin, psychologue reconnu pour ses études expérimentales de la motivation individuelle et de la dynamique du groupe a ouvert la voie à une science psychologique en contact avec les problèmes de la vie pratique. La psychologie de la gestalt lui a appris l’approche globale ou « molaire » des phénomènes, des comportements. Avec la théorie du groupe, il a dégagé l’idée selon laquelle « la formation du strate explicite des réalités et des nécessités objectives, qui est certainement pédagogiquement désirable, présuppose l’existence d’une situation totale dans laquelle l’enfant a la possibilité d’établir lui-même ses objectifs et d’agir librement selon ses propres besoins et son propre jugement » . En effet, dans le fonctionnement du groupe l’enfant doit se sentir libre d’exprimer ses désirs et ses objectifs.
Lewin a cherché à théoriser la méthode de groupe (comme lieu de communication) qui selon lui est restée trop empirique, car, simplement fondée sur le concept de relation.
Ces trois sources susmentionnées donneront naissance à des tendances personnalistes soit non-directives, soit interactives du développement de la personne.

II- LES DIFFERENTES TENDANCES DES THEORIES PERSONNALISTES

Yves Bertrand nous montre que, sous l’influence des sources précédentes, deux courants humanistes naîtront, à savoir : l’éducation non-directive et celle concernant les méthodes interventionnistes. Ainsi, nous traiterons de prime abord de la pédagogie centrée sur les théories non-directives.

1/ Pédagogie non-directive
En ce qui concerne ce type d’éducation, il est important de signaler dès le départ que la figure de référence n’est autre que le célèbre psychologue américain Rogers qui réussit à mettre sur pied la psychothérapie qualifiée de non-directive, concernant le client ou la personne. Dès 1930, Rogers propose une psychologie de l’orientation personnaliste s’intéressant particulièrement « à la dynamique du changement de la personnalité » . Il connaîtra des troubles au sujet de ses œuvres : On becoming a person (Le développement de la personne), parut en 1961, Freedom to learn (Liberté pour apprendre), en 1969 et Encounter groups (Groupes de rencontre), en 1966.
Pour Rogers, toutes les personnes ont une orientation positive. Ce qui l’amènera à élaborer un vocabulaire qui sera d’une grande importance dans le domaine de la psychothérapie. Ainsi certains paramètres entreront en jeu pour permettre le changement de la personne. Son crédo est de conduire l’éduqué à l’éveil de son soi intérieur, d’être emphatique, reconnaître le réel qu’il y a en soi et d’être congruent. De plus, il captive l’impératif qui stipule que l’on doit s’écouter, exprimer ce que l’on ressent de façon ouverte, s’accepter tel quel, faire confiance en son expérience personnel, surtout accepter autrui tel qu’il est. Dans son livre Le développement de la personne, le psychologue affirme : « Il est en effet paradoxal de constater que dans la mesure où chacun de nous accepte d’être lui-même, il découvre non seulement qu’il change, mais que d’autres personnes avec lesquelles il est en rapport, changent aussi. » . On dira ainsi que Rogers procède par des a posteriori car pour lui : « L’expérience est l’autorité suprême » .
Carl Rogers mettra en place des stratégies pour faire asseoir sa théorie à laquelle il attribuera le nom d’apprentissage expérientiel défini comme engagement personnel, ou de l’étudiant qui est au cœur des évaluations de ses propres apprentissages. Il encourage ainsi la responsabilité de la part de ce dernier. En outre, l’étudiant atteint l’indépendance d’esprit lorsqu’il se lance dans la créativité, s’autocritique, s’auto évalue et par la suite parvient à se laisser évaluer par l’autre. D’après lui, on assimile mieux lorsqu’on parvient à s’évaluer de manière autonome. Il souligne aussi qu’un apprentissage impliquant un changement dans l’organisation du moi, ou même dans la perception du moi, est ressenti comme menaçant, et que l’on tend à y résister. D’un point de vue général, Rogers prône l’autonomie qui permettra à l’étudiant de parvenir à une connaissance nécessaire. C’est alors qu’il donnera aisément au professeur le rôle qui lui revient.
Autant l’étudiant a des impératifs, autant le professeur a les siens. Le professeur, encore nommé facilitateur a donc un rôle à jouer dans la formation de l’étudiant. Quant à savoir ce que ce facilitateur a lieu de faire, c’est en réalité, pas grand-chose. Ce qui amène à comprendre que c’est à l’éduqué de planifier des efforts personnels pour un apprentissage expérientiel. Rogers réfute la méthode traditionnelle selon laquelle les programmes étaient imposés aux éduqués avec des exposés magistraux. Ce qui malgré tout ne favorise pas l’autonomie en éducation car l’élève « doit s’auto-enseigner librement » . Ainsi, le facilitateur a pour tâche de faire confiance au groupe et même à la subjectivité. Son rôle est d’aider les étudiants dans leurs choix et à la clarification de leurs buts tout en acceptant la contradiction qui peut survenir. Il stimule l’énergie intérieure de l’éduqué en le motivant. Il a aussi pour tâche de faciliter l’accessibilité des outils d’apprentissage tels que le matériel écrit, les équipements audio-visuels. Son implication s’articule aussi sur le rôle de conseiller. Ceci dit, le facilitateur doit faire preuve de modestie en intégrant le groupe d’apprentissage, en partageant ses idées sans toutefois les imposer. C’est aux étudiants de voir s’ils souhaiteraient s’aligner derrière les suggestions du facilitateur. Aussi doit-il, d’après Rogers, accepter les tensions qui peuvent naître dans le groupe. Enfin, le professeur est censé reconnaître ses limites. Il admet que cette liberté accordée aux étudiants peut entraîner des effets nocifs mais il doit assumer ce risque tout en exprimant ses peurs, ses angoisses et ses colères face à ses étudiants. La tâche du professeur n’est donc pas si simple, elle est indispensable, même si c’est l’autonomie de l’éduqué qui est mis en relief. De même que chez Rogers, d’autres théories s’inscriront dans la perspective personnaliste non directives, c’est le cas du néo-humanisme.

2/ Pédagogie néo-humaniste

La précision qui apparaît est telle qu’il « existe un ensemble de théories de l’éducation qui s’inscrivent dans une perspective personnaliste ou humaniste, qui ne s’inspirent pas directement de Rogers et qui se définissent comme néo-humanistes » . Alfred Adler (1870-1937) médecin viennois, qui a eu à travailler avec Sigmund Freud, va se défaire de celui-ci pour créer la société pour la psychologie individuelle en 1914. Cependant, il ne pense pas comme Freud que l’individu est contrôlé par ses instincts et par la société. Mais, il trouve que cet individu est doté de créativité lui venant d’une part de son entourage et d’autre part de son hérédité. Ainsi, sa psychologie a eu une grande influence en Europe et en Amérique. Cette influence donnera l’occasion aux psychologues comme Maslow et Fromm (Erich Fromm est né à Francfort le 23 mars 1900 et mort à Locarno le 18 mars 1980. C’est un psychanalyste humaniste américain d'origine juive allemande), de le rencontrer. Il meurt en 1937. Mais tout ne s’arrête pas là car Maslow, Fromm et Dreikurs vont être influencés par sa pensée éducative et vont l’orienter vers les pédagogies s’intéressant au développement de la personne. Nous remarquons que ces pédagogies sont d’actualité puisqu’elles sont utilisées dans les écoles.
Un autre nom apparaît dans les théories néo-humanistes, c’est celui de Fotinas . Il avait l’intention de mettre ensemble l’approche systémique et la philosophie personnaliste inspirée de celle d’Adler. Son souhait était de réorienter les programmes de formation sur le développement de la personne et sur la qualité de la vie personnelle. Ainsi, pense t-il, que l’homme a été défait de ses projets personnels tels la science, l’art, la technologie, l’économie et même l’éducation par ses exploits. Alors, l’heure a sonné pour cet homme de revendiquer sa place radicale. D’après Fotinas et Torossian, les fondements de l’existence de l’homme se trouvent dans les processus anthropo-sociaux, anthropo-biologiques, et anthropo-éducatifs. L’on doit laisser place à l’autogestion de la part de la personne. Ces « s’éduquants » doivent pour ce faire, fixer leurs objectifs propres et leurs propres critères d’évaluation. Ainsi, les « s’éduquants » sont appelés à suivre la méthode didactique selon laquelle ils s’impliquent dans la réflexion et l’action tout en comptant sur l’aide des facilitateurs.
Par ailleurs, Fotinas va élaborer des phases pédagogiques pour étayer sa méthode. Il en énumère ainsi six :
 La phase de la praxis brute : elle est une étape de clarification des valeurs et de mise en situation à partir d’un problème (action-réflexion exploratoire).
 La phase de conscientisation de la praxis brute : concernant la clarification de la situation de problème et choix d’une problématique significative.
 La phase d’échange en plénière : consiste à présenter les phases 1 et 2.
 La phase de la praxis consciente : recherches d’information par le biais des lectures, recherches théoriques, capacité d’acquérir les objectifs d’apprentissage de manière habile (action-réflexion systématique).
 La phase de l’évaluation de la praxis consciente : elle est l’étape d’étude et d’analyse systémique ; évaluation de l’apprentissage, c’est-à-dire des habiletés et évaluation des valeurs vécues et des attitudes créées.
 La phase d’échanges en plénière (présentation des phases 4 et5) .
Face à ces phases, on constate que l’étudiant se veut d’être autodéterminé. Yves Bertrand affirme à cet effet que la pédagogie est une « méthode ouverte puisqu’elle propose une introspection humaniste » . Quant à la pédagogie néo-humaniste étant utilisée dans les universités, notons qu’elle a connu quelques modifications pour donner place à une approche beaucoup plus structurée dans sa pratique en 1992. Ainsi, Fotinas et Henry vont affronter une problématique :

« Qui suis-je comme personne et comme enseignant ou étudiant ? », « comment est-ce que j’agis comme personne et comme enseignant ou étudiant ? », « pourquoi ? », « suis-je satisfait de ce que je suis et de ce que fais ? », « comment puis-je intervenir dans ce que je suis et dans ce que je fais ? » .


Les questions posées favorisent l’apprentissage de l’étudiant, c’est pourquoi il revient à l’éduqué de trouver des réponses à celles-ci, qui lui permettront de reconnaître ses sentiments (amour, colères, envie). Fotinas et Henry vont établir un certain nombre d’objectifs d’apprentissage dont voici l’extrait :

 Explorer les situations personnelles d’agression ;
 Identifier les sentiments-réflexions-actions personnels en situation d’agression
 Identifier les personnalités et les actions les plus menaçantes pour notre bien-être ;
 Développer la capacité d’accuser et d’agresser d’une façon intentionnelle (et non pas compulsive)
 Connaître les différents types de mécanismes de défense sociale (ou du moi existant)
 Identifier et reconnaître notre profil personnel de défense sociale .

Les théories néo-humanistes reconnaissent aussi que le facilitateur a un rôle à jouer dans le processus d’apprentissage. Fotinas et Henry pense qu’il faut un nombre de techniques pédagogiques pour aboutir à « l’endoscopie » qu’ils définissent comme « l’exploration de l’infiniment profond et personnel de l’homme » . Ce facilitateur doit à cet effet instaurer « les relaxations passives et actives de différents types, les concentrations, les méditations, les gymnastiques énergétiques, les rêves éveillées, le tai-chi-chuan, la danse archétype, la danse minimale, l’expression corporelle libre et l’improvisation » . Il précise que ce type de pédagogie fait appel à une tempérance différente de celle des cours magistraux. Au début de ses cours, il faisait une sorte de monologue qui montre qu’il cherche à rassurer ses étudiants en leur adressant des propos touchant leur entendement.
Les théories non-directives étant ainsi exposées, nous continuerons nos propos avec les théories interventionnistes, aussi dites interactives.
3- Théories interactives du développement de la personne

Comme nous pouvons le remarquer, le recours à la non-directivité des pédagogies exposées précédemment, a tant bien que mal rencontré son point de non-retour. En effet, il s’agit là des limites indéniables d’une pédagogie éducative axée sur le développement de l’affectivité professeur-étudiant, et du privilège de l’apprentissage expérientiel où le rôle du professeur à quasiment fort peu d’influence sur l’apprenant. Le comportement de ce dernier qui d’après Rogers , ne peut être influé que par ce qu’il découvre et s’approprie de ses expériences personnelles.
En conséquence, les enseignants ont immédiatement senti la nécessité et le besoin d’encadrer les étudiants dans leurs démarches pédagogiques qui semblait pour eux la mieux adaptée. Il n’était cependant plus question de laisser l’élève se développer sans aucun repère, ni encadrement et surtout sans limite. Il s’agira dès lors, d’utiliser plutôt les processus et les stratégies de travail en équipe en vue de faciliter le développement individuel. Ainsi est donc exposée une approche qui saura concilier les attentes des deux acteurs de la pédagogie éducative, à savoir le respect des caractéristiques et des libertés individuelles de l’étudiant d’une part, et d’autre part la reconnaissance de la valeur et le respect de l’autorité de l’enseignant. Ici, il y a donc partage du pouvoir entre professeur et élèves. D’où le concept de Pédagogie interactive, qui consistera de ce fait, en une opération dans l’indivision mais surtout inéluctablement avec comme finalité la croissance et l’épanouissement de l’enfant dans toute sa contenance.
D’après un rapport publié du Conseil supérieur de l’éducation intitulé l’Activité éducative (1971), une théorie bien précise serait un très bon exemple de cette dynamique entre la personne et le groupe, il s’agirait en effet de la théorie organique de l’éducation. Ici, l’éducation est présentée comme une activité qui doit alors porter sur les ressources profondes de l’être plutôt que sur l’acquisition d’un savoir culturel et technique puisque le développement de la personnalité importe bien plus que l’acquisition d’une simple contenance. En effet, le professeur doit favoriser chez les apprenants le développement de l’imagination, de la faculté d’auto-évaluation interne, de l’autonomie personnelle, de la créativité, du jugement et de l’expression primesautière. Entre temps, l’Activité éducative s’avère ne pas être le seul rapport à avoir popularisée la conception organique de l’activité éducative. Nous comptons aussi l’Opération Départ (1971) qui proposait des éléments fondamentaux d’une conception de l’éducation centrée sur la personne. Ceci à travers l’intensification des conditions en convenance au développement personnel et l’offre des faveurs accessibles spacio-temporellement à tout étudiant désirant entretenir à la fois de bon rapport d’affectivité tout en ayant un attrait sur l’apprentissage de la connaissance et de la création. De ce fait, l’enseignant doit proposer des ressources non-conditionnelles en aidant les étudiants à décider d’eux-mêmes du mode d’emploi, d’innover et de pouvoir accueillir l’imprévisible.
Ainsi a été minutieusement levé l’équivoque et exposé l’historique sur les théories interactives du développement de la personne. Comme toutes les autres, la pédagogie interactive déficelle ses trois différents principes afin que ses fondements puissent être fermement éclairés. Il s’agira donc de comprendre de prime abord la personne comme un être de relation, puis de bien concevoir l’importance de son environnement éducatif et enfin de comprendre que la connaissance est toujours une entreprise personnelle.
En ce qui concerne le premier principe, une réflexion sur la dimension sociale de la personne à été exposée par les auteurs du rapport de l’Opération Départ. En effet, d’après leurs conceptions ; la personne est d’abord et avant tout un être relationnel car « faire l’expérience de soi, c’est en même temps faire l’expérience des autres » . Autrement dit, la psychologie perceptuelle nous apprendrait au cas où l’expérience l’aurait manqué, qu’à force de l’actualisation de la personne, sa sociabilité s’accroît. Elle devient plus réaliste, positive et capable d’innover son entourage et de s’y adapter ; d’où le concept du « s’éduquant » indiquant toute personne qui s’éduque. Argument qui nous renvoie d’ailleurs au deuxième principe de la pédagogie interactive.
Lorsqu’il y a présence d’un s’éduquant cela suppose indirectement mais indubitablement la présence d’un environnement éducatif. Le processus éducatif se définit alors comme « l’ensemble structuré et dynamique des interactions entre le s’éduquant et l’environnement éducatif, tel que perçu et vécu par le s’éduquant » . L’environnement aura donc pour but d’ériger chez le s’éduquant l’émergence des ressources internes et du travail autonome. Dans ce cas, il prend en charge sa formation, le développement de sa personnalité et se construit en toute liberté. Nous le rappelons : l’interactivité ici dépendra amplement de l’environnement éducatif. Raisonnement que nous mettrons en lumière dans le dernier principe.
Le troisième et dernier principe consiste à développer une affirmation d’Angers (1976) qui stipule que la connaissance est une entreprise personnelle. « Elle s’acquiert et s’approfondit dans l’interaction avec l’objet (…) » ; autrement dit, la conscience du s’éduquant construit une sorte de modèle intérieur et c’est par tout les évènements de cette conscience, que la connaissance est nourrie et inspirée. Dans ce cas, le rôle de l’enseignant intervient nécessairement et essentiellement dans le champ interactionnel auquel son activité d’enseignant est subordonnée à l’activité d’apprentissage du s’éduquant. En outre, le professeur se donne pour but de favoriser l’interaction entre la logique de la discipline et la logique de la progression du s’éduquant. Conséquemment, il aménage, observe, et analyse l’évolution de l’interaction s’éduquant-environnement auquel il ne devra surtout pas interférer.
4- Pédagogie Ouverte

Nombreux sont les chercheurs qui ont étudié sur cette pédagogie dite « ouverte ». Nous pouvons notamment compter Paré et Paquette ; deux enseignants-chercheurs qui ont publié pas mal d’écrits sur les caractéristiques d’une pédagogie ouverte qui serait l’application d’une théorie interactive de l’éducation.
Claude Paquette en parle d’ailleurs dans son œuvre Pédagogie ouverte et auto développement. D’après lui, la pédagogie ouverte est l’un des modèles éducatifs possibles car elle vise essentiellement à créer un environnement riche et diversifié qui favorisera des apprentissages multiples et variés. Le plus encourageant d’après Paquette, c’est que c’est une conception de l’acte éducatif qui trouve évidemment sa place dans le monde scolaire mais aussi dans d’autres milieux : en relation d’aide, dans la famille et dans diverses approches de l’intervention. Elle s’inspire de certaines valeurs en occurrence l’autonomie, la liberté, la participation et la démocratie directe. Ces analyses de Paquette se fondent ainsi sur une idée : « l’être humain doit être l’auteur et l’acteur de sa vie » . Il s’agit en fait, de briser les dépendances pour progressivement se diriger vers l’autonomie. Et c’est donc là qu’intervient la notion d’auto développement : une capacité d’apprendre au fur et à mesure, à prendre en main les orientations de sa vie et de les transformer dans des actions qui nous questionnent et qui nous construisent selon notre rythme. S’inscrire dans la philosophie de l’auto développement c’est vouloir contribuer à une création: la sienne. L’instrument qui sera donc privilégier pour ce faire sera l’auto-analyse qui permet le retour sur soi.
En guise de conclusion à ces explications de Paquette sur cette philosophie de l’éducation, nous retiendrons que, l’auto développement est un mode de vie et une manière de penser. Cette conception permet d’actualiser le choix d’une vie qui est marquée du signe de la responsabilisation. D’après notre auteur, « La personne qui fait sienne cette pédagogie est attentive à son processus d’apprentissage et cherche à l’inscrire dans un projet de vie » . Ce qui le poussera à chercher à se connaître et à se reconnaître. Être en projet est le signe premier d’un processus de croissance personnelle. C’est par exemple considérer la vie comme un vaste chantier où chacun est le principal entrepreneur de son projet de développement. Paquette énonce des principes très clairs sur la nature de la pédagogie ouverte :
• « Permettre que la croissance personnelle (développement des talents) soit individualisée en respectant le rythme et le style de croissance ;
• Permettre que les habiletés personnelles de chaque étudiant soient utilisées de façon constante dans un environnement riche et stimulant ;
• Permettre à l’étudiant de dégager des apprentissages significatifs de son environnement. »

Parlant donc de l’intervention de l’éducateur, Paquette affirme que son rôle consistera avant tout à faire vivre des expériences enrichissantes aux enfants, en les aidant par la suite à analyser les apprentissages qu’ils ont pu réaliser. Contexte pédagogique qui aboutira à une remise en question de certains éléments-clés tels que l’emploi du temps, le programme scolaire à l’école et le rapport enfants- éducateurs.
Paré tout comme Paquette est enseignant-chercheur, pilier de la pédagogie ouverte. Lui par contre fonde cette philosophie de l’éducation sur des principes de bases indéniables en occurrence, l’importance de la personne, la croissance optimale de la personne-création d’une école ouverte et enfin le curriculum.
Pour Paré la personne est importante, il fonde d’ailleurs son modèle sur quelques croyances élémentaires et relatives à la personne notamment :
• Les êtres humains sont ce qu’il y a de plus important au monde ;
• Les enfants sont des humains ;
• Chaque personne est unique ;
• Si un être humain est diminué, toute la collectivité est diminuée ;
• Les enfants viennent au monde normaux ;
• Tout au long de sa vie, l’être humain change et change pour le mieux ;
• Aucune croissance n’est possible sans engagement profond ;
• Les sentiments sont aussi importants que le savoir ;
• La réalisation d’un être humain implique la liberté ;
• Toute forme de rejet et de ségrégation est une entrave à la croissance
A cela vient se desservir le deuxième principe, celui de l’optimalisation de la croissance personnelle. En effet, l’actualisation de soi est un objectif beaucoup plus fondamental que celui qui consiste à acquérir de simples habiletés techniques. Paré se réfère à Rogers, chez qui il puise le concept d’ouverture à l’expérience où la personne laisse venir, reçoit, perçoit et traite toute l’information existante. La personne devient cependant un processus, un changement constant dans chaque geste et à chaque moment, dont elle en a même la ferme conscience et le plaisir pour ce faire. Elle a confiance en elle et son fonctionnement optimum devient donc une garantie de succès lorsqu’elle entreprend de nouvelles démarches.
Par ailleurs, Paré proposera, une école ouverte toujours dans le but d’optimiser la croissance et l’actualisation de la personne. L’accent sur l’apprentissage, l’acceptation de l’étudiant comme personne, la construction d’une image positive de soi, le développement de l’individualité et de l’originalité sont les principes sur lesquels doivent reposer l’école. L’éducateur sera dès lors perçu comme un partenaire, un guide.
Et quant au curriculum, il nous indique que la proposition d’une théorie qui n’est pas fondée sur l’organisation systématique et séquentielle de champs disciplinaires prédéterminés mais plutôt sur l’évolution constante de la structure intérieure de chaque individu en contact avec son environnement. Il souligne aussi qu’elle repose sur la connaissance des propriétés de l’organisme et l’utilisation plus maîtrisée du langage.

III- INTERET PHILOSOPHIQUE

Ce que nous trouvons d’original dans les théories personnalistes, c’est le sens de la liberté accordée à l’enfant dans le processus de son éducation. Car il en est le principal acteur. En effet, il faut développer en l’enfant l’esprit de créativité dans une liberté qui n’est pas un laissé- aller mais un aboutissement à la responsabilité chez l’enfant, a qui il ne faut rien imposer. Parce qu’il est honnête et apte à découvrir sa nature véritable.
Evoquant l’authenticité dans l’éducation des enfants, Maria Montessori propose qu’il faut provoquer l’éveil de ses potentialités en mettant sur pied des situations où l’enfant trouverait ses intérêts pour susciter un travail venant de lui et lui permettant de les assumer sans se dérober afin de s’auto évaluer.
Nous pouvons aussi relever dans le processus éducatif des théories personnalistes la théorie du groupe qui favorise l’expérience entre les membres, afin de parvenir à l’expression des désirs de chacun et de ses objectifs dans la recherche d’une organisation éducationnelle. Allant dans le même sens, Jacques Maritain, auteur personnaliste Français (1882- 1973) accorde aussi une importance à cette théorie du groupe, car selon lui l’avantage « serait de développer chez les jeunes un sens de la dignité et de la discipline personnelle, de l’autonomie collective et de l’honneur collectif » . Il faut donc encourager la responsabilité de la part de l’enfant pour arriver à une connaissance plus exacte. Ainsi, il sera apte de s’auto critiquer, s’auto évaluer et de parvenir aussi à évaluer l’autre dans le processus d’autoformation en groupe, car c’est en groupe qu’il apprend par l’expérience.
Toutefois, il serait bon de signaler que même dans l’éducation libérale, l’enseignant à un rôle. Ce rôle serait celui de guide, d’aide, de conseiller et de facilitateur. En effet, l’enseignant doit être un garde fou qui conduit les enfants dans l’acquisition de la connaissance, parce que l’humanité n’est pas donnée de façon instinctive comme chez les animaux.




CONCLUSION

Au terme de notre travail qui consistait en une étude historico-analytique du courant pédagogique personnaliste, nous pouvons dire que le developpemnt de la personne pour son épanouissement et celui de sa société demeure une préoccupation des politiques éducatives. En effet, Léveillé-Ryan a bien raison lorsque, parlant de l’approche humaniste, il stipule : « La personne humaine, enfant ou adulte, se définit par ses projets de vie qui l’amènent à s’inventer comme personne humaine libre et responsable, à s’incarner dans son « humanitude » sans cesse inachevé et en devenir » . Ainsi orientées selon deux principales tendances, les théories personnalistes sont d’une part axées sur une éducation non-directive où l’éduqué est presque entièrement responsable de son éducation selon ses intérêts, et d’autre part, sur le développement de la créativité avec des stratégies interventionnistes. Ce qui crée un paradoxe dans la mesure où elles sont simultanément conçues comme pédagogie directive et non directive. Mais la non directivité ayant montré ses limites, les pédagogies de groupe (interactives) semblent beaucoup plus favorables eu égard aux interventions éducatives.











BIBLIOGRAPHIE

- VERGEZ A. et HUISMAN D., Cours de philosophie. Complément pour terminales A et B, Paris, Nathan, 1993, 288p.
- BERTRAND Y., Théories contemporaines de l’éducation, Ottawa, Agence d’Arc, 1993, 234p.
- PALLANTE G. & LEGAULT M., Une éducation libérale pour la démocratie, Jacques Maritain : Pour une philosophie de l’éducation, Presses de l’UCAC, Yaoundé, 2001, 75p.
- PAQUETTE C., Pédagogie ouverte et auto-développement, Québec, éd. NHP, 1985,
- NEILL A. S., Libres enfants de Summerhill, Paris, F. Maspero, 1971, 362p.
























TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION……………………………………………………………………1

I- APPROCHE HISTORIQUE DES THEORIES PERSONNALISTES…...2

1- Les pionniers des écoles nouvelles……………………………………………..….2
2- La psychologie personnaliste………………………………………………………3
3- Théorie du groupe………………………………………………………………….4

II- LES DIFFERENTES TENDANCES DES THEORIES PERSONNALISTES…..5

1- Pédagogie non-directive……………………………………………………………5
2- Pédagogie néo-humaniste………………………………………………………….7
3- Théories interactives du développement de la personne…………………………10
4- Pédagogie Ouverte………………………………………………………………12

III- INTERET PHILOSOPHIQUE……………………………….…………………..15

CONCLUSION…………………………………………………………………..…..…16
BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………..…………....17

1 commentaire:

  1. je suis entrain de faire des recherche sur les théories personnalistes et j'avoue que votre article va m'aider à approfondir mes recherches.

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