mercredi 19 mai 2010

Karl Popper

KARL POPPER ET LA FALSIFIABILITE
PLAN
INTRODUCTION
I- KARL POPPER : HISTOIRE ET GENESE DE LA FALSIFIABILITE
1- Vie et œuvre
2- Influence et genèse de la pensée de K. Popper
3- Dénonciation de la conception erronée de la science
II- LA METHODE SCIENTIFIQUE SELON K. POPPER : FALSIFIABILITE
1- Définition conceptuelle : Falsifiabilité
2- Degré de falsifiabilité
a- L’hypothèse
b- Les tests
c- Essais et erreurs (ILeba 52, R ET A P. 26)
III- LA PORTEE SCIENTIFIQUE DE LA FALSIFIABILITE
1- K. Popper et l’approximation vers la vérité : la science comme activité à la révolution permanente
2- La falsifiabilité et le progrès scientifique
3- La falsifiabilité comme exigence de coopération scientifique (voir mémoire Ileba p. 56)
IV- APPRECIATION CRITIQUE
CONCLUSION







INTRODUCTION

La vérité scientifique est un sujet ancien et a subi de profonds changements en ce qui concerne son statut dans l’histoire de philosophie des sciences. Le concept de vérité est généralement appréhendé comme le contraire de l’erreur. Les philosophes et savant depuis Platon et Aristote ont cherché à justifier la science en tant qu’entreprise visant la recherche de la vérité. Cette façon de concevoir la vérité nous conduit à une vérité unique et absolue. C’est cette conception de la vérité que s’étend jusqu’à l’époque moderne avec la méthode inductive basée sur l’observation et l’expérimentation. Ainsi, la science apparait comme une connaissance vraie et certaine, elle possède la vérité. Cette perspective sera approuvée et renforcée par l’école néo-positiviste de Vienne avec les succès de la théorie de la gravitation de Newton. Il fallut attendre la relativité d’Einstein pour susciter des réserves au niveau de la considération de la science en tant que connaissance vraie et certaine. C’est le point de départ de la polémique sur la méthode de l a science et la remise en cause de l’idée que la science ne possède pas de vérités déterminées une fois pour toute. Dés lors, notre réflexion sera focalisée sur falsifiabilité de Karl Popper. Ce dernier a jeté un profond regard sur la problématique du statut de la vérité scientifique. Cependant, la falsifiabilité peut-elle nous permet d’atteindre la vérité scientifique ? Pour orienter notre investigation, nous allons tout d’abord situer l’histoire et la genèse de la falsifiabilité. Ensuite, nous mettrons en évidence la falsifiabilité comme méthode scientifique. Enfin nous en dégagerons la portée scientifique. Tout ceci nous conduira à l’appréciation critique.







1 – Vie et œuvre
Karl Raimund POPPER est né le 28 juillet 1902 à Vienne en Autriche d’une famille juive qui se convertira plus tard au protestantisme. Il démarra sa vie active comme apprenti ébéniste. En 1919, il adhère le partie communiste autrichien, mais n’y reste que très peu. Après son passage dans le parti social- démocrate autrichien, il entreprend des études universitaires tout en enseignant la physique et la mathématique dans l’enseignement secondaire. Motivé par la lecture de certains auteurs membres du Cercle de Vienne, il se met à écrire et à réfléchir sur les questions épistémologiques et en 1934, il publie une partie de ses écrits dans un ouvrage intitulé Logik der Forschung (Logique de la connaissance scientifique). A travers cette première œuvre Popper acquiert une certaine notoriété auprès des scientifiques de Vienne.
Malheureusement cette notoriété ne dure pas longtemps, car la situation socio-politique en Allemagne se dégrade progressivement ; à cause de la montée rapide des mouvements extrémistes et des visées annexionnistes de l’Allemagne. A cet effet, en 1937 il décide de s’installer en Nouvelle-Zélande où il enseigne jusqu’en 1945. Sur la demande de Hayek, il quitte la Nouvelle-Zélande et s’installe en Angleterre où il est invité à enseigner la logique et la méthode scientifique dans la « London School of Economics » de 1945 à 1966 et dans l’Université de Londres de 1949 à 1969.
A Londres Karl POPPER fait face à certaines difficultés comme l’écrit Jean BEAUDOUIN : « l’immersion n’est pas évidente et POPPER éprouve au départ bien des difficultés variante de la philosophie analytique jusqu’alors régnante en Angleterre. Il parvient cependant à imprimer sa marque et à influencer de façon durable toute une génération de philosophes britanniques ». Il prend sa retraite en 1969 et vit depuis cette époque à Londres où il meurt le 17 septembre 1994.

b- Œuvres
.Les deux problèmes fondamentaux de la théorie de la connaissance (titre original : Die beiden Grundprobleme der Erkenntnistheorie, 1930-1933). Note de l'éditeur, Hermann : « Loin d'être une simple esquisse - bien au contraire, puisque la célèbre « logique de la découverte scientifique » n'en était à l'origine qu'un résumé - , cette première formulation du falsificationnisme poppérien anticipe certaines idées qui ne réapparaîtront que bien plus tard. »
• Logique de la découverte scientifique (titre original : Logik der Forschung, Logique de la recherche ; The Logic of Scientific Discovery, 1934)
• Misère de l'historicisme (The Poverty of Historicism, 1944-1945)
• La Société ouverte et ses ennemis (The Open Society and Its Enemies, 1945)
• Conjectures et réfutations (Conjectures and Refutations: The Growth of Scientific Knowledge, 1953)
• La connaissance objective (Objective Knowledge: An Evolutionary Approach, 1972)
• La quête inachevée (Unended Quest; An Intellectual Autobiography, 1976)
• La Télévision, un danger pour la démocratie (1995)
• La Leçon de ce siècle, (1993)
• A Note on Verisimilitude
• The Self and Its Brain: An Argument for Interactionism, (1977) [coécrit avec le neurophysiologiste John Carew Eccles].
• The Open Universe: An Argument for Indeterminism, (1982)
• Realism and the Aim of Science, (1982)
• The Myth of the Framework: In Defence of Science and Rationality, (1994)
• Knowledge and the Mind-Body Problem: In Defence of Interactionism, (1994)
• Toute vie est résolution de problèmes, 2 tomes, (1997).
• Un univers de propensions : deux études sur la causalité, (1992).

2- Contexte d’émergence
1- Influences et genèse de la pensée de Popper
D’entrée de jeu, il serait important pour nous de préciser le contexte d’émergence de l’épistémologie de Popper. En en effet, parlant de ce contexte, nous pouvons dire qu’il a une double dimension : scientifique et philosophique. Du point de vue scientifique, nous sommes à l’époque de la relativité d’Einstein. Popper est marqué par la théorie de la relativité alors que jusque- là, la théorie newtonienne est considérée comme vraie « a priori » et acceptée comme acte de foi. La théorie einsteinienne est venue tout bouleverser. Ainsi, Popper va puiser l’intuition centrale de sa pensée scientifique surtout dans la logique de l’accroissement de la connaissance scientifique. Il sera marqué par trois aspects fondamentaux de la théorie d’Einstein qui ont apporté des nouvelles lumières sur sa conception de la logique de la science. D’abord, « Einstein soutient que sa théorie ne contredit que quelques aspects de la mécanique newtonienne et de fait l’englobe ».Ensuite, « il ne se vante pas de mettre en place une théorie toute faite, mais considère sa théorie comme un simple pas vers une théorie ouverte à une plus large généralisation ». Enfin « il ne tente aucune vérification de sa théorie et n’en recherche aucune confirmation. Bien au contraire, il en attend impatiemment une probable remise en question, une nouvelle réfutation ».
A travers les trois aspects soulignés se dessine, de manière globale la substance de la pensée scientifique de Karl Popper. Ce dernier retiendra que , pour qu’il y ait accroissement de la connaissance, une théorie scientifique ne doit pas s’élancer dans la quête effrénée des défenseurs, mais elle doit toujours chercher à être dépassée sous peine de se muer en idéologie.
Du point de vue philosophique, il est contemporain du contexte d’empirisme, d’inductivisme et de vérificationnisme soutenu sur le plan idéologique par le Cercle de Vienne. Les membre de ce cercle s’étaient donnés pour objectif d’unifier les sciences et d’éliminer la métaphysique en partant du fait qu’ils considéraient les propositions métaphysique comme dénuée de sens. Popper s’opposera à la philosophie de Vienne appelée empirisme logique ou néo- positivisme, en particulier en ce qui concerne la théorie de la signification d’une proposition logique et la théorie de la vérification dans les sciences. Car pour Popper, la métaphysique n’est pas dépourvue de sens. Il admet que la science prend souvent appui sur des pensées purement spéculatives et abstraites. Il avoue sans crainte que le développement de la physique atomique se rattache aux spéculations métaphysiques d’Héraclite et de Démocrite. Il sait que les théories physiques d’Einstein sont plus spéculatives qu’elles ne sont fondées sur des observations.
La vérifiabilité paraît donc insuffisante au regard de Popper pour délimiter les champs de la rationalité scientifique et condamner à la perte toute métaphysique.

2- Dénonciation de la conception erronée de la science
L’épistémologie de Popper, comme nous l’avons signalé plus haut, s’est édifiée en réaction contre une conception dite erronée de la science véhiculée par l’idéologie néo positiviste. Les caractéristiques essentielle de cette conception sont le suivantes : au niveau de la méthode, cette conception prône une méthode inductive basée sur l’observation et l’expérimentation. D’après cette méthode, la science commence avec l’observation. Celle-ci offre des bases solides au fondement de la connaissance scientifique.
Au niveau de la valeur des théories scientifiques, cette conception considère les théories scientifiques comme des réalités vérifiées et établies une fois pour toutes. D’après en effet les néo-positivistes, lorsqu’une théorie scientifique a subi avec succès la vérification expérimentale, elle est établie comme vraie, c’es-à- dire comme inflexible, immuable et définitive. L’image de la vérité qui se dégage ici est celle d’une vérité absolue, indubitable. A ce propos, Popper dira : « la conception erronée de la science se révèle dans la soif de l’exactitude » .
Au niveau de l’image du fonctionnement de la science , cette conception pose que la science est une croissance de certitudes en incertitudes, l’établissement progressif des vérités. L’histoire des sciences de ce point de vue apparaît comme purement cumulatif, c’est-à-dire comme accumulations des vérités définitivement constituées. Popper remet en cause cette conception dite erronée et présente la science comme une activité au sein de laquelle se déploie une révolution permanente.
Le problème fondamental en philosophie des sciences selon Popper, est celui de la démarcation. La démarcation est la question de marquer la différence entre ce qui relève de la science et ce qui ne relève pas de la science. Afin d’établir cette différence, Popper part de la dénonciation de la théorie positiviste. Ainsi, il constate que l’induction en science est basée sur l’observation du monde. Or cette observation est problématique du fait même qu’elle se relève être partielle. En tirant des conclusions à partir des démarches inductivistes ne garanti pas la vérité des conclusions. L’induction est donc invalide selon Popper.

III- LA PORTEE SCIENTIFIQUE DE LA FALSIFIABILITE
III.1-Popper et l’approximation vers la vérité : la science comme activité à révolution permanente
Après avoir dénoncé l’image de la science faussement vulgarisée par le néo-positivisme, Popper nous présente l’image réelle de la science, qui est celle d’une activité au sein de laquelle se déploie une révolution permanente, qui est celle d’une « quête obstinée et audacieusement critique de la vérité ».
En effet, la science emprunte désormais une démarche hypothético-déductive. Cette méthode met l’accent sur l’activité conjecturale et non sur les énoncés d’observation. D’après elle, la science commence par des conjectures audacieuses à travers lesquelles le savant cherche à sonder l’univers, à contraindre la nature à lui révéler ses secrets. Ces conjectures ou hypothèses sont soumises à l’épreuve des tests expérimentaux rigoureux et sévères. Celles qui ne surmontent pas l’épreuve doivent être réfutées et remplacées par d’autres, de sorte que ne survivent que celles qui s’avèrent être plus performantes. Popper dit à cet effet : « (…) la connaissance opère par conjectures et réfutations ».
Ainsi, la conception popperienne de la science considère les théories scientifiques comme des vérités provisoires, hypothétiques. Les théories scientifiques ne sont jamais définitivement établies, car elles ne sont que des « approximations provisoires de la vérité ». Lorsqu’une théorie a victorieusement surmonté l’épreuve de test, elle est provisoirement vraie. Dans cette perspective, Popper fait remarquer que :
« Toute les lois, toutes les théories demeurent, par leur nature même, provisoire, conjecturales ou hypothétiques, même lorsque nous nous estimons impuissant à le mettre plus longtemps en question » .
De ce fait, la science ne considère ses lois et ses théories que comme des énoncés provisoires qui seront tôt ou tard remplacés par des meilleurs. Ces lois et ces théories sont toujours ouvertes à la discussion. De ce point de vue, on peut dire que la certitude à laquelle accède la science est une certitude ouverte, une certitude en devenir. La vérité en science est toujours provisoire, relative à l’état d’avancement de la recherche. En science, selon Popper, il n’y a pas de vérité absolue, c’est-à-dire de vérité inflexible, définitive ; une telle vérité correspondrait à la déchéance de l’esprit, à l’arrêt de la pensée, de la recherche. Popper écarte ainsi de la science ce qu’il nomme « La soif d’exactitude » , « le vieil idéal scientifique de l’épistèmê, l’idéal d’une connaissance absolument certaine et démontrable » et écrit :
« La science n’est pas un système d’énoncés certaines ou bien établi, non plus qu’un système progressant régulièrement vers un état final. Notre science n’est pas une connaissance (épistèmê). Elle ne peut jamais prétendre avoir atteint la vérité ni même l’un de ses substituts telle la probabilité »
Ainsi, pour Popper, la science ne possède pas la vérité ; elle est dans le provisoire. La science ne procure que la « vérisimilarité » ou la « vérisimilitude » . L’image de la science qui découle de cette conception de son fonctionnement est, d’après Popper, celle d’une activité en mutation perpétuelle, en révolution permanente. Par le caractère éphémère de ses théories, de ses lois, la science est en mouvement perpétuel. La science n’est pas un système clos, un ensemble d’énoncés, de propositions considérés une fois pour toute, un ensemble de vérités dernières, mais une recherche ouverte et inachevable, une réalité en perpétuel devenir, une approximation sans cesse renouvelée de la vérité. Popper écrit à ce propos :
« La conception erronée de la science se révèle dans la soif d’exactitude. Car ce qui fait l’homme de science, ce n’est pas la possession de connaissances, d’irréfutables vérités, mais la quête obstinée et audacieusement critique de la vérité » .




III.1 la falsifiabilité et le progrès scientifique
Selon Popper, pour que la science progresse, il ne faut pas choisir des théories qui échappent à la menace de la falsification, et dont on ne pourrait jamais découvrir l'éventuelle fausseté. A cet effet, il faut toujours choisir, entre plus de théories non la plus sûre ou la plus probable, mais la plus audacieuse, la plus riche, la plus improbable, c'est-à-dire la plus falsifiable: cela parce qu'elle peut nous apprendre davantage, qu'elle réussisse ou qu'elle échoue. Ensuite, il ne faut pas protéger coûte que coûte nos théories, mais au contraire, les soumettre à la critique la plus sévère, en nous rappelant que même une réfutation est un succès. Car pour Popper, aucune théorie ne peut être considérée comme établie; même quand elle a passé avec succès beaucoup de tests, elle n'est jamais qu'une hypothèse, toujours susceptible d'être remise en question. En effet:
" La science n'est pas la possession de la vérité, mais sa recherche: c qu'il y a de rationnelle dans la connaissance réside uniquement dans son caractère dynamique, c'est-à-dire dans sa possibilité de croître. cette croissance est en droit indéfinie; si elle s'arrêtait un jour, ce ne serait pas parce que la vérité définitive serait atteinte, ce qui n'a pas de sens, mais parce que la méthode critique serait abandonnée" .
Par ailleurs, pour que la science puisse progresser, Karl Popper reconnaît qu'il ne lui faut pas seulement des réfutations, mais aussi des succès positifs en ce sens qu'il faut d'une part que la théorie fournisse des prévisions nouvelles effectivement vérifiées, d'autre part, qu'elle ne doit pas être souhaitée simplement parce que ce succès semble d'emblée ce que nous cherchons, parce que sans lui, la science perd son caractère scientifique. Popper reconnaît aussi qu'il est légitime que le savant puisse défendre les théories qu'il émet contre les attaques trop faciles, même si son but essentiel est de chercher à les tester sévèrement.
A travers son live intitulé Conjectures et réfutations, force génératrice du progrès de la connaissance et de la science, a été instaurée par Popper en remplacement de la méthode inductive (hypothèse - confirmation). La démarcation poppérienne en gendre une critériologie (falsification) capable d'épurer la théorie, soit en l'invalidant ou en la réfutant, soit en la testant. La théorie est jugée efficace (scientifique) ou non à cause des erreurs qu'on peut y déceler. Cependant, celle qui est efficace est provisoire car elle devra toujours passer au crible de la démarche critique tandis que celle qui est réfutée n'est pas rejetée mais récupérée dans le souci que ses erreurs servent à la rendre utile. Ainsi, grâce aux erreurs, la connaissance et la science avancent. "La connaissance, et la connaissance scientifique tout particulièrement, progresse grâce à des anticipations non justifiées (et impossible à justifier), elle devine, elle essaie des solutions, elle forme des conjectures. Celles-ci sont soumises au contrôle de la critique, c'est- à -dire à des tentatives de réfutations qui comportent des tests d'une capacité critique élevée" . C'est pourquoi pour Popper, "le progrès scientifique, parce qu'il est un processus d'innovations, ne peut avoir lieu que dans univers ou l'avenir est ouvert, un univers non déterministe, ou irrésolu" .
Conjectures et réfutations est la nouvelle méthode qu'instaure Popper en remplacement du schéma hypothèse -confirmation existant depuis le dixième siècle. ce couple est compris par Popper comme une critique des tentatives, souvent erronées, que nous faisons pour résoudre les problèmes qui se posent à nous, soit comme une théorie de l'expérience qui attribue à nos observations un rôle tout aussi modeste, mais presque aussi décisif, celui d'être des tests capables de nous aider à voir ou sont les erreurs.
"La démarche critique est la méthodes scientifique qui consiste à être prêt à modifier les lois et les schémas que l'on a forgé, à les soumettre à l'épreuve des tests, à les réfuter et à en établir la fausseté. cette démarche peut être assimilée à la démarche scientifique (n'est nullement inductive[…] Elle est au contraire "hypothético- déductive") en opposition partielle à l'attitude dogmatique qui négligerait ce qui viendrait réfuter des lois déjà établies. Opposition partielle car elle s'oppose à la démarche dogmatique. La critique dont il est question ne rejette pas les croyances dogmatiques qui existent, mais les examine. Ce sont des croyances et des théories que nous avons trouvé dans l'histoire de la science auxquelles nous adhérons sans jugement, mais de manière plus ou moins dogmatique. Ces croyances dogmatiques sont ce que nous pouvons appeler les mythes. La science ne dispose pas d'un autre moyen pour progresser, elle doit prendre son point de départ à partir de ce qui existe déjà. Les mythes que constituent les lois et les croyances anciennes doivent être soumis à un examen critique. Car pour Popper c'est à travers une critique rigoureuse que la science peut espérer survivre.

III.3- La falsifiabilité comme exigence de coopération scientifique

Un énoncé ou une théorie scientifique est réfutable si et seulement s’il est logiquement incompatible avec au moins un énoncé de base. En effet, l’énoncé scientifique ne doit pas se fonder sur des simples observations comme dans l’induction. La démarche à suivre doit être hypothético-déductive de sorte que n’importe quel énoncé, formulé de manière conjecturale, se soumettre à l’épreuve de l’expérimentation. Ce test est indispensable du fait que les théories scientifiques portent sur l’avenir alors que l’expérience quant à elle est temporelle. Ceci veut dire que la validité d’une théorie dépend de sa capacité à résister aux nouveaux cas qui se présentent dans l’avenir pendant que l’expérience qui permit l’élaboration d’une théorie change selon les circonstances (les cas qui ne peuvent se répéter par exemple) et les contextes.
Par ailleurs, le progrès scientifique montre qu’une théorie considérée comme vraie aujourd’hui peut s’avérer fausse demain et que de ce point de vue, la science évolue par essais et erreurs. Ceci soulève le problème de vérité. Comment comprendre que la science qui vise la vérité ne puisse pas l’atteindre de manière définitive ?
Karl Popper affirme à cet effet : « Bien que la science ne puisse pas atteindre la vérité, ni la probabilité, son effort pour atteindre la connaissance, sa quête de la vérité est encore le motif le plus puissant de découvert scientifique » . Ainsi nous ne savons pas mais nous conjecturons. Or, c’est justement cette conjecture qui autorise tout refus d’obscurantisme, de monopole, d’oubli de concurrence d’idées. La science, en tant qu’idéal, n’a pas de frontière. C’est ici où il importe, au nom de la falsifiabilité, de souligner l’exigence de la coopération ou de la collaboration scientifique pour que tout le monde contribue, à sa façon et dans son contexte socioculturel, à ce progrès scientifique auquel aspire l’humanité tout entière. Si la falsifiabilité permet à une théorie de s’ouvrir aux tests d’autres expériences de celles qui l’ont fait naître, c’est que la science ne refuse pas l’apport de tout le monde. La corroboration elle-même en résulte.
En outre, si la mondialisation était saine, elle constituerait ce milieu privilégié pour cette coopération scientifique parce qu’elle permettrait non seulement des prouesses scientifiques inédites mais aussi à certains de mettre leur génie au service de la science. Ainsi le transfère des technologies trouve sa raison d’être dans la mesure où il épargnerait beaucoup de peuple à ne consommer que ce que produisent les autres mais, à contribuer de manière significative au développement de leurs pays et du monde. Ceci suppose également une volonté de la part de ceux qui sont plus avancés dans les recherches scientifiques de faire accéder tout le monde à cette science. Néanmoins que cette coopération scientifique soit accompagnée d’une éthique pour que certains dirigeants n’orientent pas les découvertes scientifiques vers la destruction de l’humanité. Enfin notre effort a consisté à montrer que qu’à partir de la falsifiabilité, il y a lieu de concevoir une possibilité de coopération scientifique pour que tout le monde contribue à sa façon et dans son contexte socioculturel, au progrès scientifique. Nous pensons que le monde sera moins humain si certaines personnes détournent la science de son idéal premier, la quête de la vérité. Car Le mystère de la science doit aider à découvrir le fondement de l’existence humaine et celui-ci n’est pas l’affaire d’une minorité, mais de tous.

IV- Approche critique de la falsifiabilité de Popper
La falsifiabilité de Karl Popper a apporté une nouvelle vision de la science en ce sens que celle-ci été obligée de sortir de sa stabilité positiviste à travers le critère de falsifiabilité; toutefois cette entreprise de Popper n'est pas pour autant parfaite et a fait l'objet de plusieurs critiques.

I- Intérêt épistémologique
L’une des caractéristiques de la pensée de Popper est l’immense portée de son influence intellectuelle. Il a été apprécié par de nombreux scientifiques comme rarement les philosophes l’ont été avant lui : en effet, l’intérêt qu’il a suscité chez les scientifiques est véritablement sans précédent En effet, l'originalité de sa pensée se précise sur le fait qu'il ait apporté la lumière sur le problème fondamental en philosophie des sciences à savoir la démarcation qui est la question de la distinction entre ce qui relève de la science ou de la métaphysique. Dans son livre intitulé « Les deux problèmes fondamentaux de la théorie de la connaissance », Popper explique que le problème de la démarcation est également identifiable au « problème de Kant » auquel il prétend apporter une solution originale, tout comme pour le problème de l'induction, appelé « problème de Hume ». Ainsi, le célèbre critère de démarcation proposé par Karl Popper, provient de son invalidation de la doctrine de l'induction, qui se caractérise par une solution au problème de l'induction, laquelle consiste à démontrer, qu'il n'y a tout simplement pas d'induction, ou que l'induction n'est qu'un mythe.
Considérant donc la méthode scientifique de l'induction, comme un mythe. Popper pense qu'aucune loi scientifique n'a jamais pu être édifiée par une procédure inductive, et qu'une telle croyance repose toute entière sur une version erronée de la théorie de la connaissance s'apparentant à celle du sens commun. Il soutient, de façon répétée dans toute son œuvre, qu'il n'y a pas d'induction à proprement parler, puisque toute observation est précédée par une théorie générale et sélective, et parce que toute justification d'un principe d'induction sombre irrémédiablement dans la régression à l'infini, parce que, explique Popper, « pour le justifier, nous devrions pratiquer des inférences inductives [il serait particulièrement contradictoire qu'un inductiviste ait recours à des procédures déductives pour justifier son principe d'induction !...] et pour justifier ces dernières nous devrions assumer un principe inductif d'un ordre supérieur et ainsi de suite. La tentative visant à fonder le principe d'induction sur l'expertise échoue donc puisque celle-ci doit conduire à une régression à l'infini » .
Il est également à préciser que Karl Popper adoptera une position plus nuancée vis-à-vis du statut de la métaphysique dans les sciences empiriques. En effet, il était d'accord, dans l'absolu, avec l'idée que l'une des tâches importantes de toute science empirique était de remplacer progressivement ses énoncés métaphysiques par des lois universelles corroborées par des tests empiriques, et accordait une certaine valeur à la métaphysique arguant du fait que l'histoire des sciences empiriques montrerait qu'elles sont « presque toujours sorties du giron de la métaphysique et que le point de vue selon lequel la métaphysique devrait être éliminée comme « non scientifique » est lui-même expressément contesté par de nombreux représentants de ces sciences » . Cependant il fallait trouver une solution au problème de la démarcation lequel pouvait être formulé à partir de quelques questions : « Qu'entend-on exactement par ces expressions de métaphysique et de science empirique ? Peut-on ici, en général, établir des distinctions rigoureuses, des limites précises ? » .La réponse que donne Popper à ce problème est que « la théorie de la connaissance doit établir un critère rigoureux et universellement applicable permettant de distinguer les propositions des sciences empiriques des assertions métaphysiques (critère de démarcation » .

2- Les limites de la falsifiabilité de Popper

La falsification poppérienne soulève quelques incompréhensions. Le fait que la dite réfutation ignore toute possibilité de confirmation est un cas très particulier et très grave pour l’avenir de la science. En effet, Popper n’a jamais voulu que ce qu’il appelle « corroboration » tienne lieu de confirmation. Ce qui nous met dans l’étrange situation dans laquelle on peut déclarer invalides des théories, sans jamais en déclarer aucune qui soit valide. De plus, il y a des tentatives de réfutation qui échouent ; donc il n’y a pas de falsifications qui soient certaines. Notons au passage que, curieusement, Popper fut le premier à expliciter qu’une décision pouvait émaner du consensus en ce qui concerne les réactions d’une communauté scientifique, comme le pensera Kuhn.:« Chaque fois que nous soumettons une théorie à des tests, qui la corroborent ou qui la falsifient, nous devons nous arrêter à un énoncé de base que nous décidons d’accepter.[...] Il est assez facile de voir que nous en arrivons ainsi à ne nous arrêter qu’à une espèce d’énoncé particulièrement facile à soumettre à des tests. Ceci revient en effet à s’arrêter à des énoncés sur l’acceptation ou le rejet desquels les divers chercheurs peuvent s’entendre. Et s’ils ne s’entendent pas, ils poursuivront tout simplement leurs tests ou les recommenceront tous. S’ils n’obtiennent pas plus de résultats de cette manière, nous pourrions alors dire que les énoncés en question ne pouvaient pas être soumis à des tests intersubjectifs ou, qu’après tout, ils ne traitaient pas d’événements observables »
Mais ce qui est très grave, c’est l’obnubilation de Popper à l’égard de la vérification ou de la confirmation : du point de vue de Popper il reste que le critère de démarcation entre une hypothèse scientifique et une pseudo-hypothèse est bel et bien constitué par la réfutabilité et donc la falsification, et non par la vérifiabilité ni la confirmabilité . De même encore, Popper fait une distinction difficile à comprendre entre le critère de falsifiabilité pour le caractère empirique d’un système d’énoncés et les règles de la falsification. On voit que ce qui joue à la place de l’induction, ce sont pour Popper des indices de « vérisimilitude », un concept se rapportant à la comparaison entre les théories. Alors même qu’il est question chez Popper d’une approche de la vérité ou encore d’indices de « vérisimilitude », les concepts de Vrai et de Faux n’ont pas cours dans son épistémologie ni vraisemblablement dans sa logique ce qui laisse croire que celle-ci serait alors une logique sans vrai ni faux .
D’ailleurs, explicitement, Popper affirme qu’on n’a pas besoin de dire qu’une théorie est « fausse » : « Il n’est pas nécessaire de dire que la théorie est ‘fausse’ ; nous pouvons dire qu’elle est en contradiction avec un certain ensemble d’énoncés de base acceptés » . Il s’exprime ainsi dans un contexte dans lequel les concepts de ‘vrai’ ou de ‘faux’, sans être interdits dans sa logique scientifique , peuvent pourtant être évités. Popper veut les éviter pour n’avoir pas à revenir sur une vérité qui, proclamée hier, serait déclarée fausse aujourd’hui : En bref pour le falsificationnisme, on peut relever qu’il n’y a pas de falsification certaine et qu’il n’y a pas de vérification du tout ; qu’il n’y a de théories ni vraies ni fausses ; qu’il existe des vérifications inattendues comme celle de l’existence de Neptune, calculée par rien d’autre que ce qui suit :il n’y a pas de théorie vraie ; il y a des théories falsifiées ; il y a des théories non encore falsifiées.




















CONCLUSION

Parvenus au terme de notre investigation où il était question de signifier l’objectivité de la vérité scientifique chez Karl R. Popper, il sied de rappeler que dans un premier temps notre réflexion à porté sur une remise en cause avec Popper de la conception dite erronée de la science, véhiculée par l’idéologie néo-positiviste du cercle de Vienne. Cette conception prônait une méthode inductive basée sur l’observation et l’expérimentation, considérait les théories scientifiques comme inflexibles et définitives. L’image de la vérité qui se dégageait, était celle d’une vérité absolue, certaine et indubitable. La connaissance scientifique se présentait comme une succession de vérités éternelles.
Ensuite, il était question de présenter ce qui semble aux yeux de Popper, l’image réelle de la science, celle d’une activité en révolution permanente, d’une quête sans cesse renouvelée de la vérité. La science emprunte une démarche hypothético-déductive, celle des conjectures et réfutations. Cette méthode poppérienne de la science fait de la théorie scientifique, une vérité conjecturale, une vérité provisoire ou encore une approximation de la vérité. Dès lors la connaissance scientifique cesse d’être une vérité définitive et certaine. Ensuite, la falsifiabilité est une force génératrice du progrès de la science. La science évolue non seulement par essais-erreurs, mais aussi et surtout par l’apport de tous pour une corroboration qui donne lieu à une exigence de coopération scientifique. Au nom de la falsifiabilité, la science ne tolère plus le monopole d’idées.
Cependant, malgré cette approche poppérienne si fructueuse soit-elle, nous avons décèle en elle quelques faiblesses en nous appuyant sur des auteurs tels que Kuhn et Feyerabend
Toutefois, au-delà de tout, achevons cette investigation philosophique en reconnaissant l’originalité de Popper. En effet, en suggérant la méthode des conjectures et réfutations, Popper rétablit l’activité théorique dans le processus d’acquisition ou d’édification de la connaissance scientifique et de son empirisme anti-inductiviste font de lui un des piliers de l’épistémologie contemporaine.

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